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Les Six pantoufles, ou le Rendez-vous des Cendrillons

Les Six pantoufles, ou le Rendez-vous des Cendrillons, vaudeville en un acte, d'Antoine Favart, Armand Dartois et Dupin, 29 décembre 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Six pantoufles (les), ou le Rendez-vous de Cendrillon

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

29 décembre 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Antoine Favart, Armand Dartois et Dupin

1810, l'année des Cendrillons, et des pièces qui se moquent de la mode des Cendrillon. Et les Six pantoufles appartiennent bien à cette catégorie particulière. L'article de l'Esprit des journaux français et étrangers ci-dessous fait le point sur ces pièces satiriques.

L’Ambigu, ou Variétés littéraires et politiques, volume XXXII (Londres, 1811), n° CCLXXXI (20 Janvier 1811),, p. 116 :

Les Six Pantoufles, ou la Revue des Cendrillons.

Piron fit jadis représenter à la Foire un petit opéra comique, intitulé les Huit Mariannes ; il n'est plus étonnant qu'on joue aujourd'hui au Vaudeville les Six Cendrillons : il faut absolument épuiser tout ce qu'il y a de vertu dans ce nom-là, pour qu'on nous donne autre chose.

L'idée des Six Pantoufles est ingénieuse et comique. Un jeune incroyable, nommé Guilleri, vient de s'établir limonadier ; il lui faut une jolie femme pour achalander sa boutique : on lui conseille d'épouser uue de ces fameuses Cendrillons dont on parle tant ; mais il craint que s'il épouse une de ces filles dont on parle tant, bientôt on n'en parle guère, et qu'à la fin on n'en parle pas. Il envoie cependant ses garçons inviter les demoiselles Cendrillons. Nicole, qui est celle de l'Opéra-Comique, est encore couchée à une heure, parce que la danse et le tambour de basque l'ont fatiguée: Simplette, la Ceudrillon des Ecoles, est occupée à faire des couronnes de fleurs ; Jocrisse Cendrillon, celle des Variétés, prend un consommé, parce qu'elle s'use en jouant tous les jours ; Rougette-Cendrillon (celle del'Odéon) mange une soupe maigre : elle est habituée à faire maigre ; c'est son régime. Nicole Cendrillou arrive la première, dès qu'on l'annonce, une vieille gouvernante, d'un coup de baguette, allume le feu, fait descendre des lustres, et paraître une table servie. Nicole se vante beaucoup ; Guilleri lui dit qu'elle a bien fait d'avoir recours au chant et à la danse ; car elle commençait à ennuyer : ce trait est peu piquant ; il y avait mieux à dire. La Cendrillon des Ecoles vient avec ses guirlandes de fleurs, et Guilleri se plaint de n'y pas voir une pensée. Ce Guilleri très-goguenard, dit à Jocrisse-Cendrillon qu'on voulait autrefois de l'esprit au théâtre, mais que pour faire aujourd'hui le caprice des gens du bon ton,

Il ne faut qu'un Jocrisse
        Avec un cotillon.

Il traite encore plus mal Rougette-Cendrillon. Il s'élève une rixe entre la Cendrillon de l'Ecole des Meres, qui se plaint d'avoir été pillée par la Ceudrillon de l'Odéon ; Nicole-Cendrillon fait le même reproche à la Cendrillon des Variétés ; la bagatelle finit par la suite des Cendrillons. On court après ; on ne peut les rattraper, on n'apporte que leurs pantoufles ; enfin, la vieille gouvernante, après avoir observé qu'il ne faut pas mépriser le vieux, parce qu'avec du vieux on fait du neuf, se rajeunit tout-à-coup, et devient Perrette, fille de Perrault, la meilleure de toutes les Cendrillons, et celle que Guilleri épouse.                      Geoffroy.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome I, p. 159-160 :

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Les six Pantoufles, ou le Rendez-vous des Cendrillons, vaudeville en un acte, joué le 29 décembre 1810.

M. Requin, restaurateur, voulant donner pour épouse à son fils Guilleri une femme en vogue et qui puisse achalander son café, a invité toutes les Cendrillons du jour, afin de prendre la meilleure.

Il a pour servante une vieille qui cache son nom sous celui de Perrette. On voit arriver l'une après l'autre Nicole Cendrillon qui fait beaucoup de bruit avec son tambour de basque. Simplette Cendrillon qui sort de l'école. Rougette Cendrillon qui vient du faubourg Saint-Germain; enfin Jocrisse Cendrillon paroît.

Les Cendrillons se disputent, se reprochent des larcins, et sortent. Les garçons de M. Requin courent après elles, et rapportent chacun une pantoufle. Il s'en trouve une sixième plus petite que les autres, et Guilleri jure d'épouser la beauté qui pourra la chausser. Les Cendrillons reparaissent chacune sur leur char. Celle de l'Opéra Comique sur des tambours de basques ; celle de l'Odéon, dans une brouette peinte en habit d'Arlequin et trainée par un geai, paré des plumes d'un paon ; celle des Ecoles, sur un agneau, et celle des Variétés sur un potiron traîné par deux souris que mène une chatte blanche. Quand la pantoufle a été essayée par toutes les Cendrillons, Perrette se débarrasse de son costume de vieille, dit qu'elle est la fille de Pérault, et prouve que la pantoufle lui appartient et que les autres Cendrillons lui doivent tout. Guilleri en fait sa femme; invite toutes les autres au bal, et il commence à l'instant même une allemande qui est parfaitement exécutée par Seveste et quatre des Cendrillons.

La pièce a obtenu beaucoup de succès. Les Cendrillons n'y sont pas épargnées ; c'est particulièrement sur celle de l'Odéon que pleuvent les traits malins ; ils sont même un peu trop vifs.

Les rôles de ce vaudeville sont bien joués : on y a beaucoup ri de voir Joly en femme,,représentant Jocrisse-Cendrillon.

Les auteurs sont MM. Favart, Dartois et Dupin.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome II, février 1811, p. 286-290 :

[La vague des Cendrillon suscite même une forme particulière de pièce, les pièces de critique théâtrale (fortement satiriques bien sûr). C’est dans ce genre que se situe la pièce nouvelle : elle se moque de cinq pièces avec Cendrillon, celle du théâtre de la Gaieté, La Fête de Perrault, ou l’Horoscope des Cendrillons, celle du théâtre de l’Impératrice, particulièrement malmenée, la Nouvelle Cendrillon, celle du théâtre du Vaudeville, le Tarif des prix, ou la Cendrillon des écoles, et celle des Variétés, la Chatte merveilleuse, ou la petite Cendrillon. Arrive une cinquième Cendrillon, qui est l’ancienne Cendrillon du Vaudeville, qui doit être Cendrillon, ou l’Ecole des mères, de Desfontaines, créée en l’an 8. Tout se complique quand on constate qu’il y a six pantoufles pour cinq Cendrillon, d’autant que le personnage qui est censé jouer le rôle du prince dans le conte affirme qu’il épousera celle qui peut enfiler la pantoufle en trop, une pantoufle très petite. Et c’est bien sûr « la fille unique de Perrault, la véritable Cendrillon ». Et c’est elle qui l’emporte. Chaque pièce fait l’objet d’une caricature plus ou moins méchante, la palme revenant à la Cendrillon du théâtre de l’Impératrice, sans doute parce que ce théâtre est venu chasser sur les terres du Vaudeville. « Dans un ouvrage de ce genre, on ne peut exiger ni plan, ni caractères. » On attend esprit et méchanceté. On est bien servi. Très appréciés, le ballet des quatre Cendrillon et le travestissement d’un acteur, pour évoquer celui de Brunet dans une des Cendrillon (on a le goût du travestissement dan le théâtre de ce temps).

Théâtre du Vaudeville.

Les six Pantouffles, ou le Rendez-Vous des Cendrillons.

Naguère encore, au milieu du triomphe de nos Cendrillons, une petite façon manquait à leur gloire ; mais aujourd'hui tout est réparé : ces demoiselles viennent d'obtenir les honneurs d'une critique non moins éclatante que leurs succès ; et, pour saisir ici l'occasion d'apporter une nouvelle preuve en faveur du grand système de compensations qui s'établit insensiblement sur nos scènes dramatiques, comme sur la vaste scène de la vie, je ne dois pas négliger de faire observer que nous en sommes déjà à la seconde Revue des Cendrillons ; et, pour peu que cela continue, nous pourrons bien voir cette intéressante famille attaquée avec autant d'acharnement qu'elle a été applaudie avec fureur. Cependant, en critique, comme en bien d'autres choses, c'est un grand avantage que d'arriver le premier ; et, plus un terrain est stérile, plus il est défavorable, surtout, de le remettre en valeur lorsque des mains habiles en ont tiré à peu près tout ce qu'il pouvait produire. Pour parler sans figures, l'auteur de la Fête Perrault, donnée avec tant de succès au Théâtre de la Gaîté, a eu le bon esprit de prendre l'initiative, et l'on a pu remarquer qu'en marchant sur ses traces, les auteurs du vaudeville nouveau n'ont pu résister à la tentation de s'emparer d'une partie de ses dépouilles. Il leur convenait d'autant moins d'en user avec tant de liberté, qu'ils se sont montrés dans leur ouvrage plus sévères sur l'article des réminiscences, et la pauvre Cendrillon du faubourg St.-Germain, qui, effectivement, ne doit pas avoir la conscience bien nette, a cruellement éprouvé combien, à cet égard, leur justice s'est montrée rigoureuse. Avant de donner une idée de lu pièce nouvelle, j'aurais bien voulu dire un mot du couplet d'annonce, non qu'il soit fort piquant par lui-même, mais parce qu'il a donné lieu à une altercation assez plaisante entre le public et l'acteur qui chantait ce fatal couplet, dans lequel on faisait allusion à la difficulté de mettre quatre femmes d'accord, et qui se terminait à peu près ainsi :

N'oubliez pas, au parterre,
Si la rixe est meurtrière,
Qu'accommoder une affaire
    Est le rôle des témoins.

Le chanteur, arrivé au mot rixe, a prononcé risque, à haute et intelligible voix. En vain l'a-t-on engagé à corriger cette prononciation vicieuse, en vain lui a-t-on soufflé l’x, de tous les coins du parterre, il n'en a pas voulu démordre, et, à ses risques et périls, il a prononcé le mot risque tout autant de fois qu'on le lui a fait recommencer. Ce petit hors-d'œuvre avait mis le public en gaieté, et il était si bien disposé lorsque le rideau s'est levé pour la pièce nouvelle, qu'il n'a cessé de rire et d'applaudir jusqu'à la fin.

Le fond de cet ouvrage doit être, comme on peut le deviner, d'une étoffe assez légère. Il s'agissait de faire paraître les quatre Cendrillons : et les auteurs ont pensé que le moyen le plus sûr de tirer parti de quatre jeunes filles, était de leur présenter la douce amorce du mariage. M. Requin, restaurateur au quai de la Rapée, a un fils, jeune homme de grande espérance, qui ne sera pas, son père l'a juré, le dernier des Requins. Ce père, qui a si fort à cœur la conservation de sa race, a jeté les yeux, pour la perpétuer, sur l'une des Cendrillons ; mais il laisse à son fils la liberté du choix. Chacune de ces demoiselles parait donc l'une après l'autre, et fait briller tous ses moyens de plaire. Cendrillon, de Feydeau, persiste fortement sur le bruit qu'elle fait... avec son tambour de basque. La Cendrillon des Ecoles, qui tresse des couronnes pour tout le monde, mais qui n'en a point gardé pour elle, se recommande par une petite pointe de pédanterie, adroitement mêlée avec une forte dose d'ingénuité. La Cendrillon du faubourg St. Germain met en avant sa prodigieuse mémoire ; Cendrillon des Variétés assure qu'autrefois,

Pour attirer la presse,
Il fallait une pièce
De Favart, de Piron,

Mais, ajoute-t-elle,

      Pour faire le caprice
Aujourd'hui des gens du bon ton,
      II ne faut qu'un Jocrisse
      Avec un cotillon.

Et comme elle proteste qu'elle en porte un, elle réclame hautement la main du jeune Requin ; mais, au même instant, arrive une cinquième rivale : c'est l'antique Cendrillon du Vaudeville. Tant de prétendantes ne peuvent demeurer d'accord, s'accablent mutuellement de reproches, se disent durement leurs vérités, et finissent toutes par quitter la partie. On les poursuit par ordre de M. Requin ; mais on ne peut attrapper qu'une pantoufle à chacune d'elles. De bon compte, il ne devait y avoir que cinq pantoufles ; mais, par un événement singulier, on en produit six aux yeux des Requins étonnés ; la sixième est même si petite, que Guilleri Requin jure qu'il n'épousera que la Cendrillon qui pourra chausser cette merveilleuse pantoufle. Les concurrentes reparaissent alors ; mais c'est en vain qu'elles tentent l'épreuve, aucune d'elles ne peut réussir. Une petite vieille, connue jusqu'à ce moment sous le nom de Perrette, se met alors sur les rangs ; et non-seulement elle chausse la pantoufle, mais ses ajustement antiques disparaissent à l'instant pour faire place au costume le plus brillant. Quelle est donc cette espèce de sorcière? C'est la fille unique de Perrault, la véritable Cendrillon. Elle se nomme ; ses rivales frémissent, et Requin tombe à ses pieds.

Dans un ouvrage de ce genre, on ne peut exiger ni plan, ni caractères. L'esprit et la méchanceté sont ici les denrées de première nécessité, et l'on ne peut nier qu'il n'y ait beaucoup de l'un et de l'autre. Cependant, l'une pourrait être quelquefois un peu moins dure, et l'autre n'est pas toujours d'assez bon goût. Ce n'est pas non plus de l'impartialité, qu'il faut chercher dans cette critique, il est aisé de s'appercevoir que les auteurs, en faisant patte de velours pour leurs confrères, ont montré la griffe aux étrangers. La Cendrillon de l'Odéon a surtout été fort mal menée, et l'on voit bien que le Vaudeville ne lui a pas pardonné d'avoir chassé sur ses terres. Le Vaudeville a raison sans doute de défendre le grand principe du respect aux propriétés; mais il devrait bien prêcher d'exemple. Quoiqu'il en soit, sa dernière production a été reçue à merveille, et l'allemande de la fin, dansée par Seveste et quatre Cendrillons, n'a pas médiocrement contribué à cet éclatant succès. Le travestissement de Joly en Cendrillon-Brunet a également été accueilli de la manière la plus favorable.

Les auteurs sont MM. Dartois, Dupin et Favart.             A.....e.

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