Le Pélerin blanc, ou les Orphelins du hameau

Le Pélerin blanc, ou les Orphelins du hameau, drame en trois actes, en prose et à grand spectacle, de Guilbert-Pixerécourt, musique de Gérardin-Lacour, 16 germinal an 9 [30 mars 1801]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

La pièce s'inspire d'un roman de Ducray-Duminil, Les Petits Orphelins du hameau (1800).

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an XI. (1802.) :

Le Pélerin blanc, drame en trois actes, en prose et à grand spectacle, de R. C. Guilbert-Pixerécourt. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de l’Ambigu-Comique, le 16 germinal an 9.

Dans le Théâtre choisi de G. de Pixerécourt publié par Ch. Nodier en 1841 (tome 1), on trouve une notice due à Pujoulx (p. 77-78) et une sélection de « jugements des journaux » (p. 79-81) :

NOTICE SUR LE PÈLERIN BLANC.

J'ai assisté, il y a dix-neuf ans, à la première représentation du Pèlerin blanc. Le succès a été complet ; toutefois, je n'imaginais pas que la vogue de cet ouvrage dût être jamais d'une aussi longue durée. Pendant plusieurs années, j'ai été membre du comité des auteurs avec Bouilly, Mehul, Dalayrac et Pixerécourt. Tous les mois nous recevions les bulletins de la province, et chaque fois j'étais étonné du grand nombre de représentations que cette pièce obtenait, tant à Paris que dans les départements. Le succès a été vraiment colossal ; il surpasse de beaucoup en nombre toutes les autres productions de l'auteur, qui lui-même s'en étonnait souvent. Ce petit drame de faible complexion, a été accueilli outre mesure dans toute la France. Vox populi, le succès légitime tout. J'ai voulu me rendre compte de l'effet et j'y suis parvenu. Le titre est attrayant, la fable intéressante, le style naturel, le second acte très-dramatique et le dénouement plein d'effet. La pièce est courte, rapide et par dessus tout morale ; l'unité d'action et celle de temps y sont parfaitement observées. Elle est facile å distribuer et n'exige pas de dépense. Elle offre deux jolis rôles de femmes travesties, de 14 à 15 ans, que l'on trouve dans toutes les troupes ; c'est là, sans doute, ce qui a déterminé partout la vogue. Je suis persuadé qu'il n'y a pas une bicoque en France ou cette pièce n'ait été représentée plusieurs fois de suite. Quoi qu'il en soit, elle ne peut pas être mise en comparaison avec Cœlina, La femme à deux maris, L'homme à trois visages, etc. Cependant, si quelque jour on la place à son rang dans l'ordre chronologique, ce sera par respect pour le public, qui a bien voulu l'accueillir avec une faveur toute spéciale pendant vingt ans. Je puis affirmer, d'après le chiffre de l'agence dramatique, qu'elle a reçu, pour le compte de l'auteur, au delà de 1,500 représentations au moment où je parle (1820).

La première idée de cet ouvrage appartient à Marsollier, qui composa en 1789 avec Dalayrac, son collaborateur heureux et fidèle, un opéra comique intitulé Les petits Savoyards, que toute la France a applaudi pendant quarante ans. C'est, à n'en pas douter, ce joli opéra qui a fourni à Ducray-Duminil le plan des petits Orphelins du hameau, roman en quatre volumes in-18. Par suite, c'est évidemment le succès brillant obtenu par les rôles des deux savoyards, qui a déterminé l'auteur du Pèlerin blanc à les retracer dans son drame ; c'est donc, dans l'exacte vérité, à Marsollier et à Dalayrac qu'est dû le succès immense de la pièce dont je parle ici avec tout l'intérêt que je porte aux quatre auteurs réunis.

PUJOULX.          

JUGEMENTS DES JOURNAUX.

Courrier des spectacles. 17 germinal, an IX. La première représentation du Pèlerin blanc, mélodrame en trois actes, donnée hier au théâtre de l’Ambigu-Comique, a obtenu beaucoup de succès. Le fonds est tiré du roman intitulé les Orphelins du Hameau, du citoyen Ducray-Duminil. Suit l'analyse.

Cette pièce est intéressante et morale. Le second acte est très-dramatique et plein d'effet.

L'auteur est le citoyen Guilbert Pixerécourt, connu avantageusement par Victor, Rosa, Cœlina, etc.

Lepan.          

Idem. 23 germinal, an IX. Le Pèlerin blanc attire toujours la foule à ce théâtre. Le second acte surtout est rempli d'effets piquants et nouveaux ; il continue d'obtenir de nombreux applaudissements.

Le citoyen Tautin y joue la pantomime avec beaucoup de feu et d'intelligence.

L'ouvrage est parfaitement soigné, tant pour le style que pour la manière dont il est monté. Les décorations sont fraiches et les ballets agréablement dessinés.

Lepan.          

Journal d'indications. 18 germinal, an IX. Il est plus difficile qu'on ne pense d'extraire du roman qui a pour titre Les petits Orphelins du Hameau (du citoyen Ducray-Duminil), une action qui joigne à l'intérêt, à la simplicité du sujet, l'unité et la durée prescrites par les règles dramatiques. Le romancier qui narre peut sans peine accumuler les événements, faire agir à son gré une multitude infinie de personnages ; mais dans le drame, il faut savoir se borner , faire un choix heureux, toujours intéresser, toujours plaire, et quelquefois, pour réussir, abandonner son modèle, créer des situations, même un fonds nouveau. Et voilà pour réussir ce que l'auteur du drame nouveau en trois actes, ayant pour titre le Pèlerin blanc, joué hier avec beaucoup de succès au théâtre de l'Ambigu-Comique, a été obligé de faire. Il a emprunté du roman le nom des personnages, les motifs qui servent à l'exposition de son drame, et s'est frayé une nouvelle route, créé des incidents nouveaux, et fait pour ainsi dire un roman nouveau pour servir à son nouveau drame. Suit l'analyse.

Il у a dans le drame que nous venons d'analyser, de l'intérêt, des scènes dramatiques, des situations nouvelles et bien motivées. Il aurait été peut-être à désirer que l'auteur eût donné plus de développement à deux moyens mystérieux dont il s'est servi, le Pèlerin blanc et la boite ; mais riche de son propre fonds, il n'a eu d’autre objet en vue que de rendre par eux-mêmes les enfants intéressants et de les faire triompher des dangers qui les environnaient. L'exposition est bien annoncée. Le second acte est plein d'effet, le dénouement est vraiment moral. Ce drame est bien dialogué. Le style en est pur et correct, et tous les personnages parlent bien le langage qui leur est propre.

Le citoyen Tautin a bien joué le rôle de Franck. On doit des éloges à l'acteur chargé du rôle odieux de Roland , ainsi qu'aux citoyens Raffile et Dumont, et aux citoyennes Lévesque, Dumouchel et Planté.

Ce drame est du citoyen Guilbert Pixerécourt , auteur de Victor ou l'Enfant de la forêt, et de Cœlina.

F. Babié.          

Journal du soir. 18 germinal, an IX. Des situations neuves et très-intéressantes, un second acte très-beau, un dialogue naturel et soigné, ont mérité un nouveau succès à l'auteur de Victor, de Cœlina, etc

Petites affiches. 18 germinal, an IX. Cet ouvrage offre beaucoup d'effet, particulièrement au second acte, qui finit d'une manière neuve et intéressante. Cet acte seul suffit pour assurer le succès de la pièce.

Ducray-Duminil.          

Courrier des spectacles, n° 1499 du 17 germinal an 9 [7 avril 1801], p. 2 :

[Le compte rendu propose une analyse rapide d’une intrigue fort compliquée (et elle n’est pas très claire sur la fin). On y retrouve bienl’essentiel des traits caractéristiques du mélodrame : le seigneur privé de tous ses biens, qui devient le pèlerin (qui se substitue à l’habituel ermite), les enfants perdus et retrouvés, le poison et la confusion des flacons, la révélation finale dans laquelle le méchant est puni et le pèlerin se voit rétabli dans ses droits. Rien sur la musique, rien sur les ballets évoqués dans le second article consacré à la pièce le 23 germinal [13 avril.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

La première représentation du Pélerin Blanc, mélodrame en 3 actes, donné hier à ce théâtre, obtint beaucoup de succès. Le fonds est tiré du roman intitulé : les Petits Orphelins du Hameau, du citoyen Ducray-Duminil. Voici comme le sujet a été traité.

Le comte de Castelli, après avoir vu son château embrasé par sa nièce, la baronne de Tresvil, et par Roland son associé, après avoir vu sa femme et ses enfans engloutis dans les flammes, a pris la résolution de fuir et de parcourir l’Asie et l’Afrique, sous le modeste habit de pélerin. Un ami lui écrit que ses enfans ont échappé au trépas, et que la Baronne les cherche par-tout. Il revient, se fait recevoir dans le château de la Baronne comme concierge, et afin d’inspirer moins de défiance, il feint d’être sourd et étranger. Les deux enfans, surpris dans le hameau d’Olival, dont les habitans veulent les adopter, sont conduits an château par Roland, qui découvre bientôt que ce sont les victimes qu’il cherche depuis long-tems. Il se décide à employer contre eux le poison, quoique la Baronne s’y oppose. Castelli suit tous ses mouvemens ; et voyant deux bouteilles préparées, dont une contient le poison, il a l'adresse de substituer l’une à l’autre; ensorte que Roland boit la liqueur qui doit le mener lentement au tombeau. Castelli délivre ensuite ses en fans, et leur facilite la sortie du château. Ils se réfugient au château d’Olival, où ils sont poursuivis par Roland. Castelli arrête alors les projets de ce monstre en se découvrant , et en lui déclarant qu’il a sauvé la vie à ses enfants. Les soldats de Roland emmènent le coupable, qui va recevoir le châtiment qu’il mérite.

Le second acte sur-tout de cet ouvrage est dramatique et plein d’effet.

L’auteur est le citoyen Guilbert-Pixérécourt.

F. J. B. P. G***

Le Pèlerin blanc ou les Orphelins du hameau est un des plus grands succès de Guilbert de Pixerécourt : il a connu, d'après la chronologie de ses œuvres (établie en 1841), 386 représentations à Paris et 1147 en province.

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