Le Petit Armand, ou le Bienfait des perruques

LePetit Armand, ou le Bienfait des perruques, fait historique en un acte, de madame Dufresnoy et de Chazet ou Merle, 4 Fructidor an 7 [21 août 1799].

Théâtre des Troubadours

Titre :

Petit Armand (le), ou le Bienfait des perruques

Genre

fait historique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

4 fructidor an 7 [21 août 1799]

Théâtre :

Théâtre des Troubadours

Auteur(s) des paroles :

Madame Dufresnoy et un anonyme (Chazet ou Merle)

Almanach des Muses 1800

Un jeune enfant qui, touché de la détresse de sa mère, et se rappelant qu'une dame lui a proposé de lui acheter ses cheveux, en fait le sacrifice, et emploie l'argent qu'on lui donne à satisfaire des huissiers qui saisissent les effets de cette mère infortunée : tel est le fonds de la pièce.

Des détails aimables, des couplets tournés avec grace, esprit et sensibilité.

Courrier des spectacles, n° 612 du 5 fructidor an 7 [22 août 1799], p. 2 :

[Un succès, et pas un succès dû à la claque. Le fait que l’auteur soit une femme (avec un anonyme) se remarque par une « touche agréable ». Bien sûr, la pièce manque de gaîté (c’est ce qu’on attend d’un vaudeville), mais elle est remplie de « petits détails infiniment agréables, adaptés au trait historique ». L’intrigue se déroule dans un milieu fort modeste, mais on y voit à la fois la cruauté et l’avidité d’un propriétaire, la volonté d’un enfant d’aider sa pauvre mère, et la générosité d’un vieillard qui choisit d’adopter un enfant aussi soucieux de rendre service à sa mère. Beaucoup d’applaudissements, auteur demandé, talent de « la jeune personne » qui a joué le rôle d’Armand.]

Théâtre des Troubadours.

Le succès qu’obtint hier à ce théâtre la premiere représentation du Petit Armand ou le bienfait des Perruques n’a pas été, comme on le voit trop souvent, l'effet de la cabale. On l'a dû entièrement au sujet intéressant de ce petit ouvrage et à la maniere gracieuse et sentimentale dont il est traité. Un des auteurs est une femme, et l'on a pu reconnoitre quelquefois la touche agréable de la citoyenne Dufresnoy qui l’a fait conjointement avec l’auteur anonyme d'Arlequin Restaurateur. Quelque fondé que l’on soit à exiger de la gaîté dans un vaudeville, ce qui peut-être a empêché les auteurs de donner ce titre à la piece dont nous rendons compte, on ne peut refuser cette qualité à un nouvel ouvrage qui offre de petits détails infiniment agréables, adaptés au trait historique rapporté il y a quelque temps dans 1es journaux, d’un jeune enfant qui vendit sa belle chevelure pour venir au secours de sa mere. Voici comme les auteurs ont présenté ce fait.

La veuve Dumont, que la mort de son mari a privé de son ancienne aisance, a pris une boutique de parfumerie, pour subvenir à ses besoins et à ceux de son cher Armand, âgé de huit ans. Cet aimable enfant a toute la gaieté, même l’espiéglerie de son âge : il casse le carreau d’un voisin en jouant à la balle, s’échappe de l’école pour venir prendre un nid d’oiseau ; mais il n’en est pas moins très-attaché à sa mère, que fait poursuivre le propriétaire de la boutique pour deux termes de son loyer. Les huissiers procèdent à la saisie en l’absence de Me. Dumont, lorsque Armand, qui en vain a cherché à s’y opposer, se rappelle qu’une belle dame vient de lui vouloir acheter ses cheveux. Il court faire le sacrifice de sa chevelure, et apporte aux huissiers la somme que l’on exige. Un vieillard qui desiroit avoir des renseignemens sur Mad. Dumont, pour arriver à son secours, est témoin de l’action du fils, l’adopte pour le sien et le fait son unique héritier.

Nous répétons avec plaisir que cette pièce a été applaudie avec un juste enthousiasme. On a demandé l'auteur, qui a été nommé par le citoyen Léger.

Le public a également appelé la jeune personne qui avoit joué le rôle d’Armand avec beau coup de sensibilité.

Mercure de France, 10 fructidor an 7 [27 août 1799], p. 67-70 :

[La pièce montre une anecdote attendrissante et très morale parue dans les journaux. Le fonds en est « léger », et le résumé de l’intrigue permet de le constater : un enfant qui sacrifie ses magnifiques cheveux pour apporter de l’argent à ses parents, pauvres et endettés. Les auteurs ont été nommés : une femme, et l’auteur, anonyme, d’un Arlequin (Chazet ou Léger). Comme ce sont les détails qui valent dans cette pièce, le critique accorde une large place à des couplets. Le jugement est positif : « du bon goût, du sentiment et de la délicatesse », un style « correct et facile. Pour le critique, cette pièce aura beaucoup de succès et elle permettra de répandre la vertu et « les principes sacrés de la piété filiale ». Les auteurs ont été nommés « au milieu des acclamations universelles », mais il n’en donne pas les noms. Et l’interprète du rôle d’enfant d’Armand est chaudement félicitée (on aime les petits prodiges, en ce temps).]

THÉATRE DES TROUBADOURS

RUE DE LOUVOIS.

4 Fructidor.

Le petit Armand, ou le Bienfait des Perruques, fait historique, en un acte, mêlé de vaudevilles.

Tout le monde a lu, avec attendrissement dans les journaux, il y a environ six mois, le trait d'un jeune enfant qui vendit sa belle chevelure pour fournir à la subsistance de ses parens indigens : c'est cette anecdote touchante qui a donné à M.me Dufrénoy et à l'auteur anonyme d'Arlequin Restaurateur, le sujet du charmant vaudeville dont nous nous occupons, en ce moment avec tant de plaisir.

M.me Dumont est poursuivie, pour le paiement de ses loyers, par un propriétaire impitoyable. Ses meubles vont être saisis, quand le jeune Armand, n'écoutant que sa tendresse, et ayant appris que ses cheveux avaient été enviés par une jeune femme qui avait voulu les lui acheter, se les fait couper sur-le-champ, et vole acquitter la dette de sa mère avec la somme d'argent qu'il en retire : un respectable vieillard, témoin de cette action, preuve certaine d'un excellent cœur, s'empresse d'adopter pour fils cet aimable enfant, et lui promet, ainsi qu'à sa mère, de leur faire à jamais couler des jours tranquilles et heureux,

Tel est le fonds léger de cette jolie pièce. Les détails en sont charmans. Il n'est pas un seul couplet qui ne mérite d'être cité.

Voici ceux que nous avons retenus.

Air : De la Croisée.

Jadis, par un toupet montant,
Et par une lourde frisure,
On faisait, d'un minois charmant,
Une laide caricature.
Grace à l'esprit républicain,
On en revient à la nature ;
A présent chacun est Romain,
      Du moins par la coëffure.
                                    bis.

De chaque homme faire un Titus !
L'invention est neuve et belle,
Car on nous dit que des vertus
Il offrit un rare modèle.
Ah ! que de Titus, par ma foi,
Embelliraient l'espèce humaine,
Si la nature, comme moi,
      Les faisait par douzaine.                                    
bis.

Air : Du Rondeau des Visitandines.

      Coeffeur aimé des Dames,
      Tous mes momens sont pris ;
      A mon talent les femmes
      Attachent un grand prix ;
Oui , tous mes momens sont pris.
      A mon talent les femmes
      Attachent un grand prix ;
    Je suis l'homme par excellence,
    Ma main ajoute à leurs attraits ;
A leur toilette admis sans conséquence,
    Bientôt je sais tous leurs secrets :
    Dans un désordre plein de grâces,
    Presque toujours on me reçoit ;
    Et le reflet brillant des glaces
    Me rend plus heureux qu'on ne croit.                                    
bis.

      Je jase , je fais rire,
    On répond, on m'admire,
Et chacun dit aussitôt qu'il me voit :
      Coëffeur aimé des Dames,
      Tous ses momens sont pris ;
      A son talent les femmes
      Attachent un grand prix.
      Désormais, je le jure,
      Un homme, tel que moi,
      Ne pourra qu'en voiture
      Vaquer à son emploi.                                    
bis.

      J'en conçois l'espérance,
      Car la mode a bien pris,
      Et nous savons qu'en France
      La mode est d'un grand prix.
Oui, oui, oui, oui , la mode a pour tous un tel prix,
      Que, chéri par les Dames,
      Je coëffe dans Paris,
      Non-seulement les femmes,
      Mais encor les maris.                                    
bis.

Air : Jeunes Amans , cueillez des Fleurs.

      Le blond ajoute à la beauté
      Un doux attrait qui nous enchante ;
      Pour nous peindre la volupté,
      On peint une blonde touchante.
      On vit les blondes constamment
      Soumettre les vainqueurs du monde
      Et quand l'amour se fit amant
      Ce fut en faveur d'une blonde.

Tout y est marqué au coin du bon goût, du sentiment et de la délicatesse. Le style en est correct et facile ; et nous ne doutons pas que tout Paris ne vienne applaudir ce petit chef-d'œuvre, si intéressant, et bien fait pour inspirer la vertu et propager dans les cœurs des jeunes gens les principes sacrés de la piété filiale.

Les auteurs ont été demandés et nommés au milieu des acclamations universelles. On a demandé aussi la jeune enfant, qui a rempli le rôle d'Armand. On s'est empressé de la présenter au public, qui lui a payé un juste tribut d'applaudissemens. Elle a joué comme un ange.

La Décade philosophique, littéraire et politique, septième année de la République, IVe trimestre, n° 35, 20 Fructidor, p. 491-493 :

[« Fait historique », la pièce raconte une belle histoire très morale, celle d’une veuve qui ne peut payer le terme de sa boutique (elle résiste aux avances de son propriétaire, qui veut se venger en la faisant saisir), et que son enfant sort d’embarras en vendant sa belle chevelure à un coiffeur. Tout s’arrange : un vieillard adopte l’enfant, les dettes sont payées, et l’enfant est très joli avec les cheveux courts. La pièce a connu le succès, surtout après que quemques coupures ont fait disparaître les inévitables longueurs.]

Théâtre des Troubadours.

Le Petit Armand, ou le Bienfait des Perruques, fait historique, en un acte, représenté le 4 Fructidor.

Armand est un joli enfant de sept ans et demi , fils d'un riche planteur incendié aux iles, et dont la veuve, madame Dumont, est réduite à vendre de la parfumerie sur le Boulevard, dans une échoppe. La mode, en tarissant la source de son petit commerce, l'a réduite à ne pouvoir acquitter deux termes échus du loyer de son échoppe, tandis qu'en face d'elle, la mode enrichit son voisin, coiffeur de femmes et marchand de perruques.

Par-tout sur le malheur de l'un
Le bonheur de l'autre se fonde.

Elle peigne , en chantant ses peines, la belle chevelure de son enfant ; elle lui recommande d'en avoir un soin extrême, parce que la beauté de ses cheveux le fait ressembler à feu son père. De l'autre côté, le coiffeur chante ses succès et les charmes de sa profession :

Grâce à l'esprit républicain,
On en revient à la Nature ;
A présent chacun est Romain,
Du moins par la coiffure.

Ce coiffeur est très-recherché ; c'est un homme très-couru :

Il coiffe dans Paris,
Non-seulement les femmes,
Mais encor les maris.

Un autre voisin , un vieillard, vient s'informer auprès de lui, de la conduite de madame Dumont et de son fils. C'est un petit polisson qui casse mes vitres, dit le coiffeur. Le vieillard répond :

            Air : Pour la Baronne.
        
Ceux qui sont hommes
A l'âge de sept ou huit ans,
Parvenus à l'âge où nous sommes,
Ne sont plus que de grands enfans,
        Au lieu d'être hommes.

Ce vieillard n'a pas, à son âge, le ridicule d'être amoureux, mais, dit-il :

Je console les malheureux.

Le coiffeur :

Ah ! combien vous avez d'ouvrage !

Ils se retirent. Madame Dumont revient, et bientôt paraît le propriétaire de son échoppe, qui, l'ayant trouvée jolie, lui offre une bonne maison, des bijoux, un équipage, etc., si elle veut être sa maîtresse(1). Irrité du refus qu'il éprouve, il envoie des huissiers qui saisissent les chétives marchandises de madame Dumont, tandis qu'elle est allé mettre en gage un petit paquet de ses meilleurs effets. Cependant le petit Armand, affligé de cette saisie, fait couper ses beaux cheveux, et les vend à une belle dame qui marchandait une perruque de cent écus ; il paie la dette de sa mère avec l'argent qu'il en reçoit. Sa malheureuse mère est, comme on peut croire, vivement touchée de ce trait aimable ; mais le vieillard, consolateur des malheureux, en est à tel point ému, qu'il adopte le petit Armand pour son fils, et lui destine tout son bien. Il s'écrie ensuite :

Puisse chaque célibataire,
Excité par ce trait touchant,
    Adopter un enfant.

Le coiffeur envisageant combien Armand est joli en cheveux courts , se dispose à mettre en vogue

    La perruque à l'enfant.

Et les acteurs se retirent en invitant le public à

    Adopter leur enfant.

Les spectateurs ont fait droit à la requête avec justice , car l'enfant qui joue le petit Armand, est fort joli , et s'en acquitte avec beaucoup de grâce et d'intelligence. L'action de cette pièce était d'abord un peu traînante ; de légères coupures en ont fait disparaître les longueurs, et son succès est maintenant assuré.

Elle est de la citoyenne Dufresnoy, et de l'auteur anonyme d'Arlequin Restaurateur.         L. C.

(1) L'acteur qui fesait des offres si riches, était vêtu comme un mendiant.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, V. année (an VII – 1799), tome troisième, p. 254-255 :

[La pièce repose sur une belle histoire, celle d’un enfant qui sacrifie sa chevelure pour alléger les dettes de sa pauvre mère : le critique y voit la réunion du sentiment et de la gaieté. Deux éléments qui lui assurent le succès (on aime les pièces morales, en ce temps). Un des auteurs est une femme. L’interprétation est remarquable par l’ensemble avec lequel les acteurs jouent.]

Théâtre des Troubadours.

Le petit Armand , ou le Bienfait des Perruques, fait historique en un acte, joué pour la première fois le 4 fructidor.

La veuve Dumont, que la mort de son mari a privé de son ancienne aisance, a pris une boutique de parfumerie, pour subvenir à ses besoins et à ceux d'Armand, son fils, âgé de huit ans. Cet enfant, à l'espiéglerie ordinaire à son âge, joint un excellent cœur, et beaucoup d'attachement pour sa mère que fait poursuivre le propriétaire de la boutique, pour deux termes de son loyer. Les huissiers procèdent à la saisie en l'absence de M.me Dumont, lorsqu'Armand, qui a cherché envain à s'y opposer, se rappelle qu'une belle dame vient de lui vouloir acheter ses cheveux. Il court faire le sacrifice de sa chevelure, et apporte aux huissiers la somme que l'on exige. Un vieillard, qui desiroit avoir des renseignemens sur M.me Dumont pour venir à son secours , est témoin de l'action du fils, l'adopte pour le sien, et le fait son héritier. Cette pièce a été très-applaudie, et mérite son succès ; le sentiment et la gaieté y sont réunis. On a demandé l'auteur, et le C. Léger est venu annoncer la C.e Dufresnoy et l'auteur anonyme de la Revue de l'an 6, et d'Arlequin restaurateur.

La pièce a été jouée avec beaucoup d'ensemble. La C.e Dubois, chargée du rôle du petit Armand, l'a joué avec tout le naturel possible. On a applaudi aussi la C.e Mézières dans le rôle de la Veuve, et les CC. Frédéric et Léger, dans ceux du Coiffeur et de Gazetin.

La même anecdote avoit déja fait le sujet d'une jolie romance des Dîners du Vaudeville.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, tome XII, fructidor an 7 [août 1799], p. 218 :

[L’intrigue repose sur une anecdote émouvante, un enfant sacrifiant sa magnifique chevelure pour venir en aide à sa mère. Le succès a couronné cette pièce au « fond un peu trop sentimental pour le vaudeville » grâce à des personnages épisodiques dont le ton contraste avec celui des autres personnages. Les couplets ont aussi le mérite de ne pas céder à la mode des « calembourgs et autres jeux de mots » (la mode de ces calembours pesants est souvent dénoncée). Un interprète est mis en lumière, celle qui joue le petit Armand, et on a le nom d’un seul des auteurs (le deuxième est indiqué de manière indirecte).]

Le Petit Armand.

On se rappelle le trait d'un enfant qui, pour sauver sa pauvre mère, poursuivie par des créanciers, sacrifia la superbe chevelure dont la nature l'avoit orné, & à laquelle un faiseur de perruques paroissoit attacher le plus grand prix. C'est cette anecdote véritable & récente qui a- fourni le sujet du Petit Armand, pièce en vaudevilles, en 1 acte, jouée naguère pour la première fois sur ce théâtre avec un succès complet. L'auteur a trouvé le moyen d'égayer ce fond un peu trop sentimental pour le vaudeville, en créant des personnages épisodiques (un coiffeur & un nouvelliste) dont le caractère & le langage forment un heureux contraste avec le ton des autres rôles. Plusieurs couplets ont été redemandés ; la plupart n'ont pas ce piquant factice que donnent aux vaudevilles modernes les calembourgs & autres jeux de mots , mais ils sont du moins faciles, gracieux, pleins d'un véritable esprit, & c'est là, sans doute, une compensation suffisante.

Le rôle du Petit Armand a été joué avec beaucoup d'intelligence par une très jeune personne qui annonce les plus heureuses dispositions ; elle a été demandée après la pièce, & le public a semblé se plaire à l'applaudir. On a aussi demandé les auteurs, mais ils n'ont point paru. Ce sont la citoyenne Dufresnoy, avantageusement connue dans la république des lettres, & le coopérateur anonyme d'Arlequin restaurateur.

[Le coopérateur anonyme d’Arlequin restaurateur est un des auteurs des Deux journalistes ; soit Chazet, soit Léger.]

La base César ne connaît pour auteur de la pièce que Adélaïde-Gillette Billet Dufrenoy. Elle a été jouée 19 fois au Théâtre des Troubadours, du 21 août au 9 octobre 1799.

 

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