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Les Parodistes

Les Parodistes, comédie en un acte et en vaudevilles, de Gasseau, 28 mai 1808.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Parodistes (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

28 mai 1808

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Gasseau

Almanach des Muses 1809.

Les Quatre saisons du Parnasse, quatrième année, volume XIV, été 1808, p. 301-302 :

[D’abord un petit bilan sur la parodie (sur l’air connu du « c‘était mieux avant »). Il ne reste plus que les parodies du Vaudeville, « et l'on peut dire qu'elle y végète ». Dans la pièce nouvelle, c’est l’auteur parodié qui a le dernier mot, puisque c’est lui qui épouse. Petit mystère concernant l’auteur de la pièce : « trois auteurs connus » ? Gasseau ? « Ne seroit-ce pas aussi un nom parodié ? »

Inès de Castro est une tragédie d'Houdar de La Motte (1723), et Agnès de Chaillot sa parodie, par Dominique, date de 1723.]

LES PARODISTES.

Première représentation le 28 mai.

On peut regarder comme des espèces de parodies ces pièces où nos pères

Jouoient les saints, la vierge et Dieu par piété.

La meilleure parodie qu'on ait jamais faite, est celle d'Inès de Castro, sous le nom d'Agnès de Chaillot. Elle est de Dominique, comédien du duc d'Orléans, et fut représentée par les comédiens italiens de son altesse royale vers le commencement du siècle dernier.

La parodie avoit autrefois deux théâtres à Paris, la Comédie Italienne et la Foire, qui, divisées d'intérêts, se réunissoient dans leur haine contre l'Opéra et le Théâtre Français. Cette petite guerre tournoit au profit des plaisirs du public. De là les parodies d'opéras et de tragédies qui se multiplioient à la Foire et à la Comédie Italienne.

Aujourd'hui, le Vaudeville est le seul asile de la parodie, et l'on peut dire qu'elle y végète, parce que l'esprit public incline à l'admiration plus qu'à la plaisanterie.

Dernièrement la parodie de la Vestale a obtenu le plus grand succès, moins peut-être par le mérite des plaisanteries que par la singularité piquante d'un auteur qui se parodie lui-même : c'est peut-être cet évènement qui a fourni l'idée du vaudeville nouveau, intitulé : Les Parodistes.

Dans cette pièce, les parodistes n'ont pas lieu d'être contents. L'auteur parodié, après avoir été quelque temps l'objet de leurs sarcasmes, prend sa revanche, et, d'un seul coup, enlève à ses adversaires sa maîtresse et le plaisir qu'ils se promettoient de rire à ses dépens.

On attribuoit ce vaudeville à trois auteurs connus ; on n'a nommé pour auteur que M. Gasseau. Ne seroit-ce pas aussi un nom parodié ?

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome VII, juillet 1808 p. 280-286 :

[Un seul théâtre peut se moquer des parodistes, c’est le Vaudeville, où se jouent les parodies. Et si la pièce sur les parodistes est drôle, cela justifiera la parodie. Pour cela, il faut que le parodiste utilise tous les moyens de ridiculisation à sa disposition, au risque d’être mal compris lorsqu’un calembour destiné à montrer le ridicule de l’original est pris par le public au premier degré. Et s’il se fait trop subtil, il risque de ne pas être compris. C’est ce qui arrive à l’auteur des Parodistes, qui a fait preuve d’esprit et de finesse, mais cet esprit n’est pas assez clairement compréhensible. Le personnage principal n’est pas assez ridicule, tout comme ses comparses, comme sa femme, ou l’auteur de tragédie. Quand les trois parodistes s’attaquent à la pièce de ce Valmont, ils n’en connaissent que le titre, et leur inspiration ne va guère loin. Et l’amateur de tragédie finit par choisir comme mari pour sa fille plutôt l’auteur de la tragédie parodie qui a eu le courage d’écrire la parodie de sa propre pièce qu’un des parodistes. La pièce comporte de jolis couplets, son dialogue est « piquant et de bon goût ». Elle est pourtant un peu froide, un peu longue (les reproches habituels...). D’où un succès sans éclat. L’auteur a été nommé.]

Théâtre Du Vaudeville.

Les Parodistes.

On ne vaincra jamais les Romains que dans Rome.

On ne peut attaquer les parodistes ailleurs qu'au Vaudeville ; on ne saurait les battre qu'avec leurs propres armes. Mais alors comment leur persuader qu'ils ont tort de s'en servir ? Si les parodistes font rire, il y a lieu de croire que ce sera de la parodie. La parodie sera donc plaisante, et alors les parodistes ont raison. Si la parodie n'est pas plaisante, les parodistes représentés sur la scène seront ennuyeux, et alors la leçon sera manquée. On n'a pas contre ces gens-là, la ressource du ridicule ; c'est leur élément, ils en vivent : un parodiste ne peut être ridicule que lorsqu'il est plat; et parodiste ou autre, jamais un personnage plat ne sera comique au théâtre ; on veut que la bêtise même y soit saillante ; si le fond d'un rôle niais n'est pas assez piquant, on y supplée par l'habillement, le ton, les gestes, tout l'extérieur du personnage ; on s'étudie à en faire une caricature, c'est-à-dire, une parodie naturelle. Eh bien, voilà ce que veut faire le parodiste, c'est à quoi il tend ; vous ne le rendrez jamais plaisant sur la scène qu'en lui faisant faire son métier le mieux possible : s'il y manque en quelque chose, le public s'en prendra à vous, tant, dans un vaudeville où l'on fait parler un faiseur de vaudevilles, il sera tenté de confondre l'auteur avec le personnage. Ainsi le parterre, si indulgent ordinairement pour les calembourgs, a été tenté d'en réprouver deux ou trois, bien mauvais à la vérité, mais qui étaient faits pour l'être. On a cherché à peindre le ton de ces jeunes gens, vrais manufacturiers d'esprit, travaillant sans cesse à en faire de tout, à en débiter par-tout, pour qui c'est un fond de fait qu'un mot trouvé, même un mot ridicule ; pour qui c'est un gain de fait qu'un mot placé, même un mot inconvenant : il fallait bien les faire parler en mauvais calembourgs. Mais que voulez-vous, ces messieurs sont de ceux que la moitié de Paris et plus des trois quarts et demi des provinces regardent comme les gens d'esprit par excellence ; le parterre du Vaudeville leur en trouve quelquefois beaucoup ; l'auteur même qui veut les chansonner leur prête dans sa pièce des traits et des couplets piquans. Si, après cela, l'un deux, à qui son camarade dit que sa montre, qui retardait, l'a fait arriver trop tard à la répétition, lui répond qu'on en doit conclure qu'il n'a pas une montre à répétition, le parterre trouvera cela bien mauvais pour un homme d'esprit, et il aura bien raison ; son seul tort sera de ne pas sentir qu'on a voulu lui montrer le ridicule du genre d'esprit applaudi ordinairement, et de blâmer l'auteur quand il ne devrait se moquer que du personnage. C'est l'inverse de la méprise qui eut lieu à la première représentation du Misanthrope ; on applaudit le sonnet d'Oronte, faute d'avoir été averti qu'on devait le trouver ridicule : c'est par la même raison qu'on a murmuré contre le calembourg de la montre à répétition. Il est plaisant seulement que ce soit le parterre du Vaudeville qui ait eu du goût, et celui du Misanthrope qui en ait manqué, quand tous les deux ont manqué de pénétration. La pénétration est, au reste, la qualité qu'on doit la moins attendre du parterre ; il ne va pas au spectacle pour faire de l'esprit , mais pour se divertir de celui des autres. Tout ordre est renversé si, par des intentions trop fines, des plaisanteries trop déliées, l'auteur veut obliger le lecteur ou le spectateur à avoir de l'esprit ; c'est un crime de lèze-nation, car il expose sa majesté le publia à d'étranges bévues.

C'est ce qu'on peut reprocher à l'auteur des Parodistes ; il y a dans ce vaudeville de l'esprit et de la finesse ; mais rien n'y est assez marqué. Ce pourrait être un personnage fort plaisant que M. Gaudet, bon bourgeois passionné pour la tragédie, parce que, pendant cinquante ans, sa famille a fourni la comédie française d'étoffes d'or et d'argent, et que son grand-père a galonné

Mahomet, Achille, César,
Brutus, Oreste et Mithridate.

Mais il n'est pas assez ridicule ; son enthousiasme tragique ne se mêle pas assez avec ses idées et ses habitudes bourgeoises ; il ne sait pas assez estropier les vers et les sentimens de ses héros favoris ; il en parle presque comme un homme de bon sens. Sa femme, qui ne veut que des chansons et des vaudevilles, qui soutient et qui prouve qu'il n'y a pas de vers de tragédie dont la substance ne se retrouve dans quelque couplet de chanson, n'est pas assez folle et assez plaisante. Valmont, l'auteur tragique dont on donne le soir même la tragédie, et l'amant préféré de Clémence, fille de M. et Mme. Gaudot, a bien quelques-uns des ridicules d'auteur, mais ils sont trop légèrement indiqués. Sa maîtresse lui dit tout bas de se rendre dans le jardin où elle va l'aller joindre ; il n'imagine d'autre objet au rendez-vous qu'elle lui donne que de lui parler de sa pièce : cela est plaisant, mais un peu trop fin pour le Vaudeville. Une jolie scène, c'est celle où les trois parodistes réunis chez Mme. Gaudet pour travailler à parodier la tragédie de Valmont pendant qu'on la joue, se trouvent fort embarrassés, parce qu'aucun d'eux n'a songé à s'informer du sujet de la pièce ; ils savent le titre, voilà tout ; c'est beaucoup pour des parodistes ; après avoir fait autant d'esprit qu'ils le peuvent sur ce titre, ils se trouvent arrêtés tout court ; heureusement pour eux arrive Valmont qui ne les connaît pas et qui n'a pas le courage d'assister à la représentation de sa pièce. Ils entreprennent de lui en faire dire le sujet, les noms sur-tout, c'est-là l'important, et quelques-uns des vers qu'ils parodient à mesure ; il ne leur manque plus que le dénouement, dont le confiant Valmont va les instruire, quand Clémence arrive, et s'appercevant de ce qui se passe, le renvoie dans le jardin. Ensuite, feignant de vouloir aider les parodistes, si l'un paraît en verve, elle l'interrompt pour lui proposer un couplet insignifiant qu'il écoute par complaisance. Si une idée heureuse est près d'éclore, elle a trouvé le plus joli air de walse, il faut que l'un des trois le joue sur le piano ; elle le danse avec l'autre, et soustrait l'écritoire au troisième : tout cela est imaginé avec esprit, mais n'est pas exécuté avec assez de gaieté. Cependant on revient du spectacle ; la tragédie a réussi ; c'est tant mieux pour les parodistes; ils veulent réparer le temps perdu, mais Fierval, directeur du Vaudeville, leur annonce qu'ils l'ont trop fait attendre : il vient de donner parole de recevoir la parodie que lui a proposée un jeune homme qu'il ne connaît pas, mais qui lui a déjà montré plusieurs couplets fort piquans, un entr'autres sur les auteurs qui se cotisent pour faire un vaudeville ;

L'un se charge du burlesque,
De traits l'autre orne l'écrit,
Ces messieurs composent presque
Ensemble un garçon d'esprit.

Les parodistes commencent à penser qu'on veut se moquer d'eux ; ils en sont bien sûrs quand Valmont qui arrive est reconnu par Fierval pour l'auteur de la parodie annoncée ; c'est lui en effet qui, instruit par Clémence du tour que prétendaient lui jouer ces messieurs, a voulu à la fois les prévenir et se moquer d'eux. M. Gaudet enchanté de la gloire de Valmont, veut lui donner sa fille ; Mme. Gaudet veut la donner à Folleville, l'un des parodistes. Clémence, consultée, décide pour Valmont ; Mme. Gaudet consent à ce mariage, parce qu'il fait le bonheur de sa fille : il serait plus piquant qu'elle y consentît, parce que Valmont a fait la parodie de sa pièce.

Il y a dans ce vaudeville de jolis couplets ; le dialogue est piquant et de bon goût, excepté quand il ne doit pas l'être, c'est-à-dire, quand ce sont les parodistes qui parlent. Mais tout cela est un peu froid, un peu long ; le succès n'a pas été contesté, mais il n'a pas été vif. L'auteur a été demandé, et Henri est venu nommer M. Gasseau.                    P.

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1809, p. 150-151 :

[L’actualité, c’est la parodie de la Vestale par l’auteur de la Vestale. La parodie d’une œuvre par qui l’a faite est l’idée reprise dans cette pièce nouvelle, analysée ici du point de vue de la jeune femme enjeu de la rivalité entre tragédien et parodistes.]

LES PARODISTES, vaudeville en 1 acte, de M. Gasseau. (28 mai.)

Nous avons vu que M. Joui, auteur de la Vestale, s'était parodié lui-même, et son joli vaudeville des Marchandes de Modes, peut être regardé comme une des plus aimables parodies que nous ayons vues depuis long-tems. Un auteur se parodier lui-même, est un sujet rare. Il a paru dramatique à M. Gasseau, qui en a fait un vaudeville assez agréable, dont voici l'analise.

Valmont a fait la tragédie de Zulmanzor ; elle est sur le point d'être jouée, et trois parodistes veulent parodier la tragédie nouvelle. Clémence, qui aime Valmont, et qui déteste les parodistes, voudrait retarder ce travail ; mais le hazard les favorise, ils se rencontrent avec Valmont, l'auteur à parodier ; ils le flattent et lui font réciter des vers qu'ils parodient sur-le-champ. Clémence survient ; indignée de cette petite noirceur, elle éloigne son amant, et feignant de connaître l'ouvrage, elle met les parodistes dans l'embarras, en troublant toutes leurs idées par des traits malins et des additions mensongères ; l'esprit des trois parodistes est en défaut. Bientôt on apprend que la tragédie a été jouée, qu'elle a réussi. Valmont revient triomphant. Mais ô douleur ? Valmont lui-même a fait sa parodie, et les trois malins perdent à-la-fois toutes leurs prétentions, et sur la parodie et sur le profit qu'elle devait leur procurer, et sur la main de Clémence, qui est unie à Valmont. La scène la meilleure de cet ouvrage est celle où les parodistes, qui ne connaissent point la tragédie de Valmont, s'adressent à l'auteur lui-même, qui récite ses vers et fait l'éloge de son ouvrage. Cette situation est très-comique.

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