Sélico ou les Nègres

Sélico ou les Nègres, opéra en trois actes, de Godard de Saint-Just, musique de Bernardo Mengozzi, orné d'un ballet, de la composition de M. Coindré, 5 octobre 1793.

Théâtre National.

Philippe Bourdin dans l’index de Aux origines du théâtre patriotique, p. 497, donne comme titre à l’opéra de Godard de Saint-Just et Mengozzi Sélico ou la Révolution des Nègres.

Titre :

Selico, ou les Nègres

Genre

opéra

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

 

Musique :

oui

Date de création :

5 octobre 1793

Théâtre :

Théâtre National

Auteur(s) des paroles :

Saint-Just

Compositeur(s) :

Bernardo Mengozzi

Chorégraphe(s) :

Coindré

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 11 (novembre 1793), p. 354-358 :

{Compte rendu largement favorable. Après l’indication de la source (un conte de Florian, dont l’opéra modifie « avec adresse » le dénouement, « pour se rapprocher des circonstances, & lui donner un but d'utilité », et le résumé de l’intrigue, le critique juge la pièce, alourdie par des longueurs, « ce qui jette du froid sur certaines situations », mais qui « offre souvent de l'intérêt », et écrite « purement ». La musique est la meilleure que Mengozzi ait jamais produite (est-ce un compliment ambigu ?), et si certains morceaux sont « du plus grand effet », d’autres sont moins appréciés : « pas aussi dramatiques qu'ils pourroient l'être », « le bruit de l'harmonie nuit souvent à la mélodie & à la déclamation ». C’est le ballet qui est le mieux trtaité dans ce compte rendu : beaucoup de louanges, pour le ballet et son originalité « l'un des plus beaux qu'on ait vus depuis ceux de Panurge » comme pour les interprètes (en particulier une jeune danseuse pleine de talents en devenir). Et tout ce qui peut enrichir un spectacle est remarquable : les costumes, « exacts, riches & pittoresques » ; les décorations, « très belles », les acteurs, dont le jeu et le chant sont jugés très satisfaisants.

Deux remarques : le livret est attribué à Godard de Saint-Just : l’attribution à Guilbert de Picérécourt est le résultat d’une confusion : il y a bien un Sélico, ou les Nègues généreux écrit par Pixérécourt, vendu au Théâtre Molière pour 300 fr, mais non représenté à Paris. Et le dernier paragraphe annonce l’arrivée imminente sur diverses scènes de deux autres Sélico, que César ne connaît pas (un des deux, celui du Théâtre de Molière étant celui de Pixerécourt)].

Sélico ou les Negres, opéra en trois actes, orné d'un ballet.

Tout le monde a lu, dans le Dictionnaire d'anecdotes, l'histoire de ces trois freres, dont le plus jeune vendit sa liberté pour procurer la subsistance à sa mere, que des malheurs avoient réduite à la plus affreuse misere. Florian a fait une nouvelle Africaine, intitulée Selico. C'est de-là qu'on a tiré l'opéra donné sur le théatre national de la rue de Richelieu. L'auteur a suivi le conte jusqu'au dénouement, où il s'en est écarté avec adresse, pour se rapprocher des circonstances, & lui donner un but d'utilité. Voici comment il a conçu son plan.

La scene se passe au royaume de Juida, sur la côte de Guinée, près la ville de Sabi, sa capitale, en Afrique. Darina, pauvre veuve qui vit avec ses deux fils (l'auteur a supprimé le troisieme, qui lui a paru inutile à son action), est sur le point de marier Gubéri à Nircé son amante, & Sélico à Bérissa, fille de Farulho ; déjà on éleve l'autel de pierres où doivent se célébrer ces deux hymens, lorsqu'on apprend que le farouche Truro-Audati, tyran de Dahomai, vient de s'emparer du royaume de Juida, & qu'il égorge & brûle par-tout, sans pitié pour l'âge ni pour le sexe. Sélico est parti pour Sabi, Darina est seule avec Gubéri, Nirçé, Bérissa & Farulho : on convient que Darina, Gubéri & Nircé se réfugieront à la hâte dans le creux des rochers, tandis que Bérissa & son pere attendront Sélico. Le pere & la fille restent seuls ; mais une horde de soldats d'Audati s'empare d'eux. Bérissa est arrachée des bras de Farulho, & ce malheureux vieillard est attaché à un arbre, pour y attendre la mort. Cependant Darina, Gubéri & Nircé sont inquiets, dans leur retraite, sur le sort de Sélico. Celui-ci vient enfin se jetter dans leurs bras : il est égaré, furieux : il a été témoin du sac de Sabi : il a vu Bérissa enlevée sous ses yeux : Farulho a été sauvé par un Negre généreux ; mais on ignore ce qu'il est devenu : la misere accable Darina & sa famille : Sélico, qui a entendu proclamer que le tyran donneroit 400 onces d'or à celui qui lui ameneroit un Negre audacieux qui a osé pénétrer dans son sérail, propose à Gubéri de le conduire à Audati, de le dénoncer comme étant le coupable, & de toucher ainsi la somme promise, qui doit soulager la vieillesse de sa mere. Le jeune frere s'y oppose : Sélico veut se tuer à ses yeux ; enfin Gubéri y consent. Les deux freres, dont l'un est chargé de. fers, vont trouver Audati : Sélico s'accuse, Gubéri va recevoir la somme ; mais au même instant Audati fait paroître Bérissa, qui reconnoît son amant, & pousse un cri : ce n'est pas lui qui a pénétré dans le jardin du sérail : le tyran furieux veut les faire périr tous les deux ; mais un vieillard se présente : c'est Farulho qui, suivi d'une troupe de Negres affidés, vient sauver ses enfans, & délivrer la terre d'un monstre qui la souilloit. Le tyran est percé de coups, & ses. sujets sont rendus à la liberté, après laquelle ils soupiroient depuis long-tems en secret.

Tel est le fond de cet ouvrage, qui a réussi : on peut lui reprocher quelques longueurs, ce qui jette du froid sur certaines situations ; mais il offre souvent de l'intérêt, & il est écrit purement. Il est de M. S. Just, qu'on a demandé, mais qui n'a point paru. La musique de Mengozzi est, parmi les ouvrages de ce compositeur, celui qu'il paroît avoir le plus soigné ; il y a des morceaux du plus grand effet. Le sommeil du second acte, quoiqu'un peu long en situation, paroît digne de l'école de Pergoleze, par sa beauté & sa simplicité. Quelques morceaux d'ensemble ne sont pas aussi dramatiques qu'ils pourroient l'être, & le bruit de l'harmonie nuit souvent à la mélodie & à la déclamation. Quoi qu'il en soit, cette musique brillante, exécutée par un bon orchestre, très-bien conduit par M. Kreutzer, mérite tous les applaudissemens qu'on a donnés à M. Mengozzi, lorsqu'il s'est présenté à la fin.

Le ballet, qui termine cet opéra, est de la composition de M. Coindré, Cet artiste, qui débute à Paris dans ce genre, y a réuni tous les caracteres de danses, & tout ce qui peut frapper agréablement les yeux. Ses pas negres sont marqués au coin de l'originalité la plus piquante : ses groupes, ses tableaux, sont neufs, & annoncent du goût & de l'imagination : le public y a vu danser MM. Didelot, Laborie, Rochesort, & Mlle. Rose, tous artistes, dont les talens ont depuis long-tems son estime. Mlle. Coindré a de la précision & de la netteté dans ses pas : Mlle. Rochefort met de la grace, de la légéreté & de la précision à tout ce qu'elle fait : c'est elle qui fait la Négresse : mais un talent naissant, que l'on ne sauroit trop encourager, est celui de la jeune Monroy, éleve de M. Didelot. Cet enfant a tout ce qu'il faut pour acquérir la supériorité dans cet art : elle ajoute, par sa grace, au charme de ce ballet, l'un des plus beaux qu'on ait vus depuis ceux de Panurge. En un mot, cet opéra est fait pour attirer le public : les costumes y sont exacts, riches & pittoresques ; les décorations y sont très belles, rien n'y est négligé, & il est joué & chanté d'une maniere très-satisfaisante par MM. Micalef, Lebrun, Amiel, & par Mlles. Lillier, Ollier & Ferrieres.

Il est des sujets de pieces auxquels on pense tard, mais qui souvent rient à l'imagination de plusieurs personnes à la fois; tel est celui de Sélico : tandis qu'on l'offre au public sur le théâtre de Mlle. Montansier, on prépare un autre Sélico au théatre de Moliere, & un autre encore au théatre de la rue Favart, dont la musique est, dit-on, du célebre Chérubini.

Le Sélico de Cherubini est resté inachevé.

César : drame en 4 actes. Auteur du livret : attribué par erreur à René-Charles Guilbert de Pixerécourt, il est bien de Godard de Saint-Just, comme le dit le compte rendu de l’Esprit des journaux français et étrangers. C’est une erreur, née de l’existence d’un Sélico ou les Nègres généreux, de Guilbert de Pixerécourt, vendu au théâtre de Molière, mais jamais représenté à Paris d’aprèsGodard de Pixerécourt (sinon sous le titre de Sélico ou le Triomphe de l'amour filial), représenté à Nancy à une date indéterminée, et non imprimé). Musique de Bernardo Mengozzi. Première le 5 octobre 1793. 19 représentations en 1793, 15 en 1794 (jusqu'au 26 juillet).

Ajouter un commentaire

Anti-spam
 
×