L’Homme à trois visages, ou le Proscrit

L’Homme à trois visages, ou le Proscrit, drame en trois actes, en prose et à grand spectacle, de Guilbert de Pixerécourt, 14 vendémiaire an 10 [6 octobre 1801].

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, se vend au Théâtre, an X. – 1801 :

L’Homme à trois visages, ou le Proscrit, drame en trois actes, en prose et à grand spectacle. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de l’Ambigu-Comique. 14 vendémiaire an X. Par R.-C. Guilbert de Pixerécourt.

Voir l'article consacré à l'ensemble des pièces mettant Abelino en scène.

[Le Théâtre choisi de G. de Pixerécourt, tome deuxième, Paris, Nancy, 1841, p. 166--169 offre un large choix de comptes rendus de la pièce, en portant bien entendu un regard favorable sur la pièce.]

Courrier des spectacles, 15 Vendémiaire, an X.

[7 octobre 1801. On trouvera l'article complet plus bas.]

L'homme à trois visages ! Ce titre promet beaucoup. On s'attend à une action fortement intriguée,et cet espoir est bien justifié lorsque l'on voit la pièce. Elle a réussi complétement hier à ce théâtre. Le sujet est imité du drame allemand de Zchocke, Abelino ; mais l'auteur du drame français, en empruntant quelque chose à l'allemand, a su conserver les trois unités : mérite que n'a point ce dernier. Il a créé de nouveaux incidents ; son héros a trois visages, et dans l'ouvrage de Zchocke, il n'en a que deux. Peut-être n'a-t-il pas donné à ses personnages et surtout au doge les caractères qui leur conviennent : il a fait de ce magistrat un homme faible et sans volonté. Celui du comte Orsano est un peu uniforme ; mais celui de Rosemonde est très-bien tracé. Celui d'Abelino est admirable ; c'est lui qui a contribué surtout au grand succès de la pièce.

La dernière scène est du plus grand effet, ainsi que plusieurs autres dans les premier et deuxième actes.

L'ouvrage a été généralement bien joué. Le citoyen Tautin a mieux rendu le rôle d'Abelino que ceux de Vivaldi et d'Edgar. Mademoiselle Levesque a déployé un grand talent dans le rôle de Rosemonde ; elle a été unanimement redemandée après la pièce. L'auteur est le citoyen Guilbert Pixerécourt.

Lepan.          

Idem. 19 Vendémiaire, an X.

[11 octobre 1801.]

Le succès de L'homme à trois visages est prodigieux. La foule se porte à ce théâtre pour voir un ouvrage rempli d'intérêt, qui offre des scènes admirables et des situations vraiment dramatiques. Mademoiselle Levesque continue de jouer le rôle de Rosemonde avec noblesse et avec une sensibilité remarquable. La vérité et la chaleur de son débit lui méritent chaque jour de nouveaux applaudissements.

Lepan.          

Idem. 9 Brumaire an X.

[Soit le 31 octobre 1801. L'article, très bref, est reproduit intégralement.]

Ce drame, dont nous avons rendu compte dans nos numéros des 15 et 19 Vendémiaire, est un des plus intéressants qui aient été joués sur les théâtres du boulevard. Le citoyen Corsse a la satisfaction de voir chaque jour sa salle complétement remplie. Il faut convenir aussi que le citoyen Tautin se montre de jour en jour plus digne des applaudissements qu'il reçoit du public.

Lepan.          

Petites affiches. 16 Vendémiaire, an X.

[8 octobre 1801. Pixerécourt n'a reproduit qu'un paragraphe sur trois de cet article. On le trouvera en entier plus bas.]

Une conjuration préparée à Venise contre le doge et le sénat, mais découverte et arrêtée par l'habileté d'un seul homme que ce même sénat avait proscrit, fait le fond de la pièce donnée à ce théâtre sous le titre de l'Homme à trois visages.

Cet ouvrage digne de l'auteur de Cœlina, le citoyen Guilbert de Pixerécourt, offre des scènes du plus grand effet. La pièce est jouée avec beaucoup d'ensemble et un talent supérieur de la part de mademoiselle Levesque, très-jolie personne qui remplit le rôle de Rosemonde avec beaucoup d'âme et d'énergie. Le citoyen Tautin joue les trois rôles avec toute l'habileté et l'intelligence que l'on peut attendre du comédien le plus consommé. Corsse a montré un talent très-original dans un rôle où tout autre que lui aurait pu échouer.

L'auteur que nous avons nommé plus haut a été demandé avec transport.

Ducray-Duminil.          

Journal d'indication. 15 Vendémiaire an X.

[7 octobre 1801.]

En l'an VIII, le citoyen Lamartelière a traduit une tragédie romantique en cinq actes, de Zchocke, qui depuis quelques années obtenait un immense succès dans toute l'Allemagne. Mais le drame français, tel que l'a conçu le citoyen Pixerécourt, est infiniment supérieur à l'original par la vraisemblance, la charpente, le développement des scènes et surtout par l'intérêt qui y règne. L'auteur a créé des personnages, des incidents nouveaux et des scènes entières. L'exposition est admirablement conçue et exécutée. Rien de plus dramatique que la mort de Michieli. La scène d'Abelino avec le doge glace d'effroi ; le dénouement est vraiment tragique et théâtral, il offre bien la punition du crime et le triomphe de la vertu. Le style très-soigné offre souvent des beautés réelles. Enfin, l'ouvrage monté avec le plus grand soin, est joué avec beaucoup d'ensemble par les principaux acteurs de ce théâtre. Tautin a obtenu beaucoup d'applaudissements. Le citoyen Corsse a tiré tout le parti possible du rôle plaisant d'un juif banquier et poltron qui égaie la scène ; mais tous les éloges se sont réunis en faveur de mademoiselle Levesque, qui n'a rien laissé à désirer par la manière dont elle a rendu le beau rôle de Rosemonde. Après la représentation, elle a été unanimement demandée et a reçu du public l'accueil le plus flatteur.

L'auteur, que nous avons nommé plus haut, est le citoyen Guilbert Pixerécourt, à qui l'on doit déjà Coelina, Victor, le Pèlerin blanc, etc. Il a été demandé avec le plus grand empressement à la chute du rideau et n'a point paru.

Babié.          

Journal du soir. 15 vendémiaire, an X.

[7 octobre 1801.]

Le mélodrame en trois actes, joué hier à l'Ambigu-Comique, est une des pièces les plus vigoureusement conçues qu'on ait encore vues à ce théâtre. Elle est du même auteur que Cœlina et mérite le même succès. Le sujet de l'Homme à trois Visages, est puisé dans la conjuration de quelques sénateurs contre le doge de Venise. Les situations en sont éminemment dramatiques, l'ouvrage offre beaucoup d'intérêt et des caractères fortement tracés.

Cette pièce est montée avec tout le soin qui distingue l'administration de ce théâtre. Elle est généralement bien jouée.

Corsse anime par son jeu un rôle qui serait mal placé entre les mains de tout autre que lui. Tautin sent bien celui d'Abélino. Mademoiselle Levesque, chargée de l'emploi difficile de Rosemonde, y a mérité de très-vifs applaudissements. L'auteur demandé à l'unanimité est le citoyen Guilbert de Pixerécourt.

Beaumont.          

L'Observateur des arts. 16 vendémiaire, an X.

[8 octobre 1801.]

L'ouvrage allemand de Zchocke intitulé Abelino n'est à tout prendre qu'un imbroglio fatigant, un escamotage impossible et dépourvu d'intérêt. Il appartenait à un auteur français, à un homme d'imagination et de mérite, d'en faire une pièce raisonnable, un ouvrage vraiment dramatique. C'est ce qu'a fait avec bonheur le citoyen Pixerécourt auquel nous devons déjà plusieurs drames très-remarquables. Son ouvrage est bien charpenté, bien conçu, bien dialogué et surtout bien écrit. Il offre beaucoup de mouvement, d'intérêt, et d'action ; il est plein d'effets et de situations dramatiques. D'après le principe d'Aristote, les trois unités y sont scrupuleusement observées, ce qui est très-rare dans l'école allemande. Enfin le succès est immense et ne fera que grandir de jour en jour.

Salgues.          

Comme indiqué plus haut, voici dans leur intégrité deux des trois articles du Courrier des spectacles dont Pixerécourt n'a reproduit qu'une partie. On peut tenter de comprendre ce qui a pu motiver ces coupures.

Courrier des spectacles, n° 1680 du 15 vendémiaire an 10 [7 octobre 1801], p. 2 :

Théâtre de l'Ambigu Co mique.

L'Homme à trois visages ! Ce. titre promet beaucoup. On s'attend à une action fortement intriguée, et cet espoir est bien justifie lorsqu'on voit la pièce de l'Homme à trois visages, qui réussit hier complettement à ce théâtre. Le sujet est tiré du drame allemand de Schultz, Abelino. Mais l'auteur du drame français, en empruntant quelque chose à l'allemand, a sçu conserver l'unité de tems, mérite que n'a point ce dernier ; il a créé de nouveaux incidens, son héros a trois visages, et dans l'ouvrage de Schutz il n'en a que deux ; peut-être n’a-t-il pas donné à ses personnages, et sur-tout au Doge, les caractères qui leur conviennent ; il a fait de ce magistrat un homme foible et sans volonté. Celui du Comte Orsano est un peu uniforme ; celui de Rosemonde est très-bien tracé, ainsi que celui de Vivaldi, qui a contribué le plus au succès de la pièce, Il y a quelques scènes où il faudra faire quelques coupures.

Vivaldi, proscrit avec son père par le sénat de Venise, et sur-tout par le comte Orsano, a été arraché, il y a huit ans, des bras de Rosemonde, fille du Doge son ennemi, au moment où il venoit de s’unir à elle aux pieds des autels. Il a passé au service de Charles-Quint, et sous le nom d’Edgar, il s’est acquis une telle réputation dans les combats, que Charles-Quint n’hésite pas à l’envoyer au sénat de Venise, pour commander l’armée Vénitienne contre les Français.

Il revenoit de Florence avec sa troupe ; une lettre lui tombe entre les mains, c’est la correspondance de son ennemi le comte Orsano avec Abelino, que ses crimes ont fait surnommer le Grand Bandit. Muni de cette pièce, il va trouver le doge André Gritti, et lui fait part des projets du comte Orsano, qui médite l’assassinat de tous les sénateurs.

Cependant, comme il veut connoitre toute la conspiration, il s’associe aux conjurés, et prenant un nom redoutable, il est pour eux Abelino, pour le Doge, Edgar, et pour un vieil Ami, Vivaldi.

Orsano veut se défaire de Rosernonde ; un des conjurés reste seul pour la frapper, lui-même reçoit le coup de la mort de la main du faux Abelino. Son épouse, sauvée par lui, ne le reconnoît pas. Mais bientôt le Doge, qui a surpris une lettre de Vivaldi-à Rosemonde, irrité de voir qu’un proscrit ose rentrer dans Venise, charge Edgar de l’arrêter. Rosemonde défend son époux ; son père l’abandonne, et elle n’a plus qu’Edgar à implorer.

Vainement il voudrait se cacher plus long-tems, son émotion le trahit : il embrasse son épouse. Pour gagner de plus en plus la confiance des conjurés; Abdino [sic] appelle le Doge à une entrevue où, écouté par Orsano, il prend la défense de Vivaldi. Le Doge appelle sa garde pour lui résister ; mais en un instant Abelino échappe à toutes les poursuites. Les conjurés qui comptent sur lui se distribuent les différens postes, et la conjuration va éclater. Au Sénat, Orsano peint Edgar comme un homme suspect, Rosemonde paroit pour le défendre : son amour se décèle, et elle a nommé par mégarde Vivaldi ; celui-ci vient lui-même au Sénat, mais sur-le-champ entouré de gardes, on le conduit aux prisons de l’Inquisition.

Délivré par ses soldats, il revient au Sénat sous l’habit d’Abelino, comme il l’a promis aux Conjurés. Orsano triomphe, il croit qu’Abelino va frapper le Doge, il est arrêté lui-même avec tous ses complices.

Cette dernière scène est d’un grand effet, ainsi que plusieurs autres dans les premier et deuxième actes. L’ouvrage est généralement assez bien joué.

Le citoyen Tautin a mieux rendu le rôle d’Abelino que celui d’Edgar et de Vivaldi, et Mademoiselle Lévêque a déployé un grand talent dans le rôle de Rosemonde. Elle a été redemandée unanimement après la pièce.

L’auteur est le cit. Guilbert-Pixérécourt ; la musique est du cit. Quaisain.

Courrier des spectacles, n° 1705 du 9 brumaire an 10 [31 octobre 1801], p. 4 :

[A l'occasion de la publication de la brochure.]

L'Homme à trois visages, ou le Proscrit, drame en 3 actes, en prose et à grand spectacle, représenté pour la première fois sur le théâtre de l’Ambigu-Comique , le 14-vendémiaire an 10 Par le citoyen Guilbert-Pixérécourt.

A Paris, chez Barba , libraire, palais du Tribunat, galerie derrière le théâtre Français, no. 51, et galerie de bois, du côté du jardin , près du même théâtre, no 264.

Ce drame, dont nous avons rendu compte dans nos numéros des 15 et 19 Vendémiaire, est un des plus intéressants qui aient été joués sur les théâtres du boulevard. Le citoyen Corsse a la satisfaction de voir chaque jour sa salle complétement remplie. Il faut convenir aussi que le citoyen Tautin se montre de jour en jour plus digne des applaudissements qu'il reçoit du public.

Ajouter un commentaire

Anti-spam