La Rose blanche et la rose rouge

La Rose blanche et la rose rouge, opéra, paroles de M. Guilbert Pixérécourt, musique de M. Gaveaux ; 20 mars 1809.

Théâtre impérial de l'Opéra Comique.

Titre :

Rose blanche et la rose rouge (la)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

20 mars 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique

Auteur(s) des paroles :

Guilbertde Pixerécourt

Compositeur(s) :

Gaveaux

Almanach des Muses 1810

Personnages historiques et sujet romanesque.

Succès fondé sur des situations intéressantes. Musique très agréable.

La pièce se passe dans l'Angleterre de la guerre des Deux Roses (« en 1399, dans la province d'Yorck »).

Sur la page de titre de la partition, à Paris, A la Nouveauté (Pierre et Simon Gaveaux) :

La Rose blanche et la Rose rouge Drame Lyrique en Trois Actes Paroles de R. C. Guilbert Pixerécourt Musique de Pierre Gaveaux Représenté pour la première fois à Paris sur le Théâtre Impérial de l'Opéra Comique le 20 Mars 1809. Dédié A Madame la Comtesse Duchatel, Dame du Palais de l'Impératrice Reine.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome V, mai 1809, p. 281-287 :

[Un long article pour dire que la pièce n’a vraiment pas beaucoup d’intérêt, puisque c’est un mélodrame, et même pas un bon ! Le début ironise longuement sur les erreurs historiques qui émaillent la pièce : c’est visiblement un point important, pas question d’accepter qu’une pièce ne soit pas d’une absolue exactitude. Le résumé de l’intrigue est fait dans le même esprit : le critique semble ne rien comprendre et être réduit à tenter de retenir une multitude d’événements. Heureusement pour lui, il comprend subitement qu’il s'agit d’un mélodrame, bien qu'on soit à l'Opéra-Comique où il ne devrait pas y en avoir : cela le dispense d’en faire l’analyse, ce qui profite à tous, en ne gâchant pas l’espace du journal, en n’ennuyant pas le lecteur et en ne révélant pas le secret (il y a toujours un secret dans un mélodrame), révélation qui serait préjudiciable à l’auteur qu’elle priverait de spectateurs. Il continue donc son résumé sans se soucier de trouver une cohérence où il n’y en a pas. De toute façon, tout est écrit d’avance : à la fin, « tout le monde s'embrassera, on finira la pièce en criant vive Richard ! On applaudira, on sifflera et l'on demandera les auteurs. » Le nom des auteurs ? Pixerécourt, auteur de tant de mélodrames meilleurs que celui-ci (qui est donc bien mauvais, même s’il a l’honneur de paraître sur un grand théâtre). Et, pour la musique, Gaveaux. Son travail « vaut mieux que les paroles », «  de la douceur et de l'agrément, sans beaucoup d'originalité ». Quelques morceaux sont remarqués. Quant à l’interprétation, elle ne vaut que pour le rôle principal, celui du comte de Derby, « très-bien rendu » par Gavaudan. Les autres rôles sont moins bien rendus. Le critique confirme dans cet article qu’il n’aime vraiment pas les mélodrames, même lorsqu'ils prennent la forme d'un opéra-comique.]

Théâtre de l'Opéra-Comique.

La Rose rouge et la Rose blanche, opéra en trois actes.

Je me suis trouvé dans une situation assez pénible pendant le premier acte de cette pièce. J'écoutais avec la plus grande attention pour-en saisir le sujet, et il me manquait toujours quelque donnée. Sommes-nous, disais-je, en Ecosse ou en Angleterre ? L'habillement des paysans, une harpe dans l'orchestre me faisaient pencher pour l'Ecosse; mais on parlait du roi d'Angleterre comme du souverain du pays, et chacun sait qu'au quinzième siècle l'Angleterre et l'Ecosse n'étaient rien moins que réunies. Je me demandais ensuite à quelle époque de la querelle des deux roses le poëte avait placé son action, et je ne devinais pas mieux. Le roi dont il parle est du parti de la rose blanche, et il le nomme Richard ; ce ne pouvait donc être que Richard III, car sous Richard II les deux roses n'étaient pas connues ; mais Riehard III est le plus exécrable tyran qui ait opprimé l'Angleterre ; et comme on ne dit pas le moindre mal de lui, je ne pouvais le reconnaître ; le nom des autres personnages ne m'aidait pas. Je voyais paraître successivement un comte de Derby, un lord Mortimer, un lord Seymour, et ces noms n'appartiennent pas plus au règne de Richard qu'à beaucoup d'autres. Cependant j'écoutais toujours, et la toile étant tombée pour établir la décoration du second acte, j'ai récapitulé ce que j'avais vu dans le premier. J'ai noté dans ma mémoire que Derby, partisan de la rose rouge, proscrit par Richard, revenait de France pour revoir la belle Anna, fille de lord Mortimer, à laquelle il était fiancé avant son exil ; qu'il comptait trouver un asyle chez lord Seymour son ami, fidèle ainsi que Mortimer à la rose rouge ; mais qu'il trouvait les choses bien changées depuis son départ. Seymour était devenu amoureux d'Anna ; il s'était soumis, ainsi que Mortimer, à Richard, et le roi voulait que la main d'Anna fût sa récompense. A la vérité, Derby n'apprend pas tout cela au premier acte, ni même au second ; il entend seulement des chants d'hyménée ; il voit Mortimer et sa fille arriver au château de Seymour qui lui en refuse l'entrée à lui même : c'en est bien assez pour le tourmenter.

J'en étais là de ma récapitulation lorsque la toile s'est levée et nous a laissé voir l'intérieur du château. Derby trouve moyen de s'y introduire ; il a une entrevue avec Anna, et lui propose de l'enlever, après s'être assuré qu'elle ne lui est pas infidelle. Seymour survient et se conduit très-généreusement pour un rival ; maïs on annonce aussi Mortîmer, et Derby est obligé de prendre la fuite. De ce moment les incidens se succèdent avec une telle rapidité que j'ai commencé à douter qu'il me fût possible de les retenir assez bien pour en rendre compte; ma perplexité était plus grande encore qu'au premier acte, lorsque certains mots marmotés par mes voisins sont venus m'éclairer et me consoler. J'ai cru distinguer ceux de Boulevards, de Gaitê, d'Ambigu-Comique ; j'ai cru même entendre le nom d'un auteur très-connu... Ouf ! me suis-je écrié, c'est un mélodrame ! Dieu soit loué ! On sait bien que jamais un mélodrame ne doit être analysé, et cela pour l'intérêt du journal, du public et de l'auteur lui-même : du journal, parce qu'il faudrait quelquefois y consacrer une feuille entière, qu'il est possible de mieux remplir ; du public parce qu'on l'ennuyerait par le récit d'une foule d'événemens invraisemblables ; de l'auteur, enfin, parce que la curiosité étant le seul intérêt de ces sortes d'ouvrages, trahir son secret c'est lui ôter des spectateurs. J'ai donc suivi le reste de la pièce beaucoup plus à mon aise ; j'ai été témoin d'un évanouissement de la belle Anna, et de l'ouverture d'une fenêtre qui a exposé le brave Derby au plus grand danger. J’ai vu ce loyal chevalier paraître au milieu de ses ennemis la visière baissée, la lever fièrement lorsqu'on veut le faire boire à la rose blanche, et boire au contraire à la rose rouge, au risque de tout ce qui pourra en arriver. Je l'ai vu ensuite arrêté et conduit en prison par ordre du roi, et j'ai tremblé pour sa vie ; mais heureusement la prison ne fermait pas très-bien, Seymour s'y introduit déguisé en ménestrel, et j'ai vu renouveller la fameuse scène d'Oreste et de Pylade. Seymour veut rester en prison à la place de Derby ; mais Derby ne veut point exposer la vie de Seymour. Que vous dirai-je enfin, mes chers lecteurs ? Il faut bien que l'un parte et que l'autre reste, et peu importe lequel, puisque la belle Anna apporte, l'instant d'après, la grace du prisonnier quelconque qui sera encore dans la tour ; et si par hasard le gouverneur ne se rendait pas à un ordre aussi vague, vous sentez bien que nous en tirerons l'avantage de faire durer la pièce un quart-d'heure de plus. Le prisonnier resté sonnera la cloche; le prisonnier sauvé volera à son secours ; la garde accourra au tocsin; le gouverneur demandera du temps pour réfléchir, et lord Mortimer qui n'aura pas été plus oisif que sa fille, paraîtra enfin avec des lettres de grace en bonne forme pour la comte de Derby. Il faudra bien alors que. le gouverneur obéisse ; tout le monde s'embrassera, on finira la pièce en criant vive Richard !On applaudira, on sifflera et l'on demandera les auteurs.

Celui des paroles est M. Guilbert-Pixérecourt. En proclamant son nom, on ne l'a pas fait suivre, selon l'usage, de ses autres titres de gloire, et nous ne voyons pas pourquoi. En donnant au public un nouveau mélodrame, il serait fort à sa place de lui rappeller ceux qu'il a déjà applaudis. L'Homme aux trois Visages, la Femme à deux Maris, Tékéli, Robinson, l'Enfant de la Forêt, la Forteresse du Danube, l'Ange tutélaire, etc., etc. n'ont point eu, à la vérité, l'honneur d'être joués sur un de nos grands théâtres, mais ils l'auraient mieux mérité que la Rose blanche et la Rose rouge, si la musique en avait été faite par M. Gaveaux. Nous ne pouvons louer M. Pixérecourt de déshériter ainsi ceux de ses enfans qui ont le mieux réussi dans le monde. Plusieurs d'entr'eux et notamment Tékéli ont paru sur les théâtres de Vienne ou de Londres, et je doute que l'opéra des deux Roses y soit jamais transporté.

La musique vaut mieux que les paroles. On y reconnaît la manière de M. Gaveaux, qui en est l'auteur. Elle a de la douceur et de l'agrément, sans beaucoup d'originalité On a cependant remarqué la romance de l'écuyer au premier acte, un duo ou plutôt un trio au second, entre Anna et Derby, auxquels vient se joindre Seymour. Le final du premier. acte, où l'intendant Robert et l'écuyer Raymond chantent alternativement les couplets d'une ronde fort gaie et ceux d'une romance mélancolique, aura plus de succès quand il sera mieux exécuté; mais le morceau qui nous a fait le plus de plaisir est la scène musicale du troisième acte, pendant laquelle Seymour déguisé chante une autre romance qui sera sans doute recherchée des amateurs.

La pièce a été jouée aussi bien qu'elle le comportait. Elle n'a véritablement qu'un rôle. Celui du comte de Derby, brave, loyal, emporté, jaloux ; Gavaudan l'a très-bien rendu. Lord Mortimer n'est qu'un pauvre noble. Solié, avec tout son talent, n'a pu s'y faire remarquer que par son costume qui ressemblait un peu à celui du roi Dagobert, ou même du roi de pique dans le Valet de Carreau. Le personnage de Seymour, joué par Paul, promettait beaucoup; placé entre l'amour et l'amitié, entre le parti de la rose rouge auquel il tient par inclination, et celui de la rose blanche qu'il embrasse par nécessité, il pouvait devenir très-dramatique ; mais il se décide d'abord pour la rose blanche et pour l'amitié, et il n'est plus qu'un personnage ordinaire. Le rôle d'Anna, que remplissait Mme. Belmont, est encore plus ingrat. Une héroïne de mélodrame ne peut être intéressante que lorsqu'elle est enlevée par un jaloux, emprisonnée par un tyran, tirée à quatre voleurs, et prête à chaque instant à recevoir un coup de pistolet ou de sabre ; c'est à cela que les actrices du boulevard passent leur vie ; mais il est probable qu'avec celles de l'Opéra-Comique l'auteur n'a pas osé prendre les mêmes libertés. Nous ne dirons rien des autres personnages, si ce n'est qu'il y en a trois qui jouent un grand rôle dans le premier acte et ne paraissent plus dans les derniers, Mlle. Desbrosses, Lesage et Moreau en étaient chargés : nous leur souhaitons à l'avenir une meilleure fortune.

G.

Dans le bilan de sa carrière au théâtre que Pixerécourt dresse dans son Théâtre choisi (Nancy, chez l'auteur, 1841), tome 1, p. XLIV-LXXXVII, La Rose rouge et la Rose blanche, qui porte le numéro 60, se voit créditée de 42 représentations parisiennes et 263 en province. Sa première représentation a eu lieu le 20 mars 1809.

 

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