Le Faux Lindor, ou l'Habit ne fait pas l'homme

Le Faux Lindor, ou l'Habit ne fait pas l'homme, vaudeville en un acte, de Rigaud et J. A. Jacquelin, 7 septembre 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Faux Lindor (le), ou l'Habit ne fait pas l'homme

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

7 septembre 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Rigaud et J. A. Jacquelin

Almanach des Muses 1808.

Revue philosophique, littéraire et politique, an 1807, IIIe trimestre, n° 27 (21 septembre 1807), p. 564-565 :

[Sous un titre jugé trompeur, une histoire de femme déguisée en homme pour suivre son amant à l’armée, et qui réussit bien sûr à l’épouser après l’avoir pris en flagrant délit de tromperie. Le critique constate « la faiblesse de ce plan , et des moyens aussi usés ». Action lente, dialogue dénué de comique, couplets sans piquant, tous sur le même modèle. La pièce doit moins son succès aux deux auteurs qu’à l’actrice qui joue le rôle travesti.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Faux Lindor, ou l'Habit ne fait pas l'Homme.

Le public a dû s'attendre d'après ce titre, qui rappelle un vieux proverbe, à voir dans la pièce un valet, par exemple, qui aurait pris le nom et l'habit de son maître, ou un poltron en uniforme français, etc. ; mais point du tout. L'application de ce proverbe y est plus simple et littérale ; l'habit d'homme porté par une femme, ne fait pas un homme de cette femme-là. C'est cette vérité qu'on a mise en action dans le vaudeville du Faux Lindor.

Ainsi une jeune dame amoureuse d'un militaire, et craignant que cet amant ne lui soit enlevé, imagine d'aller le rejoindre dans une auberge, déguisée sous les habits de Lindor, son frère, avec lequel elle a beaucoup de ressemblance. Elle arrive juste au moment que ce jeune officier allait se marier avec une autre. Il la prend en effet pour Lindor. Les traits du frère lui rappellent la tendresse que la sœur lui avait inspirée. Il sent rallumer des feux mal éteints. Quelques traits de calomnie lancés contre la prétendue achèvent l'ouvrage. On trouve moyen d'enlever à cette pauvre femme le dédit dont elle s'était munie ; et le faux I.indor, au comble de ses vœux, découvre enfin à son amant une tendre maîtresse sous la figure d'un ami.

Pour faire excuser la faiblesse de ce plan , et des moyens aussi usés, il eût fallu du moins des détails gais et piquans. Mais malheureusement l'action est lente, le dialogue est dénué de comique ; les couplets même n'ont pas ce trait épigrammatique rigoureusement exigé au Théâtre du Vaudeville. La plupart de ces couplets, qui ne manquent pourtant pas de délicatesse ni de grâce, sont d'une facture uniforme et même insipide. On y revient sans cesse sur cette idée tant rebattue : Qu'une femme habillée en homme, n'est pas comme les autres hommes, etc. Cette pièce néanmoins a eu une espèce de succès. Mais nous croyons que MM. Rigault et Jacquelin, qui ont été nommés comme les auteurs de l'ouvrage, sont trop raisonnables pour ne pas attribuer une grande partie de cette faveur au jeu de Mme Hervey, chargée du rôle du faux Lindor. Ils ont fait mieux et sans doute ils feront mieux encore. Du moins on a droit de l'attendre de M. Rigault sur-tout, qui a donné aux Français un ouvrage agréable.

Antoine-François Rigaud a donné plusieurs pièces au Théâtre Français, les Statuaires d'Athènes (1799), les Deux poètes (1800), Piron aveugle en 1804, Molière avec ses amis ou le Souper d'Auteuil.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, tome XI (novembre 1807), p. 278-282 :

[Article plutôt sévère : l'auteur y ironise sur l'absolue invraisemblance de cette intrigue plus que convenue... Une femme jeune, belle et riche déguisée en homme pour épouser un homme pauvre et qu’on veut marier à une autre, riche aussi, mais âgée de cinquante ans. « Nos auteurs ne se donnent pas la peine de mettre dans leurs pièces de la raison et de la vraisemblance, pas même tout-à-fait autant qu'il en faudrait pour un vaudeville. » Ils sont pourtant applaudis et nommés.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Du Faux-Lindor, ou l'Habit ne fait pas l'Homme.

Non certainement l'habit ne fait pas l'homme, sur-tout quand c'est une femme qui le porte. Voilà tout le fin du titre de la pièce nouvelle, de la pièce et des couplets. Imaginez à-peu-près les équivoques que peuvent fournir à deux femmes déguisées en homme leur situation assez équivoque, et vous aurez l'idée des traits les plus applaudis du vaudeville ; arrangez tout cela sur un fond d'intrigue bien commun au théâtre, parce qu'on n'a jamais rien vu de pareil dans le monde, et que depuis long-temps les auteurs ont trouvé que le moyen d'être plus neuf sur le théâtre était d'y présenter ce qu'on ne voit point ailleurs, et ensuite vous vous rendrez compte, comme vous le pourrez, de la réussite du Faux-Lindor. Ce faux Lindor est donc une femme, nommée Eugénie, veuve, jeune, belle et riche ; elle s'est mis dans la tête d'épouser Florville qui est jeune et pauvre ; il semble que pour arriver là, il n'y ait pas besoin de cette industrie de femme qui a fait dire, ce que femme veut, Dieu le veut. Je suppose que Florville le voudrait bien aussi, si on le lui proposait, et si, par des arrangemens de famille, il n'était au moment d'épouser Léonore, veuve riche aussi, mais âgée d'environ cinquante ans, et qui ne devrait pas encore être à marier, attendu qu'elle se prend de passion pour tous les jeunes gens qu'elle rencontre, et qu'il est fort extraordinaire que jusqueslà aucun ne se soit encore épris des beaux yeux de sa cassette. Pour assurer la résolution un peu chancelante de Florville, sa famille s'est avisée de lui faire signer un dédit à Léonore ; précaution d'autant plus prudente de la part de ces parens de Florville, que s'il manquait au dédit, il faudrait bien qu'eux-même le payassent. Mais, en bon fils, il se sacrifie, d'autant qu'il n'a vu Eugénie qu'une fois, ignore qu'il en soit aimé, et ne s'est, je crois, pas trop apperçu qu'il l'aimât lui même, jusqu'au moment où Eugénie arrive sous le nom et les habits de son frère Lindor, pour tourner la tête à sa rivale et gagner le cœur de son amant, ce à quoi un habit d'homme me paraît tout à fait propre. Au reste, c'est ainsi que les choses sont arrangées dans une nouvelle de Gil-Blas d'où est tiré ce vaudeville, et d'où ont été tirées déjà deux ou trois autres pièces qui n'en valent pas mieux pour cela. On juge bien qu'Eugénie ressemble comme deux gouttes d'eau à son frère Lindor, ami de Florville, que Florville s'y trompe, que Léonore s'y trompe encore mieux, sans que la voix de Mme. Henry qui joue Lindor avec toute la grace qu'on lui connaît, ni celle de Mlle. Minette sa suivante, fort bien aussi en jockey, donnent à personne le moindre soupçon ; ce sont là des choses convenues, Il est convenu aussi que le faux Lindor tournera la tête à Léonore, que Florville apprenant de lui que sa sœur Eugénie vient d'arriver à Nancy, où se passe l'action, parce que c'est la garnison de Florville, ressentira tout de suite pour elle le plus violent amour, que Léonore rendra le dédit, que Florville n'aura rien de pressé que de le reprendre ; ces gens-là ont tellement hâte de s'arranger, qu'on s'impatiente de ce qu'ils ne s'arrangent pas plus vîte, tant il est clair que tout ce qu'ils se disent n'est mis là que pour allonger la pièce, qu'ils ne demanderaient pas mieux que de finir du premier mot. Eugénie trouve pourtant convenable de se montrer une fois à Florville sous ses habits de femme, et elle est tout-à-fait contente des déclarations qu'il lui adresse, quoiqu'il se croie encore engagé avec la vieille Léonore, et croie Eugénie elle-même engagée avec un autre amant ; mais Florville ne s'en inquiette pas du tout. Cela ne l'empêche pas d'offrir à Eugénie son cœur, et de lui offrir en même-temps ses services pour l'affaire qui l'appelle à Nancy, quoiqu'on lui ait dit et qu'Eugénie lui répète que c'est une affaire d'amour ; et lorsqu'au dénouement, son mariage une fois rompu par l'inconstance de Léonore, il apprend que Lindor et Eugénie ne sont qu'une seule et même personne, il ne songe pas à demander par quel hasard c'est lui qu'elle épouse au lieu de cet amant qu'elle était, disait-on, venu chercher, ni à s'informer comment s'arrangera Léonore qu'il n'épouse pas, quoique ce mariage, a-t-il dit au commencement de la pièce, soit nécessaire pour empêcher un procès, et qu'il ne soit pas vraisemblable que Léonore, quittée par l'amant et dupée par la maîtresse, consente à les laisser tranquilles. Nos auteurs ne se donnent pas la peine de mettre dans leurs pièces de la raison et de la vraisemblance, pas même tout-à-fait autant qu'il en faudrait pour un vaudeville ; au reste, ils font bien ; ils sont applaudis, demandés, et on a nommé MM. Rigaud et Jacquelin.                     P.

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