Une journée de Ferney

Une journée de Ferney, comédie en 3 actes, mêlée de vaudevilles, de Piis, Barré, Radet et Desfontaines, 1er ventôse an 7 [19 février 1799].

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Une journée de Ferney

Genre :

comédie

Nombre d'actes :

3, puis 2

Vers / prose

prose, couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

1er ventôse an 7 [19 février 1799]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Piis, Barré, Radet et Desfontaines

Almanach des Muses 1800

Une jeune personne, nièce de la vieille Baba, servante de Voltaire, est vivement recherchée par un monsieur Fausset, organiste que protègent madame Denis et le père Adam ; mais elle aime Prosper, fils d'un célèbre horloger de Gex. Prosper, par malheur, s'est brouillé avec son père, et s'est enfui de la maison paternelle. Il vient implorer la protection de Voltaire le jour même où le poète essaie sur son théâtre une représentation de l'Enfant prodigue. Voltaire imagine de faire servir sa pièce à la réconciliation du père avec le fils. Son projet réussit, le père a pardonné. Voltaire laisse alors la jeune personne maîtresse de choisir entre Prosper et monsieur Fausset, et le choix est bientôt fait.

Tel est le fonds de cette comédie. Les auteurs y ont joint des scènes accessoires qui en ont augmenté le charme et l'intérêt.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an x. – 1802 :

Voltaire, ou une journée de Ferney, comédie en deux actes, mêlée de vaudevilles. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le premier ventôse an VII. Par les CC. Piis, Barré, Radet, Desfontaines.

La pièce peut avoir pour titre soit Voltaire, ou Une journée de Ferney, soit simplement Une journée de Ferney, le nom seul de Ferney suffisant à évoquer la personne de Voltaire.

Courrier des spectacles, n° 729 du 2 ventôse an 7 [20 février 1799], p. 2 :

[Avant de parler de la pièce, le critique évoque ce qui est presque devenu un genre dramatique, le vaudeville mettant en scène un auteur illustre : il y en a déjà de nombreux, et Voltaire, après Rousseau, assez maltraité, vient s'ajouter à la liste. La pièce en trois actes sur Voltaire est trop longue, elle manque d'action et d'intérêt. Le personnage de Voltaire est « bien tracé », faisant contraster caractère colérique et générosité. Ce contraste est montré à travers une série de scènes épisodiques faisant apparaître des gens de son entourage comme des inconnus et comme l'ambassadeur du roi de Prusse. Le critique passe vite sur la scène à Voltaire s'en prend violemment à Fréron, scène qui a fait murmurer le public. Son jugement s'exprime en quatre expressions : « De jolis couplets, des détails agréables, beaucoup de longueurs, point d’action ». Il finit par les interprètes, jugés positivement : un excellent acteur joue Voltaire, et « les autres emplois » ont su jouer avec ensemble.]

Théâtre du Vaudeville.

Le brillant succès de Piron avec ses amis et de Favart aux Champs Elisées a encouragé les auteurs du Vaudeville, et leur a donné l’idée de présenter au public une galerie des écrivains qui ont illustré notre littérature. Déjà nous avons vu successivement paroître Molière, Favart, Piron, Scarron, Santeul, Dufresny , Rabelais, etc. et le public a bien voulu seconder le zèle et les efforts des auteurs, en leur témoignant par de nombreux applaudissemens, combien il étoit satisfait de la vérité, de l’agrément et de l’esprit avec lesquels on avoit tracé les portraits de ces hommes célèbres. Il en est deux sur-tout qui ont acquis dans notre siècle une trop grande réputation, pour avoir pu échapper au souvenir des vaudevillistes, nous voulons dire J. J. Rousseau et Voltaire. Le premier, dont on a donné l’esquisse sous le litre de J. J. Rousseau à l'Hermitage, n’a pas été tracé avec tout le talent qu’on avoit droit d’attendre d'auteurs accoutumés à des succès brillans. Le caractère sérieux et taciturne de Rousseau ne pouvoit pas prêter beaucoup au genre malin et épigrammatiques du vaudeville, deplus la pièce est beaucoup trop longue et manque d’action. Ce dernier reproche doit être fait à la comédie en trois actes donnée hier au théâtre du Vaudeville, sous le titre d’une journée de Ferney. Cette piece pêche essentiellement par le plan qui est très-faible et qui ne comporte pas sa longueur de trois actes, des détails agréables ne peuvent jamais remplacer le défaut d’action et d’intérêt. Le rôle de Voltaire est généralement bien tracé. Bouillant, colère, satyrique et mordant à l’excès, bon, bienfaisant, et généreux, tel étoit cet homme célebre. Voltaire vit retiré à Ferney, avec Mde Denis[,] sa mère, il passe son temps à l’étude, à la défense des malheureux, et à jouer aux échecs avec le pere Adam, jésuite. Il parvient à reconcilier un pere avec son fils, en le faisant assister à une représentation de son enfant prodigue ; il donne audience à un ambassadeur du roi de Prusse, qui lui apporte, au nom de son maître, ses poésies et les clefs de grand chambellan : il assiste à la cérémonie du baptême d’une cloche, dans une église qu’il a lui même fondée : il marie le jeune homme dont nous avons parlé ci-dessus, avec la niece de sa gouvernante, enfin il reçoit la nouvelle de l’affranchissement des serfs du Mont-Jura , qu’il a si vivement sollicité.

Tel est l’emploi de sa journée : nous ne parlerons pas de sa violence, de sa colère à la vue du journal littéraire de Fréron, qu’il déchire violemment en disant que ce folliculaire l’a assez souvent déchiré. Ce passage a excité des murmures. De jolis couplets, des détails agréables, beaucoup de longueurs, point d’action, tel est ce que nous avons remarqué dans la nouveauté d'Une journée de Ferney.

Le citoyen Veripré a parfaitement rendu le rôle de Voltaire. Cet artiste a le masque excellent pour bien saisir les personnages qu’il représente.

Les rôles de Molière, du grand Frédéric et de Voltaire .doivent lui assurer une réputation distinguée : les autres emplois ont été joués avec beaucoup d’ensemble par les citoyens Henry, Carpentier, Rosières, Hypolite, Lenoble, et les cit. Duchaume, Henry et Blosseville.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, IV. année (an vii. – 1799), tome sixième, p. 249-250 :

[Le Vaudeville puise dans le réservoir infini des grands hommes pour créer des pièces édifiantes. C’est le cas de celle-ci, autour du personnage de Voltaire, qu’une série de situations montrent comme on souhaite qu’il ait été, plus que comme il a vraiment été, simple (jouant aux échecs avec le Père Adam), protocolaire (recevant l’envoyé prussien), homme de théâtre (il profite de l’occasion pour réconcilier un père et son fils), allant à l’église pour faire le bien, se réjouissant de voir les serfs libres. La pièce est donc réputée représenter, avec « de jolis détails », « le caractère de Voltaire », que l’acteur qui joue son rôle « a parfaitement saisi ». Et on a bien ri de l’imitation comique de l’envoyé prussien. Il semble qu’avec ce genre de pièces, on ne risque guère d’échouer. Les auteurs ont cependant dû la raccourcir : l’absence d’action la rendait un peu ennuyeuse.]

Voltaire: vient d'être ajouté par les auteurs du Vaudeville, à la liste nombreuse des grands hommes qu'ils avoient célébrés. C’est lui que les citoyens Piis, Barré, Radet et Desfontaines ont mis sur la scène dans la comédie intitulée la Journée de Ferney. Cette pièce étoit en trois actes ; mais comme l’intrigue étoit entièrement accessoire, et que Voltaire ne paroissoit pas dans le premier acte, on a trouvé cette mesure trop longue et les actes trop vides ; aussi les auteurs l'ont-ils remise en deux actes. Voici l’emploi de la journée de Voltaire. Il joue aux échecs avec le Père Adam, qui n'est pas le premier homme du monde, il reçoit un envoyé du roi de Prusse, qui lui apporte la clef de grand chambellan : il fait faire une répétition de l'Enfant prodigue, qu’on doit jouer le soir même, et à laquelle il fait assister un père qu’il veut réconcilier avec son fils ; il se rend ensuite à l'église, pour assister au baptême d'une cloche dont il doit être parrain, et marie la nièce de sa gouvernante au jeune homme qu’il a réconcilié avec son père ; enfin, il reçoit une lettre qui lui annonce l'affranchissement des serfs du Jura, qu’il avoit vivement sollicité.

De jolis détails et la vérité avec laquelle le caractère de Voltaire est tracé, assurent à cet ouvrage un succès constant.

Le citoyen Verpré a parfaitement saisi le caractère de Voltaire et sa physionomie ; aussi l’a-t- on vivement applaudi.

Le citoyen Carpentier a été, on ne peut pas plus, comique dans le rôle de l’envoyé prussien. En général la pièce a été jouée avec beaucoup d'ensemble.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, tome VI (Ventôse an 7 de la République Française), p. 183-186 :

[Le compte rendu parle de « succès d’estime » (ce n’est pas un franc succès, donc), pour une pièce sans intrigue réelle, qui se limite à montrer les différents aspects de la personnalité de Voltaire : il n’y manque aucun des « principaux traits caractéristiques de Voltaire ». Il y a de quoi intéresser tout le monde dans ce portrait, même ceux qui ne connaissent pas Voltaire. La pièce a le défaut d’être bien longue, du fait de l’absence d’action. Même si elle n’a pas enthousiasmé, la pièce a des qualités, dialogue, couplets, gaieté vive et spirituelle, « parfaitement analogue au sujet ». Bonne prestation de Verpré en Voltaire. L’auteur n’a pas été demandé (d’autres l’ont été qui ne le méritaient pas autant que lui), mais il n’est pas difficile, d’après les couplets, de deviner son nom (ou leurs noms : le critique sait qu’ils sont plusieurs, et finit, après avoir cité plusieurs couplets, par les nommer.].

Une Journée de Ferney.

La pièce en 3 actes, représentée dernièrement pour la première fois sur ce théâtre , sous le titre d'une Journée de Ferney, y a obtenu un succès d'estime ; l’excessive simplicité de son intrigue (qui n'est qu'un foible accessoire), nous dispense de l'analyser ; il nous suffit de dire que les auteurs ont voulu réunir dans le même cadre les principaux traits caractéristiques de Voltaire, & qu'ils y ont parfaitement réussi. Aucune des saillies connues de ce grand homme n'a été omise dans cette pièce, & elle en rapporte un grand nombre que beaucoup de personnes ignoroient. Les auteurs ont si bien saisi la physionomie morale de leurs héros, que, dans le cas même où la contexture de leur ouvrage eût été défectueuse, ils auroient encore eu le mérite d'intéresser vivement ceux qui n'ont jamais vu le philosophe de Ferney, par des détails de sa vie privée, qui sont tous vrais, jusqu'à la scène même où Voltaire met de l’eau-rose dans son café.

On a trouvé des longueurs dans cette pièce, & cela devoit être ; les détails les plus soignés, les saillies les plus piquantes ne peuvent complètement suppléer au vide presque total d'action, surtout dans le long espace de trois actes ; mais il est juste aussi de dire que les auteurs ne pouvoient guère éviter ce défaut ; mettant sur la scène un homme comme Voltaire, il falloit achever son portrait & ne pas tomber dans le défaut plus grand encore de le placer dans un cadre trop resserré. En général, & quoique leur ouvrage n'ait pas obtenu un succès d’enthousiasme, les auteurs de la Journée de Ferney méritent beaucoup d'éloges. Leur dialogue est plein & bien coupé ; leurs couplets sont du meilleur ton, & il règne dans tous le cours de la pièce une gaieté vive & spirituelle, parfaitement analogue au sujet.

Le C. Verpré, chargé du rôle de Voltaire, a saisi avec beaucoup d'habileté le costume, le jeu de figure & le caractère vif & malin du grand homme : aussi cet acteur a 1 il été vivement applaudi.

On n'a pas demandé l'auteur (quoiqu'on ait fait souvent cet honneur à d'autres pièces bien inférieures à celle-ci & à des ouvrages de circonstance) ; mais le couplet suivant, qui termine le vaudeville, fera aisément deviner le nom des hommes d'esprit, à qui nous devons cette agréable production.

Tronchin rappelle à Voltaire le jour où il a marié la nièce du grand Corneille, & où il l'a servie à table.

Voltaire répond sur l'air de Catinat :

Mon respect, mon zèle,
Guidoient ce transport.
Ce rôle près d'elle
Me convenoit fort.
Pour un vieux soudrille,
C'est un vrai régal
De servir la fille
De son général.

Voici un couplet du vaudeville qui a été redemandé ; c'est le père Adam qui le chante :

J'ai vu Melpomène, Erato,
    Terpsycore, Uranie,
Calliope, Euterpe, Clio,
    Thalie et Polymnie,
      Traîner en lambeaux
      Leurs trop vieux manteaux
    Du Parnasse à Cythère ;
      Mais un habit neuf,
      A toutes les neuf
    Fut donné par Voltaire.

Madame Denis au public.

AIR : Voulez-vous savoir les on dit ?

Pour être dans un cercle admis
      Avec quelqu'indulgence,
Il y faut, par d'anciens amis,
       Etre annoncé d'avance ;
          Dufresny, Favart,
          Frédéric , Pannart ,
      Jean-Jacques, Adam, Molière,
          Rabelais , Piron ,
          Santeuil et Scarron ,
      Vous présentent Voltaire.

Voici le couplet d'annonce, qui a été vivement applaudi :

Air : d'Arlequin afficheur.

De Ferney , promettre un tableau !
L'engagement est téméraire,
Puisque dans ce cadre nouveau,
Chacun s'attend à voir Voltaire ;
Oui, si ce grand homme y paroît,
C'est de profil qu'on l'y retrace ;
Qui de nous jamais oseroit
      Le regarder en face?

La pièce est des cc Piis, Barré, Radet & Desfontaines, auteurs de J. J. Rousseau, ou la Vallée de Montmorency.

D’après la base César, la pièce a été jouée 37 fois au Théâtre du Vaudeville, du 21 février au 1er novembre 1799 (le 21 février correspond au 3 ventôse, et non au 1er).

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