Richardet et Bradamante, mélodrame comédie en trois actes à grand spectacle, sujet tiré du poème de l'Arioste, de Caigniez, musique de Quaisain et Darondeau, ballets de Richard, 13 nivôse an 13 [3 janvier 1805].
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
La pièce porte parfois comme sous-titre « les fils Aymon ».
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 13 (1805) :
Richardet et Bradamante, mélo-drame en trois actes, sujet tiré du poëme de l'Arioste, chant 25e. Par M. Caigniez. Représenté, pour la première foi, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, le 13 nivose an xiii. (3 janvier 1805.)
La liste des personnages précise que la même actrice joue les deux rôles de « Richardet, le plus jeune des fils d'Aymon » et de « Bradamante, femme guerrière, sœur de Richardet ».
Courrier des spectacles, n° 2873 du 5 janvier 1805, p. 3-4 :
[La pièce nouvelle rompt avec les codes habituels du mélodrame : pas de poignards, d'empoisonnements, de cavernes, de spectres ; la pièce suscite de façon neuve le rire et l'intérêt en exploitant les ressources d'un épisode du Roland furieux de l'Arioste. Richardet se présente chez la Princesse (elle n'a pas de nom...) sous l'identité de sa sœur Bradamante, en profitant de leur très grande ressemblance. L'auteur a su éviter le reproche d'inconvenance en limitant le séjour du beau chevalier à un seul jour, et non un mois comme chez l'Arioste, mais le dénouement est le même : découvert, Richardet es mené au bûcher, mais ses frères et sœur le délivrent. « Pour augmenter l'intérêt », Caigniez a ajouté un rival qui courtise aussi la Princesse, et un personnage ridicule, qui dénonce Richardet. Ce rôle est joué par le même acteur que celui de Bradamante, difficulté que Caigniez a su surmonter. La pièce a eu du succès, les interprètes ayant « joué d’une manière très satisfaisante ». L'actrice qui jouait à la fois Richardet et Bradamante a montré ses qualités d'intelligence, de rapidité dans ses changements de costume, son adresse dans les combats. Les ballets, les décors, les costumes sont remarquables (rien pour la musique ?). L'article s'achève par la liste des auteurs, texte, musique, ballets.]
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Richardet et Bradamante.
Il est donc vrai que l’on peut réussir dans le mélodrame sans avoir recours aux poignards, aux empoisonnemens , aux cavernes, aux spectres, et à toutes les horreurs qui font transir de peur les pauvres enfans, et métamorphosent les acteurs en furieux des Petites-Maisons ou en convulsionnaires de St.-Médard. Cette pièce est d’un genre neuf et original, et l’auteur a atteint le double but qu’il s’étoit proposé, d’exciter à la-fois le rire et l’intérêt ; aussi quel modèle plus riant pouvoit il choisir que l’Arioste ! L’épisode de Richardet et de Bradamante est une des inventions les plus gaies et les plus jolies de Roland le Furieux. Ce sujet n’avoit point encore clé traité, par la difficulté sans doute de le mettre décemment en scène. M. Caigniez a sçu vaincre cette difficulté. Voici le sujet en deux mots :
Richardet profile de son extrême ressemblance avec sa sœur Bradamaute, pour séduire une Princesse qui, trompée par les habits d homme que portoit habituellement cette guerrière, en étoit devenue amoureuse. Dans 1'Arioste, Bradamante ne passe qu’un jour à la cour de la Princesse, et Richardet y passe un mois. Ce séjour étoit trop long pour le théâtre, et l’honneur de la Princesse exigeoit qu'on l’abrégeât. On pardonne un jour d’erreur, mais un mois ! c’est un endurcissement que 1'on ne permet pas. L’auteur a donc réformé son modèle sur ce point, et Richardet- ne passe qu’un jour chez la Princesse, et toujours sous les yeux du public. Il est vrai que l’on n'a pas prévu les inconvéniens des entr’actes, et que la catastrophe finit par être à-peu-près la même que dans le poème : la supercherie de Richardet est découverte ; il est arrêté, condamné au bûcher ; mais délivré bientôt par sa sœur Bradamante, Renaud-de-Montauban et Richard ses frères.
Pour augmenter l’intérêt, l’auteur a introduit dans son action un rival qui vient disputer la Princesse. Cet incident rend trés-piquante la situation du jaloux Richardet, que tout le monde croit une femme. On y voit aussi un Sénéchal Codardo, personnage ridicule, qui dénonce Richardet. Ce rôle d’un genre comique jette beaucoup de gaîté dans la pièce ; mais les rôles de Richardet et de Bradamante sont joués par le même acteur.
C’est une difficulté que s’est créée l’auteur, et qu’il a vaincue avec succès, car il falloit motiver les raisons qui les empêchent de se trouver ensemble. Quoique Colalto eu eût donné l’exemple dans les Trois Jumeaux Vénitiens, il falloit néanmoins dans un sujet tout différent des combinaisons toutes différentes et ce travail n’étoit pas sans difficultés.
Ce mélodrame, qu’on a beaucoup applaudi, a été joué d’une manière très satisfaisante : M. Molcourt a saisi fort plaisamment la caricature du sénéchal Codardo : mais cette pièce est sur-tout le triomphe de Mlle. Bourgeois, qui est chargée des rôles fatigans de Richardet et de Bradamante. Les amateurs ont admiré successivement son intelligence dans tout son jeu, sa célérité à se multiplier sous sa double métamorphose, son adresse et sa vigueur dans les combats. Les ballets sont agréablement dessinés et exécutés avec précision, les décorations sont soignées, et les costumes de la plus grande fraîcheur. La pièce est, ainsi que nous l'avons dit, de M. Caigniez, la musique de MM. Quaisain et Darondcau, et les ballets de M. Richard.
Florence Naugrette et Jean Maurice, « Renaut de Montauban ou Les quatre fils Aymon. De la Bibliothèque bleue aux scènes populaires parisiennes du XIXe siècle », Études littéraires, volume 37, n° 2 (printemps 2006), p. 105 :
Le mélodrame de Caigniez (1805) est directement inspiré d’un épisode du Roland furieux :le plus jeune des quatre fils Aymon, Richardet, est amoureux d’une princesse qui a pour tendre amie sa sœur Bradamante. À la faveur de la ressemblance entre frère et sœur (joués par la même actrice), la princesse est abusée par Richardet, qui prend la place de Bradamante en se travestissant pour l’approcher. Le scandale découvert, Richardet risque sa tête, mais est sauvé in extremis grâce à Renaud : tout se termine par un mariage.
Tout en reprenant les personnages et les événements de la chanson de geste médiévale, le mélodrame fait disparaître la grandeur épique au profit d'u comique, voire du grotesque :
Le comique est garanti par la fin toujours heureuse des intrigues, assuré par d’ultimes coups de théâtre providentiels, conformément aux attentes d’un public en quête de divertissement. Il provient aussi de l’invention de personnages ou de situations grotesques : chez Caigniez, la maladresse de Richardet travesti en femme et ne sachant comment s’y prendre pour serrer avec douceur la princesse dans ses bras. (ibidem, p. 107).
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