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Les Tracasseries, ou Monsieur et madame Tatillon
Les Tracasseries, ou Monsieur et madame Tatillon, comédie en cinq actes, puis quatre et en prose, de Picard. 6 messidor [an 12].
Théâtre de l'Impératrice, rue Louvois
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Titre :
Tracasseries (les), ou Monsieur et madame Tatillon
Genre :
comédie
Nombre d'actes :
5, puis 4 à la seconde représentation
Vers / prose
prose
Musique :
non
Date de création :
6 messidor an 12 (25 juin 1804)
Théâtre :
Théâtre Louvois
Auteur(s) des paroles :
L. B. Picard
Almanach des Muses 1805
Deux familles divisées depuis long-temps sont prêtes à se réconcilier par le mariage de deux amans. M. et Mme Tatillon dont malheureusement invités à la noce : ils ne tardent pas à allumer la discorde entre les parens. Tout va être rompu, lorsqu'un ami commun qui connaît le caractère tracassier des deux hôtes, se charge de tout raccommoder ; mais il faut pour cela éloigner pour quelques instans M. et Mme Tatillon. Il en vient à bout, et bientôt les amans, les parens, tout le monde est d'accord, excepté les deux tracassiers qui rentrent sur la scène en se disputant.
Du comique, des répétitions, des longueurs. Demi-succès.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Massonan XII (1804) :
Les Tracasseries, ou Monsieur et Madame Tatillon, comédie en 4 actes et en prose ; Par L. B. Picard. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Impératrice, rue de Louvois, par les Comédiens ordinaires de sa Majesté, le 6 Messidor an XII. (25 Juin, 1804.)
Les Tracasseries figurent dans le tome quatrième des Œuvres de L. B. Picard (Paris, chez J. N. Barba, 1821). L’auteur y présente sa pièce dans une préface, p. 231-233. Il y revient avec une certaine lucidité sur la réception de la pièce.
PRÉFACE.
Encouragé par le succès de Monsieur Musard, je cherchais un autre caractère qui pût encore faire une jolie pièce en un acte. Celui de Tatillon vint s'offrir à moi. Malheureusement je crus voir la nécessité de donner plus d'étendue aux développements du caractère de M. Tatillon, qui veut tout faire, que je n'en avais donné aux développements du caractère de M. Musard qui ne fait rien, et je me décidai à mettre la pièce en trois actes. Bientôt je crus que, pour bien peindre M. Tatillon, il fallait le représenter brouillant tout le monde autour de lui, et je vis la matière de cinq actes. Enfin il me parut plaisant qu'après avoir brouillé tout le monde pendant la pièce, on le brouillât avec sa femme au dénoûment, et je fus conduit à faire le rôle de madame Tatillon.
Qu'en résulta-t-il ? Je multipliai les personnages d'une manière fatigante pour le spectateur. Les présentant tous en querelle les uns contre les autres, je crus devoir donner à la pièce un double titre, et je l'appelai les Tracasseries. C'était agrandir mon sujet. J'eus le tort de ne pas agrandir en même temps mon action. Car quoique souvent les deux choses se touchent et se confondent, encore est-il vrai de dire qu'on se fait une plus grande idée d'une tracasserie que d'un tatillonage; et ici l'action ne roule presque toujours que sur des tatillonages. Enfin le caractère divisé entre le mari et la femme produisit moins d'effet, et d'un sujet qui aurait pu faire une jolie comédie en un acte, je fis une pièce médiocre en quatre actes ; car après la première représentation je fus obligé de supprimer un acte.
Tous mes personnages marchent par couples dans cette comédie. On y voit Monsieur et Madame Tatillon, la jeune personne et son amant, le père et la mère de la jeune personne, le père et la mère du jeune homme, monsieur Granville et madame Lambert. Que de monde employé pour arriver à un si mince résultat ! Le caractère de monsieur et madame Tatillon me force à des détails minutieux, qui le paraissent encore davantage lorsqu'ils remplissent quatre actes tout entiers. La marche de la pièce qui me paraît assez bonne rappelle trop celle de plusieurs de mes comédies. C'est une action nouée par le personnage ou les personnages ridicules, et dénouée par l'homme raisonnable ou par le caractère d'opposition.
Le premier acte obtint beaucoup de succès et je crois qu'il le mérite. Le caractère de Tatillon s'y annonce bien. Il y a une bonne scène au troisième acte, celle où M. Tatillon se propose pour être l'arbitre des deux pères. Il y a par-ci par-là quelques mots, quelques traits, et M. Thomas est assez heureux dans les moyens qu'il emploie au dernier acte pour réconcilier tout le monde, et brouiller ensemble ceux qui ont brouillé les autres.
C'est un caractère fort commun dans la société et qui pouvait être comique au théâtre que celui d'un brouillon, d'un tracassier, d'un tatillon se mêlant de tout chez lui et chez les autres, brouillant les ménages, divisant les amis, donnant des soupçons aux jeunes filles, de l'humeur à leurs amants, et, sans être précisément méchant, accumulant les méchancetés ; mais il faut que ce caractère s'occupe d'un foule de minuties, de niaiseries. Qui dit tatillon dit bavard et médisant. Il ne peut y avoir d'intérêt que pour un acte : il faut bien plus de détails que pour un acte. Plus ces détails sont vrais, plus ils sont petits ; plus ils sont petits, plus l'intérêt diminue.
Courrier des spectacles, n° 2677 du 7 messidor an 12 [26 juin 1804], p. 2-3 :
[Le public attendait beaucoup de ce qu’on disait être une pièce de Picard, mais il a été déçu, et le critique entreprend d’expliquer en quoi le sujet est bien mince pour une grande comédie en cinq actes. Les tatillons manifestent une grande étroitesse d’esprit, et ils vivent dans de petites villes où les distractions sont rares. Après avoir montré les intrigues mesquines des petites villes, cette fois, l’auteur a voulu montrer les intrigues au sein d’une famille, mais avec une moindre réussite. L’intrigue projette ces Tatillon dans une noce où ils font renaître de vieilles brouilles que l’amour des deux jeunes gens avait apaisées. Heureusement, quelqu’un qui les connaît fait tout pour ramener la paix en éloignant les trouble-fête. Et ils finissent par être ridicules. Le jugement porté sur la pièce commence par en valoriser le plan, « assez bien conçu », avant de regretter que « les détails ne répondent pas au dessein général » : les scènes et les situations se répètent et les caractères sont assez mal dessinés. Trop de scènes épisodiques, « sans liaison avec l’action principale » : il faut resserrer le plan pour rendre le comique plus fort. Pas de succès donc, mais l’auteur s’en consolera.
Théâtre Louvois.
Première représentation des Tracasseries.
Cette pièce étoit attendue avec empressement. Le nom de son auteur (car on annonçoit publiquement qu’elle étoit de M. Picard) piquoit la curiosité, et promettoit de l’esprit, de la finesse, une intrigue bien conduite, des situations préparées avec intelligence, un dialogue vif et animé. Les espérances du public ne se sont point entièrement réalisées Il étoit difficile de tirer cinq actes d’un fonds qui ne devoit présenter que de petites intrigues de province, de petites brouilleries de familles. Le Tatillonnage est un genre de caractère si étroit qu’il est difficile de le peindre sans tomber dans des détails puériles [sic] et des redites inutiles. On appelle en province Tatillons des gens qui se mêlent de tout, qui s’introduisent par-tout, qui se font une grande affaire des plus petites circonstances, qui s’attachent de préférence à tout ce que les événemens de province ont de minutieux.
C’est dans les petites villes que se forment les tracasseries, parce que l’esprit des hommes est presque toujours en raison des objets dont il s’occupe. Si les grandes villes sont moins exposées à ce vice de société, c’est que les distractions y sont plus fréquentes, que l’on s’y connoît moins, et que l’on s’y occupe davantage.
Le Théâtre de Louvois nous avoit déjà montré avec beaucoup de succès les brouilleries, les intrigues et toutes les petites passions qui troublent le repos des petites villes. A la peinture des tracasseries de société il a voulu faire succéder celle d’un couple intrigant et désœuvré, qui porte par-tout le trouble et la discorde ; mais l’auteur a été moins heureux que dans ses autres ouvrages.
M. et Mad. Tatillon demeuroient dans une petite ville dont ils ont fatigué les habitans par mille tracasseries ; Mais, suivant la coutume, ce sont eux qui se plaignent des tracasseries des autres, et, pour ne plus rencontrer de Tracassiers, il viennent se fixer dans un bourg éloigné de la petite ville.
Dans ce bourg se prépare ce jour-là même un mariage entre deux jeunes gens. Les pères étoient en procès, les mères brouillées depuis long-tcms, mais le mariage des enfans va terminer dans ce jour tous les débats. Les amans s’adorent ; les parens se félicitent ; on va signer le contrat, et le repas est ordonné.
M. et Mad. Tatillon arrivent ; ils reconnoissent dans la famille des jeunes mariés d’anciens parens qui, ne connoissant point leur caractère trarassier, les invitent à la nôce.
Au deuxième acte, M. et Mad. Tatillon ont déjà brouillé les amans ; au troisième et au quatrième actes, ils ont allumé la discorde entre les parens. Les pères veulent plaider sur nouveaux frais : les mères sont prêtes à se dévisager.
Par bonheur un habitant de la petite ville, venu dans le village pour les noces des jeunes gens, se doute que toutes ces brouilleries imprévues sont l’effet de la présence de M. et Mad. Tatillon. Il confie à l’aubergiste chargé du repas de noces tout ce qu’il sait sur le caractère tracassier de ces deux personnages. L’Aubergiste, qui est un bon homme, se charge de tout raccommoder ; et, pour y parvenir, il éloigne tour-à-tour sous divers prétextes M. et Mad. Tatillon. Bientôt les amans, les parens, tout est d’accord, excepté les deux Tracassiers, qui rentrent en se disant de gros mots. On rit à leurs dépens, et on leur conseille, ne pouvant vivre, ni dans les petites villes, ni dans les villages où l’on est trop connu, d’aller habiter Paris, où ils pourront tracasser tout à leur aise sans que personne en souffre, ou même s’en occupe.
Ce plan est, comme on voit, assez bien conçu ; mais les détails ne répondent pas au dessein général.
Le retour continuel des mêmes scènes et des mêmes situations jettent une extrême monotonie sur toute la pièce, et en détruit l’intérêt. Le caractère de M. Tatillon est dessiné trop en petit. Le tatillonnage est un défaut auquel les hommes sont moins sujets que les femmes ; et quand on les met en scène, il faut observer avec eux les ménagemens dus à leur sexe. Les autres personnages sont d’une crédulité et d’une confiance excessives, et si monsieur et madame Tatillon parviennent à les brouiller, il est évident qu’il ne faut s’en prendre qu’à leur extrême simplicité.
Les querelles des amans sont trop multipliées, et n’ont aucun motif raisonnable ; les querelles des pères ne sont pas plus raisonnables que celles des enfans. Le rôle de l’Aubergiste est froid et inutile ; celui de Grainville est sans intérêt.
Les scènes sont presque toutes épisodiques et sans liaison avec l’action principale ; mais en resserrant le plan général ou pourroit tirer de ce sujet des effets plus piquans, des situations plus comiques. La pièce n’a pas eu de succès, mais l’auteur à [sic] tant de titres aux suffrages du public qu’il peut aisément se consoler de cette défaveur.
Courrier des spectacles, n° 2679 du 9 messidor an 12 [28 juin 1804], p. 2 :
[Après une première représentation peu convaincante (l’auteur, pourtant connu, n’a, semble-t-il, pas été nommé), l’auteur a su mettre en une journée sa pièce en quatre actes, si bien qu’elle a réussi à la seconde représentation. Le critique propose de faire encore d’autres modifications moins importantes, en particulier sur le rôle du personnage qui fait comprendre à l’aubergiste qui sont les Tatillon. Et l’auteur a pu sortir de l’anonymat.]
Théâtre Louvois.
Deuxième représentation des Tracasseries.
L’auteur de cette pièce a trop d’esprit pour s’irriter contre la critique, et refuser de soumettre son goût à celui du public. Il a aussi un autre mérite, celui de composer avec une extrême facilité, et de faire en vingt-quatre heures des changemens qui exigeroient souvent de tout autre plusieurs jours de travail.
Les Tracasseries resserrées en quatre actes, ont eu un succès presque complet. Les applaudissemens ont été vifs et fréquens, les réfractaires timides et en petit nombre. L’action marche mieux, les scènes sont beaucoup mieux liées, le plan général est plus facile à saisir. Encore quelques légers changemens, et cette pièce ne déparera point le répertoire du théâtre Louvois.
Une observation qui m’a paru frapper généralement, est que le rôle de M. Granville ne produit pas l’effet qu’on en attend, que ses confidences sur M. et Mad. Tatillon sont prématurées, qu’en les reculant un peu davantage , elles seroient d’un plus grand intérêt. Le caractère de M. et de Mad. Tatillon se développeroit de lui même, et les spectateurs resteroient dans un état d’indécision qui rendroit le dénouement plus piquant.
L’auteur a été unanimement demandé, quoiqu’on 1e connût d’avance, et M. Picard a avoué son ouvrage.
Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome onzième, thermidor an XII [juillet 1804], p. 266-270 :
[Le compte rendu part de l’histoire du sujet, qui appartient à Destouches comme d’autres que celui-ci n’a pas eu le temps de traiter. Celui du tracassier qu’il avait esquissé aurait sans doute eu une autre forme que celle que la pièce nouvelle lui a donnée. Picard (puisque c’est son nom qui est donné à la fin de l’article) a choisi de montrer un couple de tracassiers, obligés de changer de domicile et arrivant dans une ville secouée par bien des affaires, et où ils sèment instantanément la zizanie. Curieusement, le résumé de la pièce cesse d’être précis après le deuxième acte (sur cinq). Et lui succède un jugement sévère : « Cette pièce, en somme, a fort ennuyé », et le critique propose de son manque de succès plusieurs raisons : le tracassier d’abord est plutôt un importun, qui est d’ailleurs fort mal traité, puisque sa femme le manipule. Et deux tracassiers ensemble, cela fait beaucoup. En outre, ces Tatillon se mêlent de beaucoup d’affaires, mais aucune ne les touche personnellement, et la multiplication des détails nuit à l’action, comme la multiplicité des personnages : l’action est trop lente. Et l’originalité de l’intrigue est plutôt discutable. La pièce ne manque cependant pas de piquant, où on reconnaît le talent de l’auteur. La représentation s’est déroulée dans le calme, malgré l’ennui, mais des sifflets déplacés ont marqué le moment où on a demandé l’auteur : il eût été suffisant de garder le silence. L’auteur a su tirer la leçon de l’incident : il a réduit sa pièce à quatre actes, ce qui « lui a procuré quelque succès ».]
THÉATRE LOUVOIS.
Les Tracasseries, comédie en 5 actes et en prose.
Destouches avait indiqué à un ami, et même ébauché quelques sujets de comédie. On en a traité trois : le Vindicatif, l'aimable Vieillard et le Tracassier ; aucun n'a réussi. Le premier de ces drames est de feu M. Dudoyer, homme de lettres peu connu, si ce n'est par son attachement à Mlle. Doligni, qu'il avait fîni par épouser. On sait que l’aimable Vieillard n'a pas eu une heure entière d'existence sur le Théâtre Français.
Quant au Tracassier, Destouches l'aurait manqué très-certainement, à en juger d'après le plan qu'annoncent les trois premières scènes qu'il avait esquissées. Son chevalier annonce qu'il veut, à force d'adresse et de tracasserie, écarter des rivaux qui pourraient traverser un riche mariage qu'il a en vue. C'est là le procédé d'un intrigant. La tracasserie alors ne se montre plus comme le fond de son caractère, mais comme un moyen qu'il appelle au secours de son ambition.
L'auteur de la nouvelle pièce, que les journaux avaient nommé d'avance, nous donne deux tracassiers au lieu d'un, M. Tatillon et sa femme. Obligés de quitter leur ville, d'où ce défaut les avait, en quelque sorte , fait chasser ; ils viennent chercher à s'établir dans un bourg voisin. Le mari arrive le premier pour choisir une habitation. Ce jour est marqué par deux événemens très-considérables ; c'est celui d'une grande foire, et d'une grande alliance entre les deux premières familles du pays. Le notaire et le marchand de drap du lieu étaient en procès pour un pré. Ils doivent terminer la querelle par le mariage de leurs enfans. M. Tatillon choisit sa demeure provisoire dans une auberge, dont l'hôte a préparé le repas de noces. A la fin du premier acte, on voit un honnête négociant de la ville qu'habitait le couple Tatillon, et qui annonce à l'aubergiste le caractère de ces gens. Il prétend que le mari est homme à le persécuter pour qu'il abatte sa maison, afin d'avoir, lui, le plaisir de présider à sa reconstruction. Effectivement, M. Tatillon en dit quelque chose dans le cours de la pièce. Cette charge a paru un peu forte.
Au second acte, Mme. Tatillon vient seconder son mari, et en un moment ils ont brouillé huit personnes : les futurs époux, les beaux-pères, les belles-mères, le négociant de leur pays, qui est venu à la foire, et sa maîtresse. M. Tatillon trouve cette dernière fort à son goût, et le lui fait connaître. Cette fantaisie forme comme une double intrigue ; mais d'un autre côté, elle sert heureusement aussi à amener le dénouement qu'on attendait avec impatience. Mme. Tatillon, instruite de cet amour subit, témoigne de l'humeur, de la jalousie; et tandis que les tracassiers se querellent, tous ceux qu'ils ont brouillés se raccommodent. Lorsqu'ils reviennent, ils sont bien étonnés du prompt effet qu'a produit leur absence ; et tout le monde leur conseille d'aller habiter la capitale, où leur humeur tracassière sera moins dangereuse, et ne trouvera point autant d'emploi qu'en province.
Cette pièce, en somme, a fort ennuyé ; on en peut assigner plusieurs causes. Dans les premières scènes, M. Tatillon a plus l'air d'un importun, qui n'a aucun usage, que d'un tracassier. Il parle à tout le monde, sans connaître personne, arrête long-temps, et à diverses reprises, un aubergiste qui a tout-à-la-fois l'embarras d'une foire et d'un repas de noces, qui répète sans cesse qu'il n'a pas une seconde à perdre, et ne s'en va jamais. On a trouvé que c'était un pléonasme que de mettre deux tracassiers sur la scène ; que M. Tatillon est trop avili. C'est sa femme qui écrit les lettres d'affaires, et c'est lui qui les porte à la poste. On commence par les donner pour de bonnes gens, et quelquefois leurs tracasseries dégénèrent en noirceurs d'autant plus odieuses, qu'ils les font sans intérêt ; en sorte qu'ils ne se contentent pas toujours d'être de petits méchans. C'est peut-être encore un défaut de l'intrigue, qu'aucune des affaires dont les Tatillons se mêlent pour les gâter , ne les touche. Il eût été plus moral de leur faire porter la peine de leur odieuse conduite, que de les montrer nuisant avec impunité à tout le monde. L'immensité des détails étouffe l'action principale. Les tatillonages sont si fréquens qu'il en résulte une fatigante monotonie, C'eût été assez de trois actes pour développer ce genre de ridicule. Quoique les personnages, qui sont très-multipliés, aillent et viennent sans cesse, l'action chemine très-lentement. Enfin, on a remarqué que cette pièce avait beaucoup de ressemblance avec quelques-unes de ses sœurs, et qu'il y avait aussi des Tatillon dans les Voisins, la Diligence de Joigny, l'Ami de tout le Monde, etc.
On a pourtant retrouvé dans plusieurs traits, et même dans plusieurs scènes, le talent de l'auteur, sa manière vive, franche, piquante, originale. Rien n'est plus plaisant que le procédé de M. Tatillon qui rappelle en face aux six principaux personnages, les torts réciproques et les défauts qu'il leur suppose. Mme. Tatillon même en est choquée : « Que faites-vous donc lui dit-elle ? — C'est, répond-il, pour les réconcilier. »
On a écouté avec la plus grande indulgence, malgré l'ennui dont on ne pouvait se défendre. Quand la toile a été baissée, quelques sifflets se sont fait entendre. Il eût bien mieux valu se borner à ne pas demander l'auteur. Ce silence seul eût été assez expressif. Les sifflets sont une grossièreté superflue , qu'on aurait dû épargner à un auteur qui a tant de droits à l'estime et à la bienveillance publique.
Il vient de réduire sa pièce à quatre actes, et cette réduction lui a procuré quelque succès. L'auteur est l'infatigable Picard.
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