Le Vendemie, les Vendanges, opéra italien, musique del signor Cazzaniga, 31 mai 1791.
Théâtre de Monsieur.
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Titre :
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Vendemie (le), les Vendanges
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Genre
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opéra italien
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Nombre d'actes :
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Vers / prose
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Musique :
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oui
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Date de création :
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31 mai 1791
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Théâtre :
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Théâtre de Monsieur
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Auteur(s) des paroles :
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Compositeur(s) :
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M. Cazzaniga
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Mercure universel, tome 4, n° 97 du dimanche 5 juin 1791, p. 79 :
[Un opéra italien peut difficilement être original : celui-ci a repris l'intrigue d'une pièce de Destouches. Et son titre n'a pas besoin d'être en accord avec son contenu : pas de vendange dans la pièce, juste un décor représentant un coteau, ce qui est peu. « Ces ouvrages semblent destinés à tourmenter le bon sens ». Si le livret est insignifiant, la musique, heureusement, est de qualité, « riche et abondante ». Elle comprend notamment un sextuor qui a impressionné le critique. Mais il fallait qu'elle compense « les invraisemblances de chaque scène », aucune n'étant motivée. Le critique ne supporte pas qu'on passe brusquement d'un lieu à un autre, et que la scène soit vide : l'opéra ne respecte pas les saines lois du théâtre français (mais il est italien...). Les chanteurs sont jugés très positivement : l'un d'eux faisait son début, et le critique, qui apprécie son chant, aimerai t qu'il se tienne de manière plus naturelle. Les chanteurs plu expérimentés ont su incarner leur personnage, ingénu ou comique. L'article s'achève sur un nouveau conseil au débutant : ne pas solliciter les applaudissements en saluant au moindre frémissement de la salle, qui ne ménage pas ses marques d'approbation. Le rappel d'un bon mot de Philippe de Macédoine permet au critique de donner la leçon sur ce point, non plus au chanteur, mais au public.
La pièce de Destouches a été créée en 1750.]]
Theatre de Monsieur.
Une ancienne comédie de Destouches, intitulée la force du naturel, a fourni l’intrigue de l’opéra donné hier, pour la seconde fois à ce théâtre, sous le titre de le Vendemie, ou les Vendanges, quoiqu’il n’y soit nullement question de vendange ; il est vrai qu’au lever de la toile la décoration représente un côteau ; mais ce n’est pas la première fois que, dans ces sortes de compilations la décoration ou même le titre n’ont aucune analogie avec la piece. Ces ouvrages semblent destinés à tourmenter le bon sens.
La musique qui est del signor Giuseppe Gazzaniga, est très-vivement applaudie ; elle nous a paru riche et abondante. On a fort goûté un sextuor qui est d’une grande beauté, et l’emporte sur tout ce qu’on a entendu à ce théâtre. Pour supporter les invraisemblances de chaque scène, dont aucune n’est motivée, il faut étouffer les murmures de la raison, et se laisser transporter tout d’un coup d'un appartement dans un désert, et avec la même rapidité d’un désert dans un sallon. Cependant notre intention étoit de compter combien de fois la scène est restée vuide, mais nous avons craint de charger notre mémoire.
M. Simoni, qui a débuté dans cet opéra, réunit à un beau timbre une méthode de chant pleine de gout. Nous désirions qu’il marchât sans affectation et ne cherchât pas à faire pointe du pied.
Mlle. Baletti, a fort bien chanté et rendu avec beaucoup d’ingénuité le rôle d’Agathe.
M. Rafanelli, a joué avec son comique ordinaire, et M. Mandini a rendu très plaisamment le comte du Zéphir, gourmand qui ne songe qu’à manger.
Nous terminerons par engager M. Simoui, à ne plus saluer le public à la plus légère apparence d’applaudissemens, c’est les commander.... et ils sont déjà d’un assez gros calibre, car ils vont jusqu’au délire musical. Philippe , roi de Macédoine, disoit à son fils Alexandre, qui valoit bien un chanteur italien; n'as-tu pas de honte de si bien chanter ? et nous, nous dirons à certaine portion de spectateurs : n'avez-vous pas de honte d'applaudir jusqu'à la fureur un son bien filé ?
Réimpression de l’ancien Moniteur, tome huitième (1861), Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 156 du 5 juin 1791, p. 586 :
[Seule la musique est analysée dans ce compte rendu : les compositeurs, les interprètes.]
THÉATRE DE MONSIEUR.
L'opéra delle Vendemie a eu beaucoup de succès et méritait d'en avoir. La musique est del signor Cazzaniga. Nous n'avions pas encore entendu de musique de ce maître, élève d'un homme dont le talent nous fut bien précieux, de Sacchini. Son nom était à peine connu en France par quelques airs détachés. Son talent est digne d'être connu davantage; la fraîcheur des idées, la grâce de la mélodie sont particulièrement ce qui le distingue. S'il n'a pas une grande originalité dans ses effets d'orchestre, au moins y montre-t-il toujours un excellent goût. Quelques morceaux d'autres maîtres ont été ajoutés à cet opéra, et ont contribué à son succès. On a distingué, entre autres, un air charmant de M. Mengozzi, et un sestetto superbe de M. Cherublni. La manière de ce jeune maître est véritablement étonnante : dans un âge où d'ordinaire on donne à peine des espérances, il a déjà élevé son vol jusqu'au premier rang des compositeurs de l'Europe. Aucun d'eux n'est plus original, plus vigoureux, plus consommé dans son art; aucun d'eux n'a plus de charmes, plus de feu, plus de poésie, plus de vérité d'expression. Si M. Cherubini voulait consacrer son talent à des ouvrages français, et s'il était secondé par des chanteurs, il serait capable à lui seul d'amener notre musique au degré de perfection qu'elle est encore loin d'atteindre.
Ce qui a fait réussir encore plus l'opéra delle Vendemie, c'est la manière dont il a été joué et chanté. Jamais Mlle Balleti, dont la réputation dans le chant est bien assurée, n'avait montré dans le jeu autant de gaité, de chaleur, de cette naïveté qui prouve l'intelligence et le bon esprit. Elle a su donner à son rôle un caractère tout à fait neuf et piquant.
M. Simoni, qui paraissait pour la première fois sur la scène, mais qui, comme chanteur, avait déjà réussi dans les concerts, a plu également comme acteur. Sa voix est intéressante et son goût de chant très-fleuri, mais sans luxe et sans ornements de mauvais goût, reproche que ne méritent que trop souvent les ténors. Il a de l'intelligence, de l'habitude de la scène et un fort bon maintien. On doit savoir gré aux entrepreneurs de ce théâtre de nous l'avoir fait connaître. Leur intérêt et le nôtre seraient de nous faire passer ainsi en revue tout ce que l'Italie possède d'excellent.
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 25 du samedi 18 juin 1791, p. 110-111 :
[Les rubriques des spectacles se font rares dans le Mercure, en ce moment d’accélération de l’Histoire, et il faut bienr attraper le retard. Donc trois pièces, dont la première est un opéra italien (on aura ensuite Encore des Ménechmes, de Picard, et Adélaïde et Mirval. On commence par le Vendemie, opéra italien, dont le critique laisse entendre, sans surprise, qu’il a un livret sans intérêt, puisqu’il ne le voit que comme un moyen de placer la quantité d’airs prévue. Heureusement, la musique rachète le livret. Le compositeur est nouveau, mais il « a un chant infiniment agréable, & un excellent style d'accompagnement ». Et les airs ajoutés, selon la tradition, sont bien choisis. Les interprètes sont également excellents.]
Nous avons à parler de trois Nouveautés, deux au Théatre de Monsieur, & une au Théatre Italien. La premiere du Théatre de Monsieur, est un Opéra Italien, intitulé le Vendemie, les Vendanges. Un Seigneur devient amoureux d'une jeune Vendangeuse prête à se marier à un Villageois ; il vient à découvrir qu'elle est fille de qualité, & qu'elle a été changée en nourrice contre une autre qu'il était lui même sur le point d'épouser. Cette découverte qui se fait de bonne heure, pourrait finir promptement la Piece, s'il n'avait pas plu à l'Auteur de la prolonger, en faisant garder le secret au Marquis, jusqu'à ce que le Compositeur ait rempli le nombre de morceaux de musique convenus. Ce sont donc ces morceaux de musique qu'il s'agit d'examiner, ou plutôt qu'il faut aller entendre, car ils en valent la peine. Le Compositeur, nouveau pour nous, Il Signor Cazzaniga, a un chant infiniment agréable, & un excellent style d'accompagnement. Sa maniere est variée & piquante. Les morceaux ajoutés sont aussi d'un très-bon choix. On a fort applaudi un Rondeau de M. Mengozzi, & sur-tout un Sestetto de M. Cherubini, d'une beauté rare, plein de vigueur, d'expression & d'originalité. Ce jeune Maître mérite déjà d'être placé au premier rang de ceux dont l'Italie s'honore.
La Piece, outre le mérite ordinaire de l'exécution, a encore l'avantage d'être parfaitement jouée. Mlle. Baletti, dont le talent pour la Scène se développe de jour en jour, rend son rôle de maniere à faire à elle seule le succès de l'Ouvrage. Elle est très-bien secondée par M. Simoni, qui remplit l'emploi de Tenore avec un talent marqué. Il avait déjà beaucoup réussi dans les concerts donnés pendant la semaine de Pâques, & son début sur la Scène n'a fait que confirmer son succès. MM. Mandini & Rafanelli sont aussi placés très-avantageusement dans cette Piece.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 7 (juillet 1791), p. 288-289 :
[De cet opéra, dont l’intrigue repose sur une pièce de Destouches, le compte rendu ne retient que la musique, qui reçoit les éloges habituels, « pleine de gaieté, de grâces, de naturel & d'une mélodie charmante ». Comme d’habitude aussi, on a mêlé la musique de plusieurs musiciens à celle de l’auteur principal, Cazzaniga. Les chanteurs ont bien chanté. Un seul mystère : ce titre de Vendanges, dont le critique ne voit pas la raison (à part la décoration du commencement, ce qui est bien peu).]
On peut compter enfin comme un grand succès, comme le premier qu'ait eu l'opéra italien dans la nouvelle salle, celui de l'opéra delle Vendemie, les Vendanges, titre qui n'est dû qu'à la décoration du commencement, car il n'est pas question de vendanges dans toute la piece, donnée à ce théâtre le 31 de mai dernier. L'intrigue en est tirée d'une ancienne comédie de Destouches, intitulée : la Force du naturel. Nous ne nous y arrêterons pas : nous dirons seulement que la musique, del signor Cazzaniga, est pleine de gaieté, de grâces, de naturel & d'une mélodie charmante. On a ajouté quelques morceaux qui embellissent encore l'ouvrage, entr'autres un air délicieux de M. Mengozzi, parfaitement chanté par Mlle. Balletti, & un sextetto qui est peut-être la plus belle chose qu'on ait encore entendue à ce théâtre, sans en excepter même les autres morceaux de M. Cherubini, auteur de celui-ci.
Mlle. Balletti, qui a chanté le premier rôle arec sa perfection ordinaire, a excité encore plus d'enthousiasme par la manière gaie, naïve & vraie dont elle l'a joué. Le talent qu'elle y a montré méritoit seul un grand succès.
M. Simoni, qu'on avoit entendu avec grand plaisir dans les concerts de Pâques, n'en a pas moins fait dans cet opéra. Sa voix est timbrée, sonore & douce ; sa méthode pure, quoique très-ornée, & dirigée par le meilleur goût. Comme acteur, il mérite encore des éloges; il a de la chaleur, de la noblesse & beaucoup d'expression. On peut le regarder comme une des meilleures acquisitions que ce théâtre ait faites.
César ne connaît pas d’opéra le Vendemie, ou les Vendanges, joué le 31 mai 1791 au Théâtre de Monsieur / Théâtre Feydeau. Il connaît par contre la Vendemmia, ou les vendanges, opéra en 2 actes de Giovanni Bertati, donné au Théâtre Feydeau du 14 janvier au 28 novembre 1791 et qui a connu 11 représentations (dont une le 1er juin). Sa première représentation date du 15 mai 1778, et il a été publié en 1791 (voir Emmet Kennedy, Marie-Laurence Netter, James P. McGregor et Mark V. Olsen, Theatre, Opera, and Audiences in Revolutionary Paris: Analysis and Repertory, p. 109).
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