Le Séducteur amoureux, ou On ne veut pas le croire, comédie en trois actes et en vers, de Longchamps, 4 pluviose an 11 (24 janvier 1803).
Théâtre Français de la République.
Sur la première page de la pièce, le titre de la pièce devient le Séducteur converti.
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Titre :
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Séducteur amoureux (le), ou On ne veut pas le croire
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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vers
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Musique :
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Date de création
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4 pluviôse an XI (24 janvier 1803)
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Théâtre :
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Théâtre Français de la République
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Auteur(s) des paroles :
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Longchamps
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Almanach des Muses 1804
Césannes s'est acquis la réputation d'un roué. le hasard le conduit chez Adèle, jeune veuve, qu'il a perdue de vue depuis son enfance. Il en est sérieusement épris, et lui déclare son amour ; mais Adèle le persifle, rut de ses protestations, et le désespère, au point qu'il forme le projet de la fuir pour toujours. Adèle cependant n'a douté qu'à regret de l'amour de Césannes. Elle veut l'éprouver en lui donnant un rendez-vous au nom d'une jolie femme du voisinage. Elle l'épie, et l'entend qui promet de s'y rendre. On ne doute plus de sa perfidie, lorsqu'on apprend, qu'appelé en duel, il est allé se battre avec un étourdi qui avait osé calomnier Adèle. L'aimable veuve, bien persuadée qu'elle est aimée, n'hésite plus à donner sa main, et épouse son amant.
Fond un peu léger ; détails brillans ; dialogue spirituel. Du succès.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an XI – 1803 :
Le Séducteur amoureux, comédie en trois actes, en vers, Représentée pour la première fois, par les comédiens sociétaires du théâtre Français de la République, le 4 pluviôse an XI. Par Longchamps.
Courrier des spectacles, n° 2151 du 5 pluviôse an 11 [25 janvier 1803], p. 2 :
[La comédie nouvelle, due à un auteur célèbre, a eu du succès. Après un premier acte « bien rempli », l’intérêt a faibli, et le dénouement est jugé trop prévisible. Mais elle est bien écrite. Le critique regrette seulement la multiplication des scènes d’aveu, un peu trop uniformes. L’intrigue raconte les difficultés d’un « séducteur amoureux » : après avoir multiplié les aventures et s’en être vanté, le voilà amoureux, et il a bien du mal à faire admettre qu’il aime sincèrement celle à qui il a si souvent narré ses exploits. Ce changement lui vaut bien des difficultés, dont un duel, mais tout finit par s’arranger, et il obtient la main de celle qu’il aime. Si la pièce a eu du succès, elle le doit en bonne part à l’interprète masculin principal, bien secondé par la principale actrice. Les autres rôles ont été bien tenus, à part le rôle du rival du séducteur qui a « laissé à desirer pour son jeu et sa diction ». L’auteur, « vivement demandé », a été nommé. Et le premier consul a assisté à la représentation, salué avec enthousiasme. Et il s’est montré « affable »...]
Théâtre de la République.
Première représentation de On ne veut pas le croire , ou le Séducteur amoureux.
L’auteur de Ma tante Aurore au théâtre Feydeau vient d’obtenir un nouveau succès au théâtre Français. Le Séducteur amoureux a complètement réussi. Le premier acte sur-tout est bien rempli, le second a paru un peu vuide, et le troisième a offert un dénouement peut-être un peu trop prévu ; mais en général le style est spirituel, rapide et soigné, et les scènes fort agréables ; nous regrettons cependant que l’auteur ait mis trois fois son héros dans la même position, celle d’avouer son amour d’abord à la soubrette, puis à sa maîtresse et enfin à son oncle. Ces trois scènes présentent un peu trop d’uniformité.
Césanne élevé par son oncle et son tuteur M. de Varenne avec Adèle d’Ernange sa cousine, en a fait la confidente de tous ses amours et de toutes ses infidélités, et lui a révélé tous les secrets de son art, mais n’a jamais songé à la mettre au nombre de ses conquêtes. Adèle est veuve ; et après quelques mois d’absence, elle est venue habiter le château de son père où Césanne en devient sérieusement amoureux. Il cherche d’abord à gagner Florestine sa suivante, à laquelle il veut persuader qu’il aime sa maîtresse, mais elle ne veut pas le croire. Il profite d’une romance dont il est l’auteur, et qu’Adèle chante avec beaucoup d’expression pour lui avouer ses sentimens ; mais il ne rencontre que persiflage et incrédulité.
Désespéré, il fait l’aveu de son amour à M. de Varenne, qui a été instruit de tout ; le pere ne veut pas le croire. Melcour, jeune fat dont il a été le maitre, apprend de lui la résolution où il est de s’attacher à Mad. d’Ernange par un lien éternel, et ne veut pas le croire. Il n’y a pas jusqu’à son valet Valentin qui, instruit par les exemples précédens, ne doute aussi de ses intentions. Le persiflage de Melcour a irrité Césanne qui lui a proposé un cartel dans le parc. D’un autre côté, M. de Varenne, de concert avec sa fille et Florestine écrivent au séducteur un billet supposé qui est censé venir de Mad. St.-Berlin, dame qui occupe un château voisin, et que Valentin a nommée comme une des conquêtes de son maître. Césanne, qui vient de persuader Adèle et d’en obtenir l’aveu d’un tendre retour, reçoit, en présence de son amante, un billet qui l’invite à se trouver dans le parc. Il y court. Adèle, à qui cet empressement à la quitter fait croire qu’il lui préfère une rivale, se désespère : mais un domestique se présente avec le billet d'épreuve ; Adèle se rassure. Où donc est allé Césanne ? Au rendez-vous où l’attend Melcour ; il a couru au combat. Déjà les deux champions se menaçoient, le pistolet à la main, lorsque M. de Varenne, qui a suivi notre prétendu infidèle, les a séparés. Il les réconcilie, les ramène et unit Césanne à sa fille.
Cette comédie a souvent excité de nombreux anplandissemens ; mais Fleury doit en réclamer sa bonne part. Il a paru parfait dans le rôle de Césanne, qui est fait pour lui ; il l’a sur-tout été dans la jolie scène du premier acte, entre le séducteur et Adèle. Quelle chaleur, quelle ex pression, lorsqu’il lui dit :
Je ne puis plus toucher qu'avec ravissement
Cette main qu’autrefois je tenois froidement.
Mlle. Mezerai a déployé beaucoup de talens dans tout le rôle d’Adèle, mais sur-tout aussi dans cette scène où elle a très-bien rendu le ton du persiflage et de l’ironie : Caumont joue avec rondeur M. de Varenne, Armant dans celui de Melcour à plusieurs fois, laissé à desirer pour son jeu et sa diction ; Mlle. Devienne et Dazincourt ont rempli les petits rôles de Florestine et de Valentin, avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Valentin, à la fin de la pièce, dit à la suivante :
Tu le vois ; à tromper celui qui mit sa gloire
Peut s’amender.
Florestine lui répond :
Oui, mais on ne veut pas le croire.
L’auteur a été vivement demandé ; Fleury est venu nommer le citoyen Longchamp.
Le premier consul assistoit à cette représentation. Son arrivée a été annoncée par des acclamations universelles, auxquelles il a répondu de la manière la plus affable.
F. J. B. P G***.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VIIIe année (an XI – 1803), tome V, p. 114-115 :
[Enfin un succès, en période de disette pour tous les théâtres ! Certes, le sujet est « un peu léger » pour trois actes, mais la pièce est gaieté, pleine d’esprit. Après le résumé de l’intrigue, où un séducteur tente à grand peine de convaincre sa cousine, qu’il a mise au courant de ses ruses pour séduire, mais y arrive bien sûr in fine, le jugement porte surtout sur le style, auquel on reproche « de l'afféterie et de l'exagération » (mais le public n’a pas condamné la pièce, au contraire). L’auteur doit beaucoup aux acteurs, et en particulier celui qui joue le séducteur. Mais « tous les acteurs ont contribué à l'ensemble de la piece. ».]
THÉATRE FRANÇAIS DE LA RÉPUBLIQUE.
Le Séducteur amoureux, ou On ne veut pas le croire, comédie en trois actes et en vers.
Enfin nous pouvons annoncer un succès. Ce mois-ci a été heureux, et tous les théâtres s'en sont ressentis.
Le Séducteur amoureux, joué le 4 pluviose, a complétement réussi. Peut-être le sujet étoit-il un peu léger pour remplir trois actes ; mais de la gaieté, beaucoup d'esprit, surtout, ont déterminé le succès.
Césanne, c'est le nom du séducteur, a trompé tant de femmes, qu'aucune ne veut plus le croire. Adèle, sa cousine, a été sa confidente ; il lui a dévoilé tous les secrets de son art : on peut juger qu'Adèle le croira encore bien moins que tout autre. C'est cependant d'elle-même que Césanne, revenu de ses premières erreurs, est sérieusement amoureux. Quels moyens employer pour la persuader ? Mettre la soubrette dans ses intérêts, elle ne veut pas le croire. Faire une romance pour Adèle ? Que prouvent des chansons. Elle trouve cependant cette romance, la chante ; et Césanne profitant de la circonstance, déclare sa passion : mais Adèle rit et le persifle. Désolé de ne pouvoir être cru de personne, Césanne s'adresse au père d'Adèle : mais les vieillards sont ordinairement fort peu sensibles, et encore moins crédules en fait de tendresse et de passion. Le père est donc aussi peu traitable que sa fille, et que la soubrette. Cependant Adèle aime son cousin, mais elle veut l'éprouver avant de lui céder. Elle lui écrit une lettre au nom d'une dame qui demeure dans un château voisin, et qu'elle sait avoir été une des conquêtes de Césanne. Un instant après elle feint de se laisser persuader ; elle voit les transports de son amant ; mais il reçoit une lettre, et la quitte sur le champ. Elle ne doute pas que ce ne soit pour courir au prétendu rendez-vous : mais un domestique rapporte son billet. On apprend alors que le premier étoit un cartel. Césanne irrité contre un jeune fat qui a attaqué la réputation de sa maîtresse, lui avoit proposé un duel, et venoit de recevoir de lui un cartel pour se trouver dans le parc. Le père y court, les sépare, les réconcilie, et donne sa fille à Césanne, qui a prouvé qu'il étoit bien corrigé.
On pourroit reprocher au style de cette pièce de l'afféterie et de l'exagération ; mais ne soyons pas plus sévères que le public.
L'auteur est le C. LONGCHAMPS. Il doit rendre grace à Fleuri, qui jouoit le rôle de séducteur, d'une bonne partie des applaudissemens. Tous les acteurs ont contribué à l'ensemble de la piece. Surtout mesdames Devienne et Mezerai ; messieurs Caumont et Dazincourt. T. D.
L’Esprit des journaux français et étrangers, trente-deuxième année, pluviôse an XI [février 1803], p. 210-212 :
[Le compte rendu s’ouvre par le résumé d’une intrigue pas très originale (un séducteur amoureux d’une veuve aimable qu’il a peine à convaincre de sa bonne foi, mais tout finit par s’arranger bien sûr). Puis le critique entreprend de classer la pièce dans le genre des comédies de salon, genre peu apprécié, réduit à un ton et un style qui touchent un public restreint. Elle a pourtant « le mérite d'être, dans ce genre médiocre, ce qu'on peut faire de plus supportable ». Mais elle est écrite de manière brillante, maniérée, elle est « presque fatigante d'esprit & d'antithèse », « le style en est un cliquetis continuel ». Le coup de grâce est donné par Molière, qui aurait jugé ce style sévèrement : « ce n'est point ainsi que parle la Nature ». Mais le critique nous invite à relativiser ce jugement : au fond, les tréteaux forains, qui servent de façon significative de point de comparaison, sont « plus funestes pour le goût » par leurs « grossières caricatures ». Finalement, il concède que l’auteur a de l’esprit, qu’il connaît « le monde léger », qu’il a « une facilité d’expression » dont il ne fait qu’abuser. Et le public « applaudit avec transport à ce joli feu d'artifice ».]
THÉATRE FRANÇAIS, RUE DE LA LOI.
Le Séducteur amoureux, ou On ne veut pas le croire, comédie en trois actes, en vers.
L’habitude de tromper les femmes après les avoir séduites, a discrédité Césannes auprès des femmes sensées : pour son malheur, il devient réellement amoureux d'une veuve aimable,qui ne regarde ses aveux, ses transports, ses protestations que comme des ressorts employés pour séduire. Plus il devient tendre & passionné, plus on rit de ses tourmens, moins on y croit, ou du moins plus on s'en méfie, & plus son désespoir devient tout à la fois intéressant & comique. Il veut partir pour s'ensevelir dans une retraite profonde ; son valet trahit le secret de son départ ; on prend encore cette résolution pour une feinte.
Cependant l'accent d'un amour vrai a quelquefois retenti dans l'ame d'Adèle ; elle veut éprouver la foi & la sincérité de Césannes. Au nom d'une jolie femme du voisinage, on lui donne un rendez vous. La lettre arrive, Césannes la reçoit ; on l'observe en secret ; il répond qu'il s'y rendra ; il s'éloigne en effet. Adèle est convaincue de sa perfidie ; mais elle se trompe : le billet auquel il a répondu est un cartel. Césannes est allé se battre pour sa cousine contre un étourdi qui l'avoit calomniée. La découverte du quiproquo & l'explication rendent toute l'estime & la confiance d'Adèle à Césannes ;. il est heureux.
C'est encore, ainsi qu'on voit, une comédie de salon, dont le ton & le style peuvent seuls faire le coloris, & dont le mérite ne sauroit être apprécié que par un petit nombre de spectateurs & par une certaine classe d'individus. C'est donc en général un assez petit genre de comédie, & d'autant plus futile que nous avons été inondés, pendant quelque temps, de pièces à jargon métaphysique & d'intrigues de boudoir.
Celle du C. Longchamps a, j'en conviens, le mérite d'être, dans ce genre médiocre, ce qu'on peut faire de plus supportable : il l'a cependant brillantée de manière à devenir presque fatigante d'esprit & d'antithèse. Le style en est un cliquetis continuel ; & ce n'est point ainsi que parle la Nature, auroit dit Molière. Le sonnet d'Oronte seroit en effet d'un naturel trivial auprès de certains détails du Séducteur amoureux.
Quoi qu'il en soit, cet esprit & ce ton maniéré sont encore, à tout prendre, moins funestes pour le goût que les grossières caricatures multipliées sur les tréteaux forains, & qui menaçoient d'envahir jusqu'aux premiers théâtres. Le style & l'ouvrage du C. Longchamps annoncent beaucoup d'esprit, une grande connoissance du monde léger, & une facilité d'expression dont l'abus n'est qu'une surabondance. Le public au surplus ne paroît pas même trop désapprouver cet excès, car il applaudit avec transport à ce joli feu d'artifice.
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