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Les Trois gendres

Les Trois gendres, comédie en trois actes et en prose, 12 thermidor an 13 [31 juillet 1805].

Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Trois gendres (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

non

Date de création :

an XIII (1805)

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

 

La pièce est signalée, dans la brochure intitulée les Deux gendres et Conaxa (Paris, 1812), publiée à propos de la polémique concernant la paternité des Deux gendres, pièce originale ou plagiat. Dans cette brochure, p. 30, il est fait allusion à une lettre de Lebrun-Tossa de septembre 1810 qui signale à Étienne, l’auteur des Deux gendres, qu’on a joué une pièce intitulée les Trois gendres, ce qui fait craindre que quelqu’un ait utilisé le fameux manuscrit de Conaxa et aurait donc grillé la politesse à Lebrun-Tossa et Etienne, censés s’associer pour écrire une pièce à partir du manuscrit.

Courrier des spectacles, n° 3089 du 13 thermidor an 13 [1er août 1805], p. 2-3 :

[Avant de parler de la pièce, le critique a besoin de régler quelques comptes. D’abord avec les auteurs, qui ne savent pas choisir le théâtre qui convient à leur pièce : ces Trois gendres n’ont rien à faire au Théâtre de l’Impératrice, elle est tout juste bonne pour un petit théâtre du boulevard. Mais les auteurs n’ont pas la moindre idée d ece que vaut leur travail, et ils s’imaginent avoir écrit un chef-d'œuvre, sans qu’il soit possible de leur faire comprendre leur erreur. Ensuite avec le théâtre de l’Impératrice, qui n’est pas en bonne santé. Il croit trouver son salut dans des nouveautés qui échouent, alors qu’il a un répertoire qu’il pourrait mieux exploiter. Il n’a pas à imiter les théâtres du Boulevard, lui qui est, « en quelque sorte, une succursale du Théâtre Français ». Les Trois gendres n’avaient rien à y faire : le critique le décrit comme « un mauvais imbroglio sans finesse et sans invention, dont tous les détails sont communs et usés, dont le dialogue est trivial et niais, dont l’intrigue et le dénouement sont puériles » : on est prévenu au moment de lire le résumé de l’intrigue, une espagnolade dans laquelle un pauvre père qui doit marier sa fille voit les deux premiers prétendants au titre de gendre rivaliser : l’un invente une attaque contre lui, dans le but d’intervenir et de le sauver. Mais l’autre futur gendre potentiel intervient dans ce projet, et sauve son possible beau-père avant que celui qui a machiné l’intrigue puisse agir et tirer profit de la situation. C’est le troisième gendre potentiel qui dénoue l’intrigue : il ouvre les yeux du pauvre beau-père désormais pourvu d’un trio de prétendants sur les agissements des deux autres, mais c’est pour céder la place à un des deux autres, celui que justement sa fille aime. La première représentation a été fort houleuse, en raison des inconvenances dont elle est remplie et de l’inconsistance des personnages : le public a commencé par se moquer d ela pièce, puis de la siffler. Et le talent des acteurs, pourtant expérimentés, n’a rien pu faire.]

Théâtre de l’Impératrice.

Les Trois Gendres.

Il y a des auteurs qui choisissent mal le Théâtre auquel ils présentent leurs ouvrages ; ce n’étoit point à celui de l’Impératrice que l’auteur des Trois Gendres devoit l’hommage de sa production ; c’étoit à celui des Petits Comédiens du Jardin des Capucines, ou au Théâtre Sans Prétention.

Le malheur de beaucoup d’auteurs est d’avoir trop de prétentions. Le moindre écolier sans connoissance de sa langue, de la scene et des premiers élemens de l’art, se persuade néanmoins que sa plume enfante des chef-d'œuyres, et s’il trouve un directeur de spectacles, qui, par un acte d’une excessive complaisance, cède à ses importunités et accepte son ouvrage, le voilà qui ne rêve plus que la gloire, et les lauriers dûs au génie.

Demandez à cet auteur sifflé ce qu’il pense de sa chûte, il vous dira qu’il a été victime d’une cabale ; qu’il s’honore d’avoir pu faire siffler les serpens de l’envie ; que c’est à la seule supériorité de son génie qu’il doit sa disgrâce ; que la médiocrité se trame paisiblement et sans rivaux ; qu’une grande défaveur est le signe d’un grand talent.

Je ne doute pas que l’auteur des Trois Gendres ne se soit adressé les mêmes argumens pour se consoler de son malheur. En vain lui diroit-on que son ouvrage est dénué de toute espece de mérite ; que non seulement le talent et l’esprit en sont continuellement absens, mais qu’on y trouve une permanence de sottises intolérables : il accusera votre jugement et votre goût ; il vous prouvera que tout ce qu’il a fait devoit vous plaire, et que si vous n’avez pas pris plaisir à la représentation de son ouvrage, c’est que vous vous trouviez dans une disposition désavantageuse ; que votre intellect étoit vicié, et qu’avec plus de goût et une meilleure situation d’esprit, vous en eussiez mieux apprécié les beautés ; il vous citera des comédies, des drames, des tragédies même, qui, après avoir été réprouvées à la première représentation, ont eu un succès complet à la seconde et aux suivantes. Qui sait s’il ne vous parlera pas de Phèdre et d’Athalie ?

Le Théâtre de l'Impératrice a besoin d’enrichir son répertoire. Malgré les efforts des artistes qui le composent, il a de la peine à fixer un grand nombre de spectateurs. Les pièces de M. Picard ont fait sa réputation, et quelques acteurs sont dignes des suffrages et des encouragemens du public. Mais les nouveautés lui font souvent du tort. Il ne s’agit pas de donner beaucoup, mais bien. Un directeur de spectacle ressemble à un homme riche qui tient table ouverte ; il vaut mieux se voir souvent les mêmes mets, quand ils sont bons, que de varier les services avec des mets communs.

Nous avons assit de nos Boulevards et de quelques autres théâtres pour être pourvus de mauvaises pièces Le Théâtre de l'Impératrice est, en quelque sorte, une succursale du Théâtre Français ; c’est un oratoire dont le culte ne doit pas trop différer de celui du temple principal.

Les Trois Gendres n’étoient point dignes d’y figurer. C’est un mauvais imbroglio sans finesse et sans invention, dont tous les détails sont communs et usés, dont le dialogue est trivial et niais, dont l’intrigue et le dénouement sont puériles [sic].

Un Espagnol nommé Dom Jérôme a une fille jeune et jolie, qu’il destine à Dom Carlos, personnage honnête et recommandable par ses heureuses qualités. Mais Isabelle a fait choix d’un autre amant, neveu du Commandeur d’Aranjués. Cet amant instruit par sa maîtresse, se présente sous le nom de Dom Carlos. D’un autre côté, Dom Fernand qui sait qu’Isabelle doit apporter en mariage une dot considérable, se présente sous le même déguisement, et pour décider Dom Jérôme en sa faveur, il le fait attaquer par deux misérables qu’il a payés, qui feignent d’attenter à ses jours. Son projet est de vôler à son secours, et de l’enlacer par les liens de la reconnaissance ; mais il est prévenu par le neveu du Commandeur, de sorte que Dom Jérôme se voit deux défenseurs et deux gendres. Le troisième arrive, et l’on fait de vains efforts pour l’éloigner ; il se fait reconnoitre, et confond l’imposture de ses deux rivaux ; mais au lieu d’épouser Isabelle, il conjure Dom Jérôme de la donner au neveu du Commandeur d’Aranjués, auquel le cœur d’Isabelle a déjà donné la préférence.

Dom Jérôme, espèce d’idiot, consent à tout, et les deux amans se :trouvent, contre leur attente, au comble de leurs vœux.

Cette pièce n’a pu qu’avec beaucoup de peine arriver à la fin ; elle est chargée de tant d’inconvenances , les personnages font preuve de si peu d’esprit, que l’impatience du public s’est manifestée plusieurs fois par le rire, le murmure et le son aigu des sifflets. Tous les talens de MM. Picard et de Mlles. Molière et Adeline n’ont pu sauver la pièce d’une chûte trop méritée.

Mercure de France, littéraire et politique,tome vingt-unième, n° CCXIII du 15 thermidor an XIII (samedi 3 août 1805), p. 323-325 :

[Ce compte rendu s’occupe d’abord de la situation des théâtres parisiens, qui font jouer trop de petites pièces, au risque de se ruiner. Le critique suggère de fusionner théâtre de l’Impératrice et théâtre du Vaudeville : il serait alors possible de choisir les pièces avec plus de sévérité, et de composer de bons programmes avec une comédie d’intrigue et un joli vaudeville. Parce que si le théâtre de l’Impératrice continue à programmer des pièces comme les Trois gendres, il ne fera pas longtemps ses affaires. Et il enchaîne sur la critique d ela pièce, dont il ne dit en effet pas grand bien. Cette deuxième partie de l’article sera reprise dans l’Esprit des journaux.]

THÉÂTRE DE L'IMPÉRATRICE (Rue de Louvois).

Les trois Gendres, comédie en trois actes et en prose.

Rien de plus facile que de brocher une mauvaise comédie d'intrigue, sur-tout lorsqu'on s'affranchit du joug de la rime; et on la fait jouer avec la même facilité. Ce qui serait rebuté aux Français trouve grâce à la rue de Louvois, et ce qu'on y rejette n'est pas dédaigné ailleurs. Par les nouveautés qu'il nous offre incessamment. Picard s'efforce de rompre la monotonie, qu'il est très-difficile d'écarter d'un théâtre qui n'a qu'un seul genre, puisqu'elle ne laisse pas que de se faire sentir sur celui qui en réunit trois ; mais c'est une triste variété qu'une nouveauté ennuyeuse. Louvois et le Vaudeville ont peine à se soutenir. Leur réunion serait à désirer. Leurs différens drames ne seroient point disparates ; car on joue chez Picard beaucoup plus d'imbroglios et de petites pièces que de comédies de caractère. Cette association offrirait une agréable diversité, et je crois que le succès en serait infaillible.

Alors le directeur pourrait sans inconvénient se montrer plus difficile sur l'admission des pièces. On ne serait pas si vivement pressé par la nécessité d'essayer du nouveau pour aiguillonner la curiosité du public. Une bonne comédie et un joli vaudeville composeraient toujours un spectacle amusant ; et quand même la seconde troupe des Bouffons réussirait sur ce théâtre mieux que la première, il n'y aurait pas encore trop de variété. C'est la seule chose dans laquelle l'excès est comme impossible.

Le Théâtre de l'Impératrice a besoin de cet expédient, ou de quelque autre, pour soutenir son existence qui chancelle. Il ne faudrait pas beaucoup de pièces comme les trois Gendres pour l'achever. Picard y avait un rôle, et y faisait une triste contenance.

La scène est en- Espagne. Isabelle est destinée par son père à dom Carlos, que le père ni la fille n'ont jamais vu ; ce qui est fort vraisemblable. Un premier imposteur, personnage avare et cupide, quoique fort jeune, alléché par la dot qu'il croit devoir être considérable, se produit sous le nom de dom Carlos, et, pour se rendre plus intéressant (quoiqu'on n'en voie pas la nécessité), imagine de faire attaquer le beau-père par deux estafiers qu'il soudoie, de voler à son secours, et de paraître son libérateur. Incident emprunté d'une autre méchante pièce, jouée il y a quelque temps au même théâtre.

Mais Isabelle a un amant qu'elle a fait avertir de se présenter à son père en se donnant aussi pour dom Carlos. Cet amant arrive au moment de l'attaque, et a les honneurs de la délivrance. L'imbécille qu'on a feint d'assasiner [sic], et qui ne sait pas que c'est une feinte, laisse aller les assassins, de peur, dit-il, qu'il ne lui en coûte quelque chose si la justice se mêlait de le venger.

Le premier faux dom Carlos (nommé dom Fernand), arrive après coup. L'amant lui dispute le nom qu'il a usurpé, et prétend que c'est à lui qu'il appartient Dom Fernand s'en va, en disant : « Je joue ici un joli rôle; » ce que l'assemblée , qui avait déjà pris le parti de rire de l'auteur, ne pouvant rire de la pièce, a beaucoup applaudi.

Le beau-père ne sachant si ce second dom Carlos est véritablement le bon, demande qu'il ait à représenter le portrait d'Isabelle qui lui a été envoyé. Le valet répond qu'ils ont été dévalisés en chemin, et que les voleurs l'ont emporté. Ils étaient donc bien nombreux, s'écrie le beau-père, s'ils ont pu vaincre d'aussi braves gens que vous. Quatorze, répond le valet, et ils occupaient les hauteurs. Ce mot est le seul qui , dans les trois actes, ait paru plaisant ou bouffon.

Enfin, le véritable dom Carlos arrive et se fait reconnaître. La petite Isabelle n'en est pas fort en peine ; elle fait la mutine, et déclare que, « s'il l'épouse, il en arrivera quelque malheur ; » ce qui a été trouvé gaillard pour une Agnès. Dom Carlos, instruit qu'un autre est aimé, et ne voulant pas courir la chance dont il est si franchement menacé, laisse de très-bonne grâce Isabelle à son amant. Le père, content pourvu qu'il soit débarrassé de sa fille, la lui donne aussi très-volontiers. Pour dom Fernand, il avait été, une minute auparavant, renvoyé comme un misérable et ne s'était point fâché : car ce personnage était aussi débonnaire qu'intéressé.

Le parterre n'a pas été très-méchant non plus. Il a sifflé, mais modérément.

On donnait avant cette pièce le Somnambule, qui fait toujours beaucoup rire les petits enfans, et bâiller ceux qui ne le sont plus. On a fini par Fanfan et Colas, qui est encore un drame composé pour amuser l'enfance, mais où elle peut aussi puiser une leçon utile. On voit que, quant à l'âge mûr, ce jour là n'était pour lui un jour de bonne fortune.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, vendémiaire an XIV [septembre 1805], p. 286-288 :

[Reprise de la deuxième moitié de l’article du Mercure de France. L’intrigue est résumée avec un brin d’ironie (sur la vraisemblance du sujet, sur son originalité, sujet repris d’une pièce récemment jouée... sur le même théâtre !). La réaction du public est notée au milieu de la pièce (un mot malheureux provoquant des applaudissements ironiques). Et le critique signale le seul bon mot de la pièce, tout comme il juge bien délurée la jeune fille à marier. Une fois la fin annoncée, le compte rendu est terminé : rien sur l’interprétation, ni sur l’auteur. On ne sait même pas si la pièce est tombée. Mais on s’en doute un peu...]

THÉATRE DE L’IMPÉRATRICE.

Les trois Gendres, comédie en trois actes et en prose.

La scène est en Espagne. Isabelle est destinée par son père à dom Carlos, que le père ni la fille n'ont jamais vu ; ce qui est fort vraisemblable. Un premier imposteur, personnage avare et cupide, quoique fort jeune, alléché par la dot qu'il croit devoir être considérable, se produit sous le nom de dom Carlos, et, pour se rendre plus intéressant (quoiqu'on n'en voie pas la nécessité), imagine de faire attaquer le beau-père par deux estafiers qu'il soudoie, de voler à son secours, et de paraître son libérateur. Incident emprunté d'une autre méchante pièce, jouée il y a quelque temps au même théâtre.

Mais Isabelle a un amant qu'elle a fait avertir de se présenter à son père, en se donnant aussi pour dom Carlos. Cet amant arrive au moment de l'attaque, et a les honneurs de la délivrance. L'imbécille qu'on a feint d'assassiner, et qui ne sait pas que c'est une feinte, laisse aller les assassins, de peur, dit-il, qu'il ne lui en coûte quelque chose, si la justice se mêlait de le venger.

Le premier faux dom Carlos (nommé dom Fernand), arrive après coup. L'amant lui dispute le nom qu'il a usurpé, et prétend que c'est à lui qu'il appartient. Dom Fernand s'en va , en disant : « Je joue ici un joli rôle ; » ce que l'assemblée , qui avait déjà pris le parti de
rire de l'auteur, ne pouvant rire de la pièce , a beaucoup applaudi.

Le beau-père ne sachant si ce second dom Carlos est véritablement le bon, demande qu'il ait à représenter le portrait d'Isabelle qui lui a été envoyé. Le valet répond qu'ils ont été dévalisés en chemin, et que les voleurs l'ont emporté. Ils étaient donc bien nombreux, s'écrie le beau-père, s'ils ont pu vaincre d'aussi braves gens que vous. Quatorze, répond le valet, et ils occupaient les hauteurs. Ce mot est le seul qui, dans les trois actes, ait paru plaisant ou bouffon.

Enfin, le véritable dom Carlos arrive et se fait reconnaître. La petite Isabelle n'en est pas fort en peine ; elle fait la mutine, et déclare que, « s'il l'épouse, il en arrivera quelque malheur ; » ce qui a été trouvé gaillard pour une Agnès. Dom Carlos , instruit qu'un autre est aimé, et ne voulant pas courir la chance dont il est si franchement menacé, laisse de très-bonne grace Isabelle à son amant. Le père, content pourvu qu'il soit débarrassé de sa fille, la lui donne aussi très-volontiers. Pour dom Fernand, il avait été, une minute auparavant, renvoyé comme un misérable et ne s'était point fâché : car ce personnage était aussi débonnaire qu'intéressé.

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