Racine, ou la Chûte de Phedre, comédie en deux actes mêlée de vaudevilles, de Sewrin et Chazet, 29 septembre 1806.
Théâtre du Vaudeville.
Almanach des Muses 1807.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Cavanagh, 1806 :
Racine, ou la Chûte de Phèdre, comédie en deux actes et en vers, Mêlée de Vaudevilles ; Par MM. Sewrin et Chazet. Représentée à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 29 Septembre 1806.
Courrier des spectacles n° 3521 du 30 septembre 1806, p. 2-3 :
[Le sujet de la pièce s’inspire des difficultés qu’a connues Racine à la création de Phèdre et de sa rivalité, réelle ou supposée, avec Pradon. Après avoir fait un peu d’histoire littéraire telle qu'on la conçoit en 1806, le critique raconte l’intrigue, en employant le verbe significatif « ont supposé », parce qu’il ne reste pas grand chose de sûr ni de vraisemblable dans ce qui est raconté : intrigue amoureuse, arrestation de Racine, intervention de Boileau, mariage par ruse. La pièce a échoué, et le critique en donne l’explication : d’abord, elle présente Racine sous un mauvais jour un esprit faible, que Boileau doit écarter de son idée de se faire chartreux ; puis la scène où une actrice du vaudeville récite des vers de tragédie : c’est un fiasco (et on sent tout le préjugé du critique, seule une tragédienne peut réciter des vers de Phèdre ; et le personnage de Julie, qu’épouse Racine, ne sert à rien, pas plus que l’apparition de Pradon, qui « ne tient presque en rien à l’action ». Les couplets, planche de salut habituel des pièces de ce genre n’ont rien pu pour elle, d’autant que la pièce, écrite en vers a été confiée à des acteurs ne sachant pas les réciter, et qui les ont estropiés. Le seul rôle bien fait, c’est finalement celui de Boileau dont le « ton gai et piquant contraste très-bien avec l’air contrit et repentant de Racine ». Le critique s’attendait à voir sur la scène les grandes figures de l’hôtel de Rambouillet, mais les auteurs ont préféré ne pas montrer « les grands personnages de la cour : ils n’ont mis sur la scène « qu’un pauvre pédant ». Sur le nom de Racine un nombreux public était présent, mais ni les loges, ni le parterre n’ont soutenu la pièce, et une dernière phrase laisse planer un soupçon de cabale.]
Théâtre du Vaudeville.
Racine, ou la Chûte de Phèdre.
Les littérateurs n’ont pas encore pu concevoir comment, dans un siècle aussi éclairé que celui de Louis XIV, la Phèdre de Pradon réussit et celle de Racine tomba ; ce ridicule arrêt, cassé par la postérité , fut, suivant toute apparence, acheté par le Duc de Nevers, Mad. de Bouillon, etc , qui avoient à leurs ordres des subalternes dévoués. II ne faut pas toujours s’en rapporter au jugement des salons ; les meilleures pièces de Moliere et de Racine seroient tombées par l’autorité des Salons, si elles n’avoient pas eu pour protecteur le jugement droit et sage de Louis XlV. On sait jusqu’à quel point l'hôtel de Rambrouillet cabala pour Pradon contre Racine.
C’est cet événement si remarquable dans l'Histoire de la république des lettres, qui a servi de base à la pièce donnée hier au Théâtre du Vaudeville, sous le titre de Racine, ou la Chûte de Phèdre.
Pour nourrir leur intrigue, les auteurs ont supposé que Pradon, déjà rival de Racine pour Phèdre, l’étoit aussi dans .ses amours ; il invente même des griefs contre son illustre ennemi, le dénonce au duc de Nevers comme l’auteur du fameux sonnet, et obtient qu’il soit arrêté, lorsque Boileau qui épie les démarches de l’intrigant, et qui est, dans la pièce, la Providence de son ami Racine, montre un ordre du Roi, qui rend à l’auteur d’Esther sa liberté, et lui donne la place d’historiographe.
Cette pièce n’a pas eu de succès. Son grand défaut est de montrer Racine sous un jour peu favorable. On en a fait un esprit foible, qui, pour la chute d’une pièce, veut se faire chartreux, qui est toujours prêt à faire son meâ culpâ, et réciter son acte de contrition. Boileau est là pour lui remettre le cœur au ventre ; mais il trouve si peu d’étoffe, qu’il est obligé de faire croire à -Racine qu’il vent aussi se faire chartreux. Il lui fait même signer un acte de soumission au réglement du couvent ; mais quand ils sont prêts à se faire tondre l’un et l’autre, Racine s’apperçoit que c’est un acte de mariage avec Julie son amante.
Un autre tort a été d’introduire Mlle. Champmêlé, qui vient réciter devant Racine la scène de la déclaration dans la tragédie de Phèdre ; ça été une grande imprudence de vouloir faire réciter cette scène à Mad. Bellemont, qui ne pouvoit nécessairement soutenir le parallèle avec Mlle. Duchesnois ; aussi ce morceau n’a-t-il eu aucun succès ; et ce qui le rendoit encore plus bisarre, c’est que la grande scène tragique étoit relevée par un air de vaudeville d’un ton très-jovial.
Un troisième défaut, c’est que l’amour de Racine avec Julie est presque absolument inutile, et ne produit aucun effet. Mlle. Desmares qui en étoit chargée, n’y a déployé ni le talent ni la grâce qui la distingent [sic] habituellement.
Enfin l’apparition de Pradon ne tient presque en rien à l’action, dont les parties sont peu liées ensemble. Les. couplets, dont quelques-uns sont aimables, n’ont cependant pu sauver la pièce, elle est écrite en vers ; mais les acteurs accoutumés à la prose, les ont estropiés pour la plûpart.
Le rô1e de Boileau est bien fait ; c’est éminemment le personnage principal de la pièce ; son ton gai et piquant contraste très-bien avec l’air contrit et repentant de Racine. On s’attendoit à voir dans la pièce une partie de l’hôtel de Rambouillet ; mais les auteurs ont respecté les grands personnages de la cour, et n’ont immolé qu’un pauvre pédant dont le courroux n’est jamais dangereux.
Le nom de Racine avoit attiré une foule considérable. Plusieurs hommes et femmes-de lettres occupoient les premières loges ; on désiroit un succès, on n’a eu que le désagrément d’une chûte. Le parterre s’est montré très-rigoureux. On assure même que quelques Pradons ont conspiré contre Racine.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des sciences, année 1806, tome V, (septembre 1806), p. 472 :
Racine, ou la Chute de Phèdre, en deux actes et en vers.
Cette pièce annonçait plus de prétention [que la pièce dont il vient d'être question, et qui est exécutée en moins de deux lignes, le Manteau, une arlequinade], et n'a pas eu plus de bonheur. Quelques jolis vers n'ont pu sauver les défauts du plan et l'absence du comique.
L'Opinion du parterre, ou Revue des théâtres, quatrième année (février 1807), p. 223 :
[Ce que retient l'Opinion du parterre, c'est l'incongruité de placer la tirade de Phèdre dans la bouche d'une actrice du Vaudeville, initiative que le public n'accepte pas plus que le critique. Chacun à sa place ! Pas de confusion des genres !]
29 Septembre.
Première de Racine, ou la Chute de Phèdre, vaudeville en deux actes, en vers. Chazet et Sewrin. Chute. Dans cette pièce, madame Belmont jouait le rôle de la Champmeslé ; les auteurs lui faisaient répéter la fameuse déclaration de Phèdre ; et l'actrice, flattée de rivaliser un moment les Reines de la tragédie, avait consenti à subir une comparaison dangereuse. Le public avertit un peu durement les auteurs et l'actrice de l'inconvenance de cette tirade dans la bouche de celle qu'il applaudit si souvent lorsqu'elle chante de jolis couplets, mais qu'il ne peut pas voir sortir de son vrai genre.
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