Le Locataire

Le Locataire, opéra en un acte, de Sewrin, musique de Gaveaux. 7 thermidor an 8 [26 juillet 1800].

Théâtre de l'opéra comique national, rue Favart

Almanach des Muses 1801

Apolline quitte Evreux après la mort de ses parens, et vient chez M. Ormond, son oncle, vieux géographe, qui n'imagine rien de mieux que de faire étudier à la jeune personne la sphère et la géographie. Mais Apolline songe à Dercourt qui a passé ses premières années avec elle. Ormond s'appercevant que sa nièce éprouve un peu d'ennui, lui avoue enfin qu'il va la marier à M. Sauvageot, le fils de son vieil ami, d'un procureur établi à Montfort, et que le prétendu doit arriver incessamment. Cependant Dercourt, obligé d'aller à Paris pour rendre compte au ministre de sa conduite dans une affaire d'honneur, a profité de son séjour pour chercher sa chère Apolline, et se trouve par hasard logé chez M. Ormond. Le jour de son départ est arrivé, il va quitter son logement, lorsqu'il se trouve en présence d'Apolline. Les deux jeunes gens se reconnaissent, et Apolline demande à Dercourt s'il est le prétendu. L'amant entend à demi-mot, veut retirer le congé qu'il a donné de son appartement ; mais Osmond qui le destine à Sauvageot, se refuse au désir de Dercourt. Celui-ci feint de sortir, se cache, écrit à Apolline ; et tandis que M. Ormond dispose sa nièce à bien recevoir M. Sauvageot, arrive le portier qui vient dénoncer Apolline comme l'ayant chargé de remettre une lettre à Dercourt. Par bonheur Dercourt est aux aguets, il s'est affublé de la robe de chambre d'Ormond, le contrefait dans ses manières, et reçoit la lettre des mains du portier ; il profite de la méprise pour joindre la sienne à celle de sa maîtresse, et les lui fait rendre par l'entremise du dénonciateur. M. Sauvageot paraît : c'est l'homme avec qui Dercourt a eu une affaire d'honneur, dans laquelle le courage de son adversaire n'a pas brillé ; il déclare qu'il est le neveu d'Ormond, qu'il sait qu'un nommé Sauvageot aspire à la main de sa cousine, mais que s'il persiste dans cette intention, il lui coupera les oreilles. M. Sauvageot aime beaucoup plus la vie que mademoiselle Apolline ; et plutôt que de s'exposer au moindre danger, il renonce au mariage qu'il venait contracter. Ormond, instruit du refus de Sauvageot, reconnaît le mérite de Dercourt et l'unit à sa nièce.

Quelques invraisemblances ; du comique ; de la vivacité dans le dialogue.

Musique facile et chantante.

Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Roux, an VIII – 1800 :

Le Locataire, comédie en un acte et en prose, mêlée d'ariettes. Paroels de C. A. B. Sewrin. Musique de P. Gaveaux. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique National de la rue Favart, le 7 thermidor an VIII.

Courrier des spectacles, n° 1241 du 9 thermidor an 8 [28 juillet 1800], p. 2 :

[Compte rendu réduit à une très brève partie informative (« accueil agréable », ce qui n’engage guère le critique, et nom des deux auteurs, paroles et musique, suivie d’un long résumé d’une intrigue remarquable par son goût des idées rebattues : une histoire de jeune femme orpheline, que son tuteur, entiché de géographie, veut marier au fils de l’un de ses amis, alors qu’elle aime un fringant officier. Tous les quiproquos sont présents : le locataire du tuteur est l’amant de sa pupille, caché sous un faux nom, bien sûr ; pour éviter d’être mis à la porte, il fait semblant d’être malade ; le tuteur, qui finit tout de même par comprendre la situation, le chasse, mais il l’enferme à l’intérieur, ce qui permet au jeune amant de recevoir le portier sous l’habit du tuteur et d’intercepter la lettre qui devait éclairer celui-ci sur la situation ; l’arrivée du fiancé choisi par le tuteur et qui a eu une affaire d’honneur avec l’amant de sa supposée future femme est l’occasion d’une nouvelle scène bien classique de tromperie et de quiproquo, dont le dénouement permet de sortir facilement : le tuteur « reconnaît le mérite réel » de l’amant de sa pupille, « et le garde comme locataire » (mais est-ce bien ce que le jeune couple espérait ?). Pas de jugement, ni sur l’intrigue, ni sur le style, ni sur la musique, ni sur l’interprétation.]

Théâtre Favart.

La pièce du Locataire a obtenu un accueil agréable. Les auteurs sont les citoyens Sewerin et Gaveaux.

Apolline a quitté Evreux après la perte de ses parens, et s’est retirée chez M. Ormond, son oncle, vieux géographe, qui n’a rien imaginé de mieux que d’apprendre à sa pupille la sphère et la géographie. Cependant Apolline ne se trouve pas heureuse ; elle ne peut oublier Déricourt, celui avec lequel elle a passé ses plus tendres années. Ormond cherche à la consoler, et lui avoue enfin qu’il lui a choisi M. Sauvageot, le fils de son vieil ami, procureur à Montfort, et que son prétendu doit arriver incessamment. Ormond voudroit offrir à Sauvageot un appartement dans sa maison, mais il a loué le dernier vacant à un jeune officier nommé Isidor, qui a été appellé à Paris pour rendre compte de sa conduite, relativement à une affaire d’honneur qu’il a eue en passant avec son régiment à Montfort. Isidor ou Déricourt, c’est le même, a profité de son séjour à Paris pour chercher Apolline qu’il n’a pas cessé d’aimer ; ses recherches ont été infructueuses ; ses affaires étant terminées, il donne congé de son appartement, reçoit une quittance faite en règle, et part. O coup imprévu ! Apolline paraît comme il s’apprête à sortir ! Troublés, interdits, les amans balbutient quelques mots ; Ormond qui ne soupçonne rien, dit à sa nièce qu’il est en affaire, et la prie de se retirer. Apolline obéit, mais pour avertir Isidor des projets qu’on a sur elle, elle lui dit ingénuement : « Monsieur n'auroit pas envie d’honorer de sa présence la célébration de mon mariage. » Isidore entend ce que cela signifie, et tache de réparer sa faute. Apolline sortie, il aborde l’oncle, le flatte, loue son jugement, sa raison, et finit par redemander son appartement. Ormond pénètre les motifs du jeune officier, se réjouit d’ailleurs de pouvoir offrir un logement à Sauvageot, et persiste opiniâtrement dans ses refus. Que fait Isidore ? Il feint une indisposition subite ; Ormond va chercher un flacon dans une chambre voisine ; pendant ce tems, Apolline qui étoit aux aguets, accourt du côté opposé ; on pense bien que notre amoureux n’est plus si malade. Ormond revient, devine la ruse et rappelle à Isidor ce que l’honneur lui prescrit de faire. Isidor obéissant, fait ses adieux ; mais à peine est-il sorti qu’il r’ouvre la porte et se cache dans un corridor. Apolline retourne dans son appartement, et Ormond qui pour plus de sûreté, met les verroux de la porte d’entrée, va la rejoindre pour l’exhorter à bien recevoir M. Sauvageot. Voilà Isidor seul, ôtant les verroux qu’Ormond a mis, et mettant ceux de la porte par laquelle le vieux tuteur vient de sortir. Il écrit une lettre à Apolline pour la rassurer et la prévenir de ses desseins.

En ce moment, on frappe, c’est le Portier qui veut parler à Ormond, et a quelque chose à communiquer relativement à Isidor Isidor embarrassé et curieux de connoître ce dont il s’agit, ne voit qu’un moyen pour empêcher le Portier de faire des sottises : il s’affuble de la robe-de-chambre d’Ormond, de son bonnet ; et dans cet état, il va ouvrir, mais il revient vite au bureau met des lunettes, et travaille à son Atlas. Le Portier, bien persuade que c’est M. Ormond lui-même, lui confie qu’Apolline l’a chargé de remettre une lettre à Isidor. Le faux Ormond saisit la lettre et exprime sa joie par des transports auxquels le Portier se méprend facilement. Une circonstance aussi heureuse est mise à profit : Isidor renferme sa lettre dans celle d’Apolline et ordonne au Portier d’aller bien vite rendre le message.

A cette scène en succède une autre non moins comique, c’est l’arrivée de M. Sauvageot qui reconnaît son officier avec lequel il a eu une dispute à Montfort. Isidor se donne pour le neveu d’Ormond, et parvient à dégoûter Sauvageot du mariage comme des duels. Certain que celui-ci ne pourra pas lui nuire, il ôte le verrou qu’il avoit mis par prudence, et s’éloigne pour tâcher d’avoir un entretien sous les fenêtres d’Apolline, et se concerter avec elle sur ce qui lui reste à faire. Ormond et Sauvageot se trouvent bientôt ensemble. Il s’en suit un quiproquo qui ne s’explique que par l’arrivée des amans et l’aveu qu'ils font de leurs sentimens. Ormond reconnoît le mérite réel d’Isidore, et le garde pour son locataire.

Dans son numéro 1244 du 12 thermidor an 8 [31 juillet 1800], p. 2, le Courrier des spectacles revient brièvement sur la programmation du Théâtre Favart :

Théâtre Favart.

Il y eut hier, malgré la grande chaleur, beaucoup de monde à ce théâtre, où l’on avoit réuni trois pièces faites pour y attirer la foule : on y joua l’Opéra comique, Adolphe et Clara, et la nouvelle pièce qui a pour titre le Locataire. On ne se lasse pas de voir le premier ouvrage qui est toujours parfaitement joué, et dans lequel on saisit avec plaisir plusieurs applications qui se rapportent naturellement aux talens de Mad. Saint-Aubin.

Rien donc sur la Locataire, sinon que c’était sa seconde représentation.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, sixième année (1800), tome II p. 423-424 :

Théâtre Favart.

Le Locataire.

Voici le sujet de cet opera, joué le 8 thermidor. Les auteurs en sont les CC. Sewrin et Gaveaux.

Ormond, vieux géographe, tuteur d'Apolline, lui destine M. Sauvageot, qui doit arriver de Montfort pour l'épouser : il voudroit bien donner au prétendu un logement dans sa maison, mais elle est occupée entièrement. Cependant un jeune homme nommé Déricourt, vient donner congé de son appartement. Au moment où il va sortir, Apolline paroît, et il la reconnoît pour celle qu'il cherchoit envain dans tout Paris; Apolline reconnoît également Déricourt, qu'elle avoit vu à Evreux chez ses parens. Déricourt voudroit reprendre son logement ; mais Ormond, qui se doute d'ailleurs de son motif, veut absolument y placer Sauvageot. Déricourt feint de sortir et se cache ; Ormond sort, et, affublé de ses habits, notre amant reçoit une lettre que lui écrit Apolline. M. Sauvageot arrive, et est reçu par Déricourt qui se dit neveu d'Ormond, et qu'il reconnoît pour avoir eu avec lui une dispute à Montfort. Ormond et Sauvageot ont ensuite une scène de quiproquo assez plaisante, qui ne se termine qu'à l'arrivée des amants qui expliquent tout. Il n'y a rien de neuf dans le sujet. La musique du C. Gaveaux est très-agréable.

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