Le Salomon de la rue de Chartres, ou les Procès de l'an 10, revue épisodique en un acte mêlée de vaudevilles, de René de Chazet et Jean-Baptiste Dubois, 11 brumaire an 11 [2 novembre 1802].
Théâtre du Vaudeville
Almanach des Muses 1804
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Martinet, an XI – 1802 :
Le Salomon de la rue de Chartres, ou les Procès de l'an Dix, revue épisodique, vaudeville en un acte. Par MM. Chazet et Dubois. Représenté pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville, le 11 brumaire an XI.
Courrier des spectacles, n° 2067 du 12 brumaire an 11 [3 novembre 1802], p. 2-3 :
[La pièce a obtenu un grand succès; évident dès les premiers couplets pleins « d’esprit, de finesse et de malignité » où l’on reconnaît sans peine la patte de Chazet, assisté de Dubois. Bien sûr, il ne s’agit qu’un d’un vaudeville, et on n’y trouve guère de plan, d’intrigue, de scènes. Mais il contient tant d’esprit qu’on pourrait parler d’abus, un esprit utilisé avec malignité, ou un esprit à la gloire d’« artistes célèbres ». Il y a beaucoup de « couplets très-agréables et joliment tournés ». Après en avoir désigné deux « sur la Sympathie, et sur les Walseurs », mais sans les reproduire, il en donne deux sur un libraire qui ne veut vendre que de l’ancien, et auquel on rétorque que bien des modernes valent les anciens. Un troisième couplet est consacré à rappeler la mémoire de l’auteur de « notre bon Vieux Célibataire », Collin d’Harleville. La suite de l’article donne ensuite l’analyse du sujet : deux amoureux qui demandent l’arbitrage de celui qu’on surnomme « le Salomon de la rue de Chartres » (c’est l’adresse du Théâtre du Vaudeville) pour savoir qui épousera la charmante Julie. Mais il faut d’abord s’assurer de la sagesse de ce nouveau Salomon, et la pièce fait défiler des duos de rivaux, peintres, spectateurs (l’applaudisseur et le siffleur), qualités sociales (la Morale et la Danse), libraire et auteur. A chaque fois, le sage sait déterminer qui vaut mieux que l’autre, et il peut donc appliquer sa méthode aux deux amants : il désigne celui qui plaît le plus à la jeune fille comme à son père. Un dernier mot pour faire l’éloge de deux des acteurs, et plus particulièrement de l’un d’eux, qui a su donner à son personnage « cette aimable gégèreté qui en constitue le caractere ».]
Théâtre du Vaudeville.
Le Salomon de la rue de Chartres ou les Procès de l’An X, tel est le double titre d’un vaudeville donné hier pour la première fois à ce théâtre et qui y obtint un très grand succès. Dès les premiers couplets il fut aisé de reconnoître la touche d’auteurs qui joignent à une grande facilité beaucoup d’esprit, de finesse et de malignité. Aussi ne fut-on pas étonné d’entendre nommer M. Chazet, qui a eu pour collaborateur M. Dubois.
Nous ne prétendons point faire l’éloge du sujet, du plan, de l’intrigue, ni même des scènes de cet ouvrage ; mais il s’agit d’un vaudeville, et dans ce genre l’esprit supplée presque a tout. Or, les auteurs l’ont si peu ménagé, qu’on pourroit dire qu’ils en ont abusé ; tantôt ils s’en sont servi malignement, tantôt ils l’ont employé à faire l’éloge d’artistes célebres. Avec de la mémoire on pourroit citer grand nombre de couplets très-agréables et joliment tournés. Nous nous contenterons d’en indiquer deux de facture, ceux sur la Sympathie, et sur les Walseurs. Le premier sur-tout est plein de délicatesse.
Nous citerons aussi deux couplets de la scène du libraire ; on lui demande s’il ne vend pas de livres, il répond : Quelques livres anciens.
Air : J’ai vu partout dans mes voyages.
Tous les modernes que j’honore
Ne valent pas nos bons aveux ;
Vieux, ils semblent jeunes encore,
Et un jour les jeunes sont vieux.
Je ne vends pas un nouveau livre,
Les anciens viennent m’enrichir ;
En un mot, les morts me font vivre
Quand les vivans me font mourir.
On lui répond : Ne dites pas de mal des modernes, ils peuvent remplacer les livres qui vous manquent.
Est ce Juvénal qu’on desire ?
Vous pouvez proposer Gilbert.
Est-ce Tompson que l’on veut lire ?
Vous pouvez offrir St-Lambert.
Est-ce l’aimable auteur d'Emile ?
Bernardin peut le retracer.
Si l’on vous demande Virgile,
Delille peut le remplacer.
On a accueilli la prédiction suivante avec l’enthousiasme dont on reçoit un bon augure.
J’ai dit qu’on verroit reparoître
Après de trop longues douleurs
Cet acteur que le ciel fit naître
Pour corriger gaiment les mœurs.
Oui, le moment viendra, j’espère,
Nous verrons, pour notre bonheur,
Notre bon Vieux Célibataire
Etre encor notre Séducteur.
Florval jeune fat et Melcour amant modeste, recherchent la main de Julie, et la demandent à son père, M. Dutour ; celui-ci veut donner sa fille à celui qui l’aime le plus : il desire s’en rapporter au jugement de Guilleret, surnommé, à cause de sa sagesse, le Salomon de la rue de Chartres. Avant de s’en rapporter à sa décision, les prétendans demandent à éprouver s’il mérite sa réputation. Pour y parvenir ils comparoissent devant lui sous des rôles différens, et lui soumettent. quatre décisions. Ce sont d’abord deux peintres qui se disputent le titre d’artistes. Pour les juger, Guilleret demande à acheter les tableaux sur lesquels chacun d’eux fonde ses droits. Leur prix fait, l’un en rabat plus d’un tiers, l’autre ne veut rien en diminuer ; ce dernier a la préférance. Paroissent ensuite Claque et Serpent, l’un voudroit se guérir de la fureur d’applaudir, l’autre de celle de siffler. Le moderne Salomon conseille au premier d’aller voir Pizarre, et au second de voir jouer Racine et Molière.
La Morale et la Danse se disputent ensuite l’avantage dans la société, Salomon-Guilleret l’accorde à la Danse jusqu’à douze ans, et veut que la morale lui succède à cet âge.
Viennent enfin un libraire et un auteur, ce dernier a fait le libelle qui a pour titre : Le Coup de fouet ; on se doute bien que le juge Guilleret n’aime point les 1ibelles, aussi l’auteur libelliste n’est-il pas bien traité.
Enfin nos amans convaincus de la sagesse du nouveau Salomon, s’en rapportent à son jugement ; il demande avant de le prononcer lequel des deux prétendans a reçu le plus de marques de bienveillance de la part de Julie. Florval le fat interprète en sa faveur jusqu’aux plus petits regards ; Melcourt est loin de se flatter d’avoir jamais rien reçu. A ce trait Guilleret reconnoit qu’il aime le mieux, et lui donne la préférence, que confirme le pere de Julie , et que celle-ci ne conteste point.
Nous ne finirons pas sans payer un juste tribut d’éloges aux cit. Duchaume et Julien : ce dernier sur-tout a parfaitement saisi le rôle de Florval, et lui a donné cette aimable légèreté qui en constitue le caractère.
[Le Coup de fouet ou Revue de tous les théâtres de Paris est une revue satirique qui parut à partir de 1802.]
La Décade philosophique, littéraire et politique, an 11, n° 5 du 20 brumaire, p. 312 :
Le Vaudeville est le seul théâtre où les nouveautés ne tarissent pas. Par malheur cette fécondité contribue très-peu à la gloire dramatique nationale. Nous donnerons prochainement en bloc la notice des pièces qui s'y sont données avec plus ou moins de succès. La dernière est une petite bluette épisodique intitulée : Le Salomon de la rue de Chartres. Ce Salomon là s'appellerait beaucoup mieux le Sancho-Pança. La pièce a beaucoup d'esprit et des couplets fort bien tournés ; mais très-peu de vraisemblance dans la conception du plan. Elle a parfaitement réussi : elle est des CC. Chazet et Dubois.
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