Abelino

Abelino

, drame en cinq, puis quatre actes, de Thuring et Delrieu, 23 brumaire an 10 [14 novembre 1801].

Théâtre de Molière.

Sous ce même titre il y a plusieurs pièces d'auteurs divers joués dans plusieurs théâtres :

  • Abelino, ou la Conspiration de Venise, drame en cinq actes et en prose, de Duperche, créé sur le Théâtre de Liège le 14 nivôse an 7 [3 janvier 1799], inspirée de l'Abelino de Kotzebue (ou plutôt de Zchocke) ;

  • Abelino, drame en cinq, puis quatre actes, en prose, de Thuring et Delrieu, créé sur le Théâtre de Molière le 23 brumaire an 10 [14 novembre 1801] ;

  • Abelino, ou le Héros vénitien, drame en quatre actes, de Zchocke, traduit par Lamartellière, créé sur le Théâtre du Marais le 24 frimaire an 10 [15 décembre 1801] ; l'auteur cité, Chazet père, est tout au plus le traducteur (mais que devient alors Lamartellière ?), ou l'adaptateur de la pièce allemande de Zschocke.

  • l'Homme à trois visages, ou le Proscrit, drame en trois actes, en prose et à grand spectacle, de Guilbert de Pixerécourt, créé sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique le 14 vendémiaire an 10 [6 octobre 1801]

La pièce est également connue sous le titre de Abelino. ou le Grand bandit

Courrier des spectacles, n° 1721 du 25 brumaire an 10 [16 novembre 1801], p. 2 :

Théâtre de Molière.

Nous nous étions proposés de parler aujourd’hui d’Abélino, drame en cinq actes et en prose, dont la représentation eut lieu avant-hier à ce théâtre ; mais nous aimons mieux attendre la seconde représentation, qui se donne ce soir. L’ouvrage a éprouvé des corrections, il est réduit à quatre actes : au moyen de ces changemens il marchera mieux et obtiendra sans doute plus de succès.

Courrier des spectacles, n° 1722 du 25 brumaire an 10 [17 novembre 1801], p. 2 :

Théâtre de Molière.

La seconde représentation d'Abelino a eu ainsi que nous l’avions espéré, plus de succès que la première. Au moyen d’heureuses coupures que l’on a faites, l’ouvrage marche rapidement et présente plusieurs scènes d’une grande beauté dans les différents actes, ce qui soutient parfaitement l’intérêt.

Voici le sujet de cet ouvrage, dont nous avons déjà donné un apperçu eu rendant compte de l'Homme à trois visages :

Exilé de Venise par le Doge, qui lui refuse la main de Rosa, sa fille, le jeune Laurendo rassemble quelques amis et surprend un fameux brigand qui désoloit les environs de Venise, sons le nom d’Abelino. Les partisans de celui-ci résistent et massacrent tous les guerriers qui ont suivi Laurendo, qui dans ce danger pressant attaque Adelino, le terrasse, et reconnoît en lui un seigneur Vénitien, un conjuré, qui à l’aide d’un masque cachoit sa figure à tous ceux qui l’approchoient. Il s'empare de ce masque, s’en couvre le visage, et se faisant passer pour Abelino, il commande aux brigands ; il parvient à rentrer dans Venise secrètement, et comme il sait tout le plan d’une conspiration contre l’état, il en instruit le Doge, qui ne voit en lui que Florendo, et qui lui promet la main de sa fille. Le Sénat est convoqué pour neuf heures du soir. Les conjurés s’y rendent, dans l’intention d’exécuter leurs desseins, et dans l’espoir d’être secondés par Abelino. Abelino y vient en effet, mais au grand étonnement de tous, c’est pour sauver Venise en démasquant les traîtres, et en quittant son costume d’Abelino pour paroitre sous celui de Laurendo.

Le citoyen Martelli a joué avec sa supériorité ordinaire le rôle de Laurendo, et madame Lecoutre, dans celui de Rosa , a déployé beaucoup de sensibilité et d’intelligence. Le rôle du Doge a été rendu avec noblesse, et mieux que la première fois, par le citoyen J. B. Vanhove. Les auteurs sont le général Thuring et le cit. Delrieu.

Louis-Henry Lecomte, Histoire des Théâtres de Paris, le Théâtre de la Cité, 1792-1807 (Paris, 1910), p. 279 :

24 frimaire an 14 [15 décembre 1805]: Abélino, drame en 4 actes, par Chazel père (du Théâtre du Marais).

Annoncé par le Courrier des spectacles, n° 1730 du 4 frimaire an 10 [25 novembre 1801] au Théâtre du Marais, comme un drame en quatre actes. Représentations suivantes : les 5, 6, 9, 10 frimaire [26, 27, 30 novembre, 1er décembre].

Une imitation, sortie de la plume de Chazet, a été imprimée à Paris en 1802.

Courrier des spectacles, n° 1733 du 7 frimaire an 10 [28 novembre 1801], p. 2 :

Théâtre du Marais.

Beaucoup de personnes ont réclamé Abelino. L’une prétendoit l’avoir traité avant l’autre. Mais, étoit-il nécessaire de prendre une date de priorité pour un sujet qui appartenoit au premier occupant ? Le citoyen Chazet, auteur de la pièce jouée au théâtre du Marais, sous le titre d'Abelino, ou le Héros Vénitien, nous avoit fait aussi parvenir une réclamation qui établissoit incontestablement son droit de priorité. Mais, il faut le dire, ces réclamations n’empêchent pas et ne peuvent empêcher la représentation de la même pièce à un autre théâtre. Les autorités civiles ou littéraires n’y peuvent rien. Le public voit deux pièces semblables, il juge, et la meilleure reste.

Nous n’avons pu assister à première représentation de cet ouvrage, mais il ne paroît pas avoir été mal accueilli, quoique nous doutions fort qu’il ait eu un brillant succès. C'est absolument le fonds d'Abelino (*), qui se joue avec succès au théâtre de Molière, et de l’Homme à trois visages (**), qui attire du monde à l'Ambigu-Coinique ; mais les noms n’en sont pas les mêmes, la marche en est différente, les actes sont coupés d’une autre manière, les effets peut-être en sont moins rapides, les situations moins étonnantes. Cependant l’auteur a eu une intention bien dramatique, celle de taire l’explication de la mort d'Abelino, et des travestissemens du Héros qui, après l’avoir tué, a pris son nom et son costume, jusqu’au moment où il importe à tous de le connoitre. Mais eu rendant l’intérêt plus compliqué, il ne l’a pas augmenté, parce que le public qui ignore qu’Abelino est le même que Fladoardo, se demande raison de ces apparitions extraordinaires d’un brigand au milieu d’une ville policée, et devant le premier Magistrat : et lorsqu'il faut se demander pourquoi tel personnage agit, l'esprit est à la torture, adieu d'attention; Nous avons aussi trouvé un peu mesquine cette réunion de nobles Vénitiens qui viennent à la fête de la nièce du Doge. Il y manque un certain appareil nécessaire pour en imposer aux conjurés qu'on veut y arrêter. Nous aimons mieux que la scène se passe au Sénat. Encore un petit mot  : l’auteur n’a point donné a la conjuration de chef principal ; il en falloit un, et non dix ; il en falloit un pour doubler les dangers de Fladoardo, et l’intérêt qu’on doit lui porter.

Cet ouvrage est joué d’une manière satisfaisante par les citoyens Chazel et Alexandre. Ce dernier a eu des momens de vérité dans le rôle d'AbeIino ; mais il n’est pas aussi bon dans celui de Fladoardo. Il est maheureux que le traducteur de cet ouvrage allemand ait gardé de grandes phrases insignifiantes, des détails minutieux, tels que le bouquet de violettes qu'a cueilli la nièce du Doge, la description de la victoire de celui-ci sur 1es Turcs, etc. ; cela ne fait que refroidir le spectateur, qui , dans cette saison, demande à être échauffé, sur-tout dans une salle aussi vaste et aussi peu fréquentée que celle du Marais.

(*) Voyez le N° du 26 brumaire.

(**) Voyez le N° du 15 vendémiaire.

Le numéro du 15 vendémiaire an 10 [7 octobre 1801] contient un compte rendu de l'Homme à trois visages, adaptation d'un drame allemand de Schultz intitulé Abelino (et qui connaîtra d'autres adaptations.

Louis-Henry Lecomte, Histoire des Théâtres de Paris, le Théâtre de la Cité, 1792-1807 (Paris, 1910), p. 279 :

24 frimaire an 14 [15 décembre 1805]: Abélino, drame en 4 actes, par Chazel père (du Théâtre du Marais).

Annoncé par le Courrier des spectacles, n° 1730 du 4 frimaire an 10 [25 novembre 1801] au Théâtre du Marais, comme un drame en quatre actes. Représentations suivantes les 5 et 6 frimaire.

Une imitation, sortie de la plume de Chazet, a été imprimée à Paris en 1802.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an 8, 3e trimestre, p. 484-485 :

[L'article, p. 469-485) est consacré à rendre compte de la publication du théâtre de Schiller, traduit par Lamartellière :

Théatre de Schiller, traduit de l'Allemand, par Lamartelliere, membre de plusieurs sociétés littéraires, 2 vol. in-8°. de 500 pages chacun. A Paris, chez Renouard, libraire, rue André-des-Arcs, No. 42, an VIII.

Abelino ou le Grand Bandit est la dernière pièce du recueil des pièces, et elle n'est pas de Schiller. Lamartellière a remplacé par la pièce de Zchocke les Brigands de Schiller peut-être parce qu'elle était trop connue. Dans la préface au tome I du Théâtre de Schiller, p. 7, il la présente comme une « pièce qui a un mérite tout à fait original, et qui, par sa contexture et la singularité du sujet, semble appartenir au même écrivain ». Le jugement porté sur la pièce est plutôt ironique : la pièce repose sur le dédoublement du personnage principal, entre bandit et homme d'honneur. Elle est comparée aux « mauvais romans qu'on dit imités de l'Anglais », et son sujet est juste bon à faire une pantomime, une pièce avec caverne et brigands comme on en trouve tant dans les « petits théâtres ». La dernière phrase s'indigne que ce soit ce genre de spectacles qu'on montre au peuple.]

Enfin,, Abelino ou le Grand Bandit est une production qui passe toutes les bornes de l'originalité.

Cet Abelino est un jeune homme qui s'appelle Flodoardo, plein d'honneur, de vertu, de rares qualités. Il ne se fait brigand, sous le nom d'Abelino, que dans les meilleures intentions du monde.

Il paraît tantôt [s]ous un nom, tantôt sous l'autre, sans que personne se doute qu'il joue ce double personnage. Il en est quitte, comme maître Jacques, pour changer de casaque. Les mêmes personnes le voient presqu'au même instant en Abelino et en Flodoardo, sans soupçonner qu'il est double.

Est-il Flodoardo ? Il est charmant, amoureux, sensible, réconnaissant ; il parle le langage le plus tendre.

Est-il Abelino ? Il jure, il boit, il rosse ; il fait peur à tout le monde ; il joue le rôle de Cartouche ou de Mandrin. Il brave les lois, les juges et les sbirres ; on tremble à son nom ; on ne sait où le prendre ; il semble qu'il soit invisible et invulnérable.

Il menace de tuer les deux premiers magistrats de Venise, les meilleurs amis du Doge; et effectivement ces deux magistrats disparaissent ; mais à la fin Flodoardo promet de livrer Abelino vivant; et il le livre en expliquant le mystère du double déguisement. Il ramène les deux vieillards qu'il a seulement cachés pour les soustraire aux poignards de véritables conjurés ; car il se tramait dans Venise une conspiration à laquelle il a feint de prendre part comme Abelino, afin de la déjouer comme Flodoardo.

Cette pièce ressemble assez aux mauvais romans qu'on dit imités de l'Anglais, et qui font peur aux petits enfans : nous ne doutons pas qu'on ne pût en faire une pantomime ou une pièce dans le genre de toutes ces cavernes, et de tous ces brigands dont nos petits théâtres sont encore plus infestés que nos grandes routes. Il est bien honteux que ce soient de pareils spectacles qu'on montre à un peuple qui a le bonheur de posséder tant de beaux ouvrages dramatiques.

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