Le Rémouleur et la meûnière

Le Rémouleur et la meûnière, divertissement en un acte, de Piis. 17 ventôse an 8 [8 mars 1800].

Théâtre des Troubadours

Almanach des Muses 1801

La Meûnière Marguerite, jeune veuve, est recherchée par tous les jeunes gens du canton, et sur-tout par M. Robert, aubergiste du voisinage ; mais celui-ci ne plaît point. Un Remouleur arrive au village, rapportant mille écus, fruit de ses courses et de ses travaux. Il avait demandé, dix-huit mois auparavant, la main de Marguerite, qui l'avait refusée. Le Remouleur veut se présenter à nouveau ; et par le moyen de l'aubergiste, ilécrit trois lettres sous les noms de Mathieu, Grégoire et Alain Degraci. La Meûnière est indécise ; elle veut connaître ses trois soupirans. Mathieu est brusque et emporté, il ne lui convient pas ; Grégoire lui déplaît par ses folies ; Alain l'enchante par sa timidité : elle l'accepte pour époux. Robert croit d'abord que tout cela n'est qu'un jeu ; mais lorsqu'il voit que la chose est sérieuse, il renonce à ses prétentions sur Marguerite.

Des tableaux vrais et aimables ; des couplets gais, fins et spirituels.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez le Libraire au Théâtre du Vaudeville, an VIII :

Le Rémouleur et la Meunière, divertissement en un acte. Par le citoyen Piis. Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre des Troubadours, le 17 ventose, an 8.

Le couplet d'annonce chanté avant la première représentation :

Air : Trouveriez-vous un parlement ?

Des Français le coffre était plein
Au tems du Moulin de Javelle ;
Par les Pommiers et le Moulin
La chance,
à l'Opéra, fut belle :
Si le Moulin de Sans-Souci
Au
Vaudeville a su vous plaire,
Les
Troubadours peuvent aussi
Avoir un moulin qui prospère.        (
bis.)

Le Moulin de Javelle est une comédie en un acte de Dancourt et d'un certain Michaut, avec un divertissement de Gilliers, jouée le 7 juillet 1696 sur le Théâtre français.

Courrier des spectacles, n° 1100 du 18 ventôse an 8 [9 mars 1800], p. 2 :

[Les moulins ont fleuri sur tous les théâtres, c’est donc le tour des Troubadours de présenter le leur. La pièce raconte une histoire sentimentale, celle d’une meunière courtisée par unr émouleur et un aubergiste. Le rémouleur se présente sous une triple identité, trois frères entre lesquels la meunière doit choisir. L’aubergiste, qui a aidé le rémouleur ne peut que constater sa défaite : le rémouleur a gagné le cœur de sa belle meunière, et tout s’achève par un beau divertissement sur le thème de la rotation : du moulin, de la meule, de la broche, de la vielle. Le critique porte un jugement très favorable sur la pièce, qui marque une heureuse rupture avec les vaudevilles habituels, faits de tours de force et de coups de fouet. Il est au contraire fait de « tableaux vrais, aimables », les couplets sont « tournés avec esprit, finesse et gaîté ». Qualité remarquable : il est digne de ce que jouait le Théâtre Italien « il y a une quinzaine d’années » (vers 1785 ?). On sent la nostalgie d’une autre époque. L’auteur est nommé, tout comme les deux interprètes principaux, remarquables.

Le Moulin de Javelle est une comédie de Dancourt, de 1696, d'après la base César.]

Théâtre des Troubadours.

Le Moulin de Javelle aux Français , les Pommiers et le Moulin à l’Opéra , et le Moulin de Sans-Souci au Vaudeville, ont chacun, dans leur tems, attiré la foule.

Les Troubadours peuvent aussi
Avoir un Moulin qui pro père.

Tel est le second couplet d’annonce de la petite pièce, donnée hier à ce théâtre, sous le titre du Remouleur et la Meunière, divertissement en un acte.

Marguerite, jeune veuve et meunière, est recherchée par tous les jeunes gens du canton, et par M. Robert, aubergiste du voisinage. Mais celui-ci a contre lui les années, et la meunière rit de ses prétentions Un remouleur arrive au village, rapportant de ses courses une somme de mille écris comptant. Il a déjà, il y a dix-huit mois, demandé Marguerite en mariage ; mais elle lui a fait dire : Dit’s’y qu’il r’passe. Il s’agit de se présenter de nouveau, et par le moyen de l’aubergiste qui veut se venger, il écrit trois lettres qu’il signe des noms de Mathieu, Grégoire et Alain Desgrais. Notre meunière qui n’est pas peu coquette, lit ces lettres, et flattée d’être l’objet des vœux des trois frères, elle prie Robert de lui envoyer l’ainé, c’est Mathieu Desgrais ; il a mille écus, le ton brusque, emporté. La meunière est indécise, elle veut voir le second. Grégoire Desgrais, pauvre, enjoué, vif, pressant, la dégoûte bientôt par ses folies et ses étourderies ; enfin, Alain se présente. Timide, respectueux, son abord l’enchante. Il lui rappelle qu’il l’a rencontrée jadis à la foire de Magny, où sa vue donna naissance à son amour. La meunière est au comble de la joie, elle se livre à Alain ; et Robert, qui croit que tout ceci n’est qu’un jeu est détrompé et forcé de renoncer à toutes ses prétentions. Cela finit par un divertissement, où les paysans et meuniers forment une ronde ; le moulin, la meule, la broche du restaurateur et la vielle d’une jeune paysanne offrent en tournant le coup d’œil le plus agréable.

Il n’y a point dans ce vaudeville de tours de force, de ces coups de fouet, qui font, en grande partie, le succès des vaudevilles modernes ; mais on y voit des tableaux vrais, aimables, des couplets tournés avec esprit, finesse et gaîté ; en un mot, c’est une jolie production que le théâtre Italien eût joué, il y a une quinzaine d’années avec ces opéra-comiques, où les mœurs et les amours de la campagne sont peints -avec tant de vérité

L’auteur est le citoycn Piis. Le citoyen Frédéric, qui se perfectionne de jour en jour, a bien saisi les divers caractères de ses rôles ; il chante avec tout le goût qu’on lui connoît ; et Mlle. Delille a réuni tous les suffrages dans le joli rôle de la Meunière.

Œuvres choisies d'Antoine-Pierre-Augustin de Piis, tome II, Théâtre (Paris, 1810), p. xv-xvi :

[Plutôt que de rédiger lui-même des critiques sur les pièces de Piis qu'il publie, l'éditeur propose les critiques parues dans la presse, Esprit des Journaux et Journal de Paris. Les articles concernant Le Rémouleur et la meunière mettent particulièrement en lumière les tensions existant dans le milieu étroit des auteurs de vaudevilles, Piis étant pour cette pièce en conflit avec ses anciens associés.]

Extrait du Journal de Paris du 19 ventôse an 8. (Mars 1799.)

[Le 19 ventôse an 8 correspond en fait au 10 mars 1800...]

Le Rémouleur et la Meunière, divertissement en un acte, a obtenu avant-hier sur le théâtre des Troubadours un succès complet : il y règne un excellent ton de gaieté; la plupart des couplets sont piquans et tournés avec grâce; en un mot, c'est une des plus jolies bagatelles que les joyeux enfans du Vaudeville aient laissé échapper de leur portefeuille. L'auteur a été demandé et nommé : e'est M. de Piis, dont les succès sur la scène villageoise sont trop nombreux pour être comptés.

Frédéric, chargé du rôle principal, paraît sous trois déguisemens différens, et caractérise chacun de ses personnages avec beaucoup d'intelligence. Le rôle de la meunière est aussi très-bien joué par madame Delille.

Extrait du même Journal.

On joue depuis quelques jours au théâtre Montansier un des plus jolis vaudevilles qui aient été faits depuis dix ans, (le Rémouleur et la Meunière) de M. de Piis. Cette charmante pièce, destinée au théâtre du Vaudeville, resta pendant trois ans dans les cartons du théâtre de la rue de Chartres, sans que l'auteur (inventeur et co-fondateur de l'établissement) pût. en obtenir la représentation, tant les intérêts de la vanité l'emportent sur toutes les autres considérations. Ce qu'on aura plus de peine à croire, dit aujourd'hui un journaliste, c'est que M. de Piis l'ayant fait jouer, par suite de ces désagrémens, sur le théâtre des Troubadours, les actionnaires du Vaudeville soient partis de là pour suspendre depuis nombre d'années le paiement de sa pension de 4,ooo francs, et pour priver le public de tous ses ouvrages.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, V. année, tome sixième (an VIII.-1799), p. 418 :

Théâtre des Troubadours.

Le Remouleur et la Meunière.

Le C. Piis a quitté la société du Vaudeville, et s'est réuni à celle des Troubadours. Il y a donné la petite pièce que nous annonçons, et qui a eu beaucoup de succès; elle a été jouée le 17 ventôse.

Un jeune rémouleur, Alain Desgrais, est amoureux de Marguerite, jeune meunière ; il se présente à elle sous des déguisemens qui lui déplaisent ; ce n’est qu'en se présentant sous son véritable nom qu’il charme la meunière, et supplante son rival le vieux Robert. Une gaîté soutenue remplace les épigrammes qui sont aujourd’hui le fonds de nos vaudevilles, et un fort joli divertissement qui termine la pièce, a fait le plus grand plaisir.

Le C. Fréderic et la C.e Delisle ont très-bien joué les rôles du rémouleur et de la meunière.

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