L'Auberge dans les Nues ou le Chemin de la gloire

L'Auberge dans les Nues, ou le Chemin de la gloire, petite revue de quelques grandes pièces en un acte et en prose mêlée de vaudevilles, de Dieulafoy, Gersin et H. Simon, 7 mai 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Auberge dans les Nues (l’), ou le Chemin de la gloire

Genre

petite revue de quelques grandes pièces

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

7 mai 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dieulafoy, Gersin et H. Simon

Almanach des Muses 1811.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1810 :

L'Auberge dans les nues, ou le Chemin de la gloire, petite revue de quelques grandes pièces, en un acte et en vaudevilles, par MM. Dieulafoi, Gersin et H. Simon, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 7 mai 1810.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VI, juin 1810, p. 281-285 :

[Sous forme d’une revue des pièces jouées lors de la saison précédente, toute une série d’épigrammes dans un cadre faussement mythologique (le temple de la Renommée), pour lequel le critique convoque Voltaire et Pope. Le compte rendu résume une intrigue évidemment assez décousue qui fait défiler Adam, la reine Brunehaut, l’assemblée de famille, Cendrillon et Gérard de Nevers, sans oublier Abel, bien sûr. Le tout rempli d’allusions qui devait parler au public : un comédien qui perd sa perruque, un Adam renvoyé en Allemagne. Un seul personnage est autorisé à pénétrer dans le temple de la Renommée (choix qu’il faut bien sûr interroger!). La pièce, très attendue, n’a pas provoqué de débordements, ni pour, ni contre elle. La pièce n’a pas beaucoup touché le public, peu de rires, des applaudissements sans enthousiasme. Le critique relève les passages les plus appréciés. Finalement, « il y a de l'esprit et de l'imagination dans cet ouvrage », le théâtre couvrira ses frais, mais la pièce montre plus de méchanceté que de gaieté.]

L’Auberge dans les nues, ou le Chemin de la gloire, petite revue de quelques grandes pièces, en un acte et en vaudevilles, de MM. Dieu-la-Foy, Gersain, et Henri Simon.

La fiction qui sert de base à ce vaudeville, sans être tout-à-fait neuve, est assez ingénieuse. Le pèlerinage des auteurs dramatiques au temple de la Renommée eu est le sujet. Ce temple est situé au-dessus des nuages ; il est pénible et périlleux de s'élever nul haut. Les voyageurs sont exposés à des chutes plus ou. moins fâcheuses, et ces accidens ont engagé un assez bon diable de génie, nommé Alte-là, à bâtir dans les nues une auberge où il reçoit les pèlerins fatigués ou meurtris. La Renommée elle-même a trouvé l'idée assez heureuse, et l'a encore étendue en réglant que tous ceux qui prétendent arriver à son temple s'arrêteront chez Alte-là, pour attendre que son commissaire Griffolin y vienne examiner leurs titres. Cela rappelle sans doute le Temple du Goût de Voltaire, où la Critique remplit les mêmes fonctions. Le poëme de Voltaire rappelle â son tour le Temple de la Renommée de Pope, qui lui-même avait pris l'idée dans Chaucer ; et qui nous assurera que Chaucer ne l'avait pas empruntée de quelqu'autre ? Mais il ne faut pas insister sur toutes ces imitations ; on sait qu'il n'y avait rien de nouveau sous le soleil dès le temps du roi prophète.

Revenons à notre sujet. Depuis un an qu'Alte-là a établi son hôtellerie, il y avait déjà reçu plus d'un voyageur qui attend le jugement de la déesse. Adam est le premier en date ; après lui sont arrivés la reine Brunebaut ; la famille dont M Riboutté nous a présenté l'assemblée ; la petite Cendrillon et le grand Gérard de Nevers. Adam est fort triste et de fort mauvaise humeur ; jugé à l'Opéra avant son fils, il voudrait l'être de même par la Renommée ; mais on l'accuse d'avoir violé l'ordre chronologique que la déesse veut rétablir ; en attendant, on lui a donné pour acolytes deux génies armés d'une contrebasse et d'un serpent qui le tourmentent de leur musique ; Cendrillon est aussi gaie, aussi éveillée, que le premier homme est maussade et. endormi. Les autres personnages ne paraissent que lorsqu'ils sont appellés à l'audience qui ne se fait pas attendre long-temps. Griffolin arrive, et l'on appelle la reine Brunehaut. Elle se présente appuyée sur son chancelier qui l'a soutenue dans sa chute ; elle raconte tout ce qu'elle a fait pour la gloire, ses empoisonnemens, ses assassinats, et confesse qu'elle a mis Corneille en pièces. Après elle on fait paraître très-haut et très-puissant seigneur de Nevers, On l'interroge ; mais au lieu de répondre, il s’escrime de l'épée et du bouclier ; il imite les chevaux galopant en rond dans le cirque, et son écuyer agite une banière où sont peints un cheval et un cerf. Griffolin ne pouvant venir à bout de le faire parler, appelle l’assemblée de famille. Aussitôt un de ces petits charriots où l'on promène les enfans, arrive sur la scène ; il porte en effet des enfans qui représentent les principaux personnages de cette comédie ; et lorsque Griffolin demande pourquoi ils se montrent si petits, c'est, dit le père noble, qu'il n'y a rien de grand dans notre aventure que le talent des acteurs : épigramme amenée de bien loin, et qui, malheureusement, en a fait naître de moins excusables. Cendrillon, appellée à son tour, est consultée avec la plus grande bienveillance, qu'elle tâche de mériter par sa modestie ; elle reconnaît qu'elle doit en partie son triomphe au souvenir des talens de sa mère et à la voix de sa sœur.

Cependant Adam insiste pour être jugé, mais on persiste à vouloir qu'Abel arrive. Mercure annonça qu'en effet le moment de sa mort est venu, et il ne s'agit plu» que d'enlever Abel vers la gloire. La chose paraît difficile, et ici commence une autre fiction. Comment porter aux nues un poëme lyrique ? Ce n'est point une plaisanterie, dit Alte-là. Heureusement il se souvient d'un moyen qu'il a déjà employé avec succès en pareil cas, et ce moyen, c'est une grue. On amène la secourable machine. Adam a muni d'une lunette qu'il braque sur l'Opéra, sa charge de diriger la manœuvre, et les autres personnages sans en excepter Brunebaut, se préparent à l'exécuter. Adam est d'abord un peu scandalisé de voir que son fils lui a volé ses gazons, ses démons et jusqu'à sa gloire ; mais il pardonne en bon père, et la grue est mise en mouvement. Elle rapporte d'abord cette perruque de Nourrit qui fit chanceler la pièce dès le premier acte ; puis le duo qui en assura le succès ; enfin Abel paraît lui-même tête nue et les bras passés dans une partition qui lui fait une espèce de cuirasse. Griffolin l’interroge ; Abel répond qu'on ne lui a appris qu'un seul mot, je t'aime, mot qu'il a répété même après sa mort ; d'autres plaisanteries remplissent l'interrogatoire ; puis le commissaire déclare que la Renommée a prononcé et que ses arrête vont s'accomplir.

Aussitôt la scène change. Le temple de la Renommée se voit toujours au fond du théâtre, mais les acteurs se trouvent transportés dans la rue de Richelieu. On voit d'un côté un bureau de diligence et de l'autre le Théâtre-Français. Un conducteur présente à Adam son passeport pour l'Allemagne, et l'engage à y retourner, attendu qu'il en est venu. Le bon Adam s'y résigne, en témoignant toutefois quelqu'inquiétude sur le sort de son fils. Mais un acteur du Théâtre-Français vient le rassurer. Il réclame Abel pour la scène tragique, où l'immortalité lui est acquise et qu'il n'aurait jamais dû quitter. Les enfans de l'assemblée de famille sont renvoyés à leur père. Brunehaut et Gérard disparaissent sans qu'on nous dise ce qu'ils sont devenus ; et Cendrillon seule, galamment conduite par Griffolin, entre au temple de la Renommée.

On attendait depuis long-temps cette pièce, annoncée comme un recueil d'épigrammes et de méchancetés. On devait croire qu'elle ferait un très-grand fracas, qu'elle serait vigoureusement attaquée et non moins chaudement défendue ; on pouvait même craindre des orages à la première représentation. Rien de tout cela n'est arrivé. Les épigrammes étaient si nombreuses que plusieurs ont été perdues. Il y en avait de si mordantes, qu'au lieu de faire rire, elles ont attristé. Au-delà de certaines limites il ne faut pas trop compter sur la malignité du public. Il aime qu’on raille et non pas qu'on blesse ; il veut au moins de la finesse dans les traits de la satire ; ce n'est point assez pour lui qu'ils soient lourds, et il y en avait beaucoup trop de ce genre dans la pièce nouvelle. Les auteurs y ont aussi hasardé des jeux de mots d'un genre trivial qui ne réussissent que dans les pièces d'une gaieté folle ; or, l'allégorie et la critique mordante ne s'allient point avec cette gaieté. On a peu ri à l'Auberge dans les nues ; peu de couplets ont été redemandés ; les applaudissement ont été fréquens, mais sans enthousiasme ; et c'est pour cela sans doute que les amis des parodistes n'ont éprouvé aucune résistance de la part des amis de tant d'auteurs parodiés.

Le couplet que le public a le mieux accueilli est celui qui contient l'éloge de la Mort d'Abel, de M. Legouvé ; et en cela le public s'est montré juste. Il a paru aussi d'abord très-bien disposé pour CendrilIon ; mais il est fâcheux que les auteurs aient exagéré ses louanges. Quelques succès qu'ait eu cet opéra, M. Etienne est loin de lui trouver plus de mérite littéraire qu'à la tragédie de Brunehaut. Le public a paru penser aussi que Mlle. Saint-Aubin entrait bien jeune au temple de la Renommée. C'est un mauvais service d'ami à lui rendre que de faire son apothéose à dix-sept ans. Pope a mis les deux vers suivans dans son Temple de la Renommée dont nous parlions tout à l'heure :

. . . Fame, impatient of extremes, decays
Not more by envy than excess of praise . .

(« La Renommée, qui ne peut supporter les extrêmes, décheoit également par l'envie et par l'excès des louanges ».) Ils contiennent une vérité que les panégyristes devraient toujours avoir sous les yeux.

Nous dirons. en dernier résultat, qu'il y a de l'esprit et de l'imagination dans cet ouvrage, que, pour l'administration les recettes en couvriront les frais, mais que les auteurs ne recueilleront pas du public en gaieté ce qu'ils ont semé en méchanceté pour la faire éclore.                  G.

Magasin encyclopédique ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1810, tome III, p. 137-138 :

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

L'Auberge dans les Nues, petite Revue de quelques grandes pièces, vaudeville en un acte, joué le 7 mai.

L'Auberge dans les nues a attiré un grand nombre de chalands; beaucoup de personnages y sont cependant assez maltraités. Dans cette Auberge s'est établi le tribunal qui juge en dernier ressort la reine Brunéhaut, l'Assemblée de Famille, Adam et son fils Abel, Gérard de Nevers, etc. Ce tribunal lance des lardons contre Grotius, donne des coups de patte à la Main de Fer, n’épargne pas même le Soleil et les Glaces des Jeux Gymniques ; Cendrillon seule trouve grâce, et obtient son admission dans le temple de la Renommée. Tous aspirent à la gloire; mais le génie Halte-là les retient dans son auberge jusqu'à l'arrivée de Griffolin, commissaire-rapporteur de la Renommée ; celui-ci passe en revue les aspirans : Adam est envoyé en Allemagne, Abel est réclamé par le Théâtre Français ; les autres, à l'exception de Cendrillon qui gravit la montagne, sont condamnés à retourner chez leurs parens pour perfectionner leur éducation. Toutes les plaisanteries ne sont pas du meilleur goût ; les épigrammes sont un peu crues. L'action est lente, ou plutôt il n'y en a pas. On a surtout peu approuvé une scène où l'on monte Abel au moyen d'une grue. Cependant la pièce a réussi. Les auteurs sont MM. Dieulafoi, Gerlin et Henri Simon.

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