L'Avocat
L'Avocat, comédie en trois actes, de Roger, 12 mars 1807.
Théâtre Français.
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Titre :
Avocat (l’)
Genre
comédie
Nombre d'actes :
3
Vers / prose
en vers
Musique :
non
Date de création :
12 mars 1806
Théâtre :
Théâtre Français
Auteur(s) des paroles :
Roger
Almanach des Muses 1807.
Sujet tiré de Goldoni. Un jeune avocat, plein de talent et d'honneur, se trouve engagé à plaider contre sa maîtresse : cette situation le désespere ; mais il ne balance point. Il plaide, gagne sa cause, et sa maîtresse se trouve ruinée : il lui offre alors sa fortune et sa main. Cependant son client reconnaît sa niece dans la jeune personne contre laquelle il plaidait ; il lui rend sa fortune, et l'avocat se trouve doublement récompensé de sa générosité.
De l'intérêt ; le style de la bonne comédie ; ouvrage très estimable.
Sur la page de titre de la brochure,Paris, chez Migneret, 1806 :
L'Avocat, comédie, en trois actes, en vers, Par F. Roger. Représentée pour la première fois sur le Théâtre Français, le 12 mars 1806.
Vir bonus dicendi peritus.
Cicéron.
Courrier des spectacles, n° 3326 du 13 mars 1806, p. 2-3 :
[Comme toutes les créations du Théâtre Français, l'Avocat a droit à un long compte rendu, margement consacré d'ailleurs à faire l'éloge de l'auteur, paré de bien des vertus et capable de mener de front tant de tâches, administrer, publier des éditions scolaires, écrire pour le théâtre. Sa pice nouvelle est un emprunt à Goldoni, mais le critique tient à laver Roger de tout soupçon de plagiat (une citation d'Horace joue parfaitement ce rôle, tout comme les illustres auteurs des siècles passés : il suffit de ne pas reprendre mot à mot son modèle pour ne pas être plagiaire). Le résultat de cette imitation est exemplaire : la pièce de Roger a toutes les qualités, énumérées en un paragraphe plein d'éloges qui s'étendent aussi aux interprètes. Le critique arrive au résumé de l'intrigue, fait avec précision et clarté. C'est encore une histoire de fille naturelle à qui son oncle refuse ses droits pour garder l'intégrité de son héritage. L'oncle fait appel à un avocat intègre, qui n'est autre que l'amant de sa nièce, tandis que celle-ci est défendue par un avocat peu scrupuleux. Bien sûr, l'oncle craint beaucoup pour sa cause quand il apprend qui est cet avocat auquel il a confié ses intérêts, mais son avocat gagne son procès, au grand désespoir de sa maîtresse qui se trouve spoliée. Elle use d'un dernier ressort pour obtenir justice : la lettre qu'elle exhibe, écrite par son père, qu'elle n'avait pas montrée pour ne pas compromettre son oncle, prouve ses droits, et son oncle la reconnaît pour sa nièce, et la marie à son amant. La fin de l'article porte un jugement positif sur la pièce, même si le premier acte n'est pas sans défaut (trop de plaisanteries faciles sur les travers de la justice), et sur l'interprétation, excellente. L'auteur a été vivement réclamé.]
Théâtre Français.
L’Avocat.
Cette pièce est l’ouvrage d’un homme de 1ettres dont la modestie et les qualités personnelles égalent le talent. Il est déjà connu par des productions qui sont restées au théâtre, et se font remarquer par une heureuse union de l'esprit et du goût On voit toujours avec autant d’estime que de plaisir, Caroline, ou le Tableau, le Valet de deux Maîtres, la Dupe de soi-même. M. Roger, attaché à des fonctions administratives où il a sçu s’acquérir une considération particulière, sait encore trouver des momens de loisir pour les Muses. Tantôt occupé de travaux classiques, il emploie ses veilles au profit de la jeunesse élevée dans nos lycées, en publiant des éditions où l'on distingue un goût sûr, un jugement solide et des connoissances étendues, tantôt il se délasse en suivant les sentiers rians tracés par Mohère et Regnard.
L’Avocat est un sujet qui appartient plutôt au domaine du drame qu’à celui de la comédie. C’est le développement d’un caractère généreux, d’une ame noble et dévouée, qui fait à l’honneur et à la vertu le sacrifice de ses intérêts et de ses affections même les plus tendres.
L’idée de ce caractère est due à Goldoni qui ayant été avocat lui-même, devoit être plus disposé qu’un autre à rendre un hommage éclattant à la noblesse de cette profession.
En profitant de l’ouvrage de Goldoni, M. Roger n’a fait qu’user d’un droit commun à tous les poëtes. On n’est point plagiaire quand on imite, qu’on ajoute ses propres idées à celles d’un autre, et qu’on est assez habile pour se les approprier. C’est un principe qu’Horace a reconnu :
Publica materies privati juris erit , si
Non verbum verbo curabis reddere fidu
Interpres.
C’est ainsi que Racine profitoit des richesses d’Euripide ; Corneille, de celles de Tite-Live, de Lucain et des poètes espagnols ; Voltaire, de Sophocle, et Molière, des canevas qu’on avoit tissus avant lui.
La comédie de l'Avocat restera au Théâtre Français ; elle est conduite avec beaucoup d'art, de jugement et de goût. Le plan en est simple, les parties bien ordonnées, et le style facile et élégant. Les caractères sont bien tracés et produisent d’autant plus d’effet, que l’auteur a sçu ménager des contrastes et des oppositions qui les font ressortir davantage. Celui de l’Avocat sur-tout, est d’un dessin noble et élevé ; c’est la nature dans ses plus belles proportions.
La pièce a d’ailleurs le mérite d’être jouée avec beaucoup de talent par les premiers acteurs du Théâtre Français.
Voici de quelle manière l’auteur à [sic] conçu son sujet :
Un marin nommé Duclos, homme d’un caractère franc et généreux, mais brusque et défiant, est en possession de la fortune de son frère mort à St.-Domingue, où le gouvernement l’avoit exilé pour des écrits attentatoires aux loix. Privé de l’exercice des droits de citoyen, ce frère s’étoit marié secrettement, et avoit laissé pour héritière une fille nommée Cécile. Duclos, qui ignoroit ce mariage, avoit recueilli sa succession, et en jouissoit paisiblement, lorsque Cécile se présente pour réclamer un état et sa fortune. Sa demande donne lieu à un procès important.
Duclos choisit pour son défenseur Armand, son meilleur et son plus fidèle ami, et l’Avocat le plus estime de Paris. Armand se charge de la cause sans savoir d’abord quelle est sa partie adverse, mais il reconnoit bientôt que c’est contre son amante qu’il doit plaider. Quelque pénible que soit celle position, il n’écoute que l'honneur, et sacrifie généreusement son amour à ses devoirs. Cécile a pour protecteur un oncle maternel nommé Roberto, procureur Normand, d’un esprit très-opposé à celui d’Armand. Celui-ci fait tous ses efforts pour engager sou confrère à des arrangemens ; il lui offre de l’argent ; il parle de corrompre les juges ; Armand rejette avec mépris ces indignes propositions ; mais Duclos ne tarde pas à savoir que Cécile est l’amante d’Armand ; il surprend même dans le cabinet de son avocat des vers adressés à cette jeune personne. Cette decouverte excite toute sa défiance, et produit une très-belle scène entre lui et son défenseur. Armand y déploie de nouveau toute l’élévation de son caractère. La cause se plaide ; Roberto parle le premier ; Duclos l’interrompt à chaque instant ; la cour le fait sortir. On regarde l’affaire comme perdue ; mais Armand se fait enteudre et triomphe. Cécile trahie en quelque sorte par l’homme qu’elle adore, tombe dans la plus profonde douleur. Duclos touché de ses larmes et de son mérite, veut lui faire accepter une dot ; mais elle répond noblement que c’est une famille qu’elle demande, et non pas de l’argent : et en même tems, pour montrer combien elle est digne d’en avoir une, elle tire de son sein une lettre de son père qui atteste ses droits, et qu’elle n’a pas produite parce que cette lettre contenoit des aveux qui pouvoient compromettre la sûreté de Duclos lui-même.
Le généreux marin ému de tant de vertus, reconnoit sa nièce, et l’unit à Armand.
Le premier acte de cette pièce laisse quelque chose à désirer. Les plaisanteries sur l’équité des juges et la bonne foi des avocats y reviennent trop souvent. Le rôle épisodique de Courville, rival d’Armand, refroidit l’intérêt et ne rattache pas assez à l’action principale. Le second acte est plein de chaleur et de mouvement ; le dénouement qui termine le troisième est heureux et touchant. Tous les rôles ont été joués avec un rare talent par Damas, St.-Fal, Larochelle, Michot ; Mlles, Devienne et Mars. Damas, chargé de celui d’Armand, y a déployé une chaleur et une sensibilité qui lui ont valu les plus vifs applaudissemens. L’auteur a été demandé avec beaucoup d'empressement.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 1806, tome II, p. 410-411 :
[Le compte rendu s’ouvre classiquement sur les « sources » de la pièce : Goldoni, et les Français ayant repris sa pièce. Cette « concurrence » n’a pas nui à l’auteur, qui a réussi dans son entreprise. Résumé de l'intrigue : une affaire de famille, un avocat qui plaide contre celle qu’il aime, pour ne pas plaider contre sa conscience, qui gagne le procès, mais tout s’arrange, et la pièce finit par le mariage attendu. Cette intrigue paraît trop sérieuse au critique, mais la pièce a d’autres qualités : style soigne, « rôle de l'avocat [...] plein de chaleur et d'élévation ».]
L'Avocat, comédie en trois actes et en vers.
Le fond est puisé dans Goldoni ; il avoit déjà été traité par MM. Jaure et Adnet, et joué au théâtre de la Porte Saint-Martin, sous le titre de J'ai perdu mon procès : mais M. Roger ne devoit pas craindre la concurrence, et le succès de son ouvrage l'a prouvé. Depuis long-temps aucune comédie n'avoit réussi aussi complètement.
Un marin brusque, mais bon, refuse de reconnoître pour sa nièce, la fille naturelle de son frère, qui réclame son nom et une partie de son héritage. Cet oncle se décide à plaider contre la jeune personne, et charge de sa cause un jeune avocat dont le talent et les mœurs sont également connus. L'avocat trouve la cause excellente et s'en charge avec plaisir ; mais avec quel chagrin il apprend que son adverse partie est une jeune personne qu'il aime depuis long-temps. L'oncle, très-défiant et dont l'inquiétude s'augmente encore lorsqu'il apprend que son avocat est l'amant de sa nièce, veut lui ôter sa cause. Mais, fidèle à son devoir, l'avocat plaide avec toute l'éloquence et la chaleur que lui inspire la justice de sa cause : il la gagne, et vient se jeter aux pieds de sa maîtresse, lui demander pardon d'une conduite dictée par la rigueur de son ministère ; il finit par lui offrir, en dédommagement, sa main et sa fortune. C'est alors que la niece infortunée se décide à montrer à son oncle un titre dont elle n'avoit pas voulu faire usage, de peur de dévoiler sa complicité dans un crime d'Etat. L'oncle admire sa générosité, la reconnoît pour sa nièce, lui rend son héritage et l'unit à l'estimable avocat.
Ce fond est un peu sérieux, quoique l'auteur y ait joint quelques détails comiques : le style est extrêmement soigné ; le rôle de l'avocat est plein de chaleur et d'élévation. La pièce a mérité son succès.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IV, avril 1806, p. 285-287 :
[La pièce, inspirée d’une comédie de Goldoni, est présentée comme une comédie agréable, au style soigné, ayant beaucoup d’intérêt. Le sujet avait déjà été traité sur un théâtre subalterne, mais la pièce de Roger est très supérieure. L’intrigue roule sur la question de l’héritage d’une fille naturelle, que son oncle refuse de reconnaître pour ne pas partager la succession. L’avocat choisi par lui est bien sûr l’amant de la jeune fille, ce qui ne l’empêche pas de tout faire pour faire gagner son client. Mais la jeune fille a une arme secrète, un document qu’elle n’a pas révélé pour ne pas nuire à son oncle : tout s’arrange alors, et les jeunes gens peuvent se marier. Ce document caché n’est pas un moyen très convaincant, mais le critique l’accepte parce qu’il fait partie de l’avant-scène, ce qui justifie l’indulgence dont il fait preuve, d’autant que l’auteur, expérimenté, a su faire passer cette invraisemblance. Vers heureux, sentiments élevés, caractère plein de chaleur de l’avocat. Il y a longtemps qu’une comédie n'avait pas réussi à ce point.]
THÉATRE FRANÇAIS.
L’Avocat, en trois actes, en vers.
On n'avait donné depuis long-temps à ce théâtre aucune comédie d'un ton plus agréable, d'un style plus soigné et d'un effet plus attachant.
L'auteur a puisé son sujet dans une comédie de Goldoni, intitulée : l’Avocat Vénitien. Un théâtre subalterne l'avait esquissé sous le titre de J'ai perdu mon Procès : mais M. Roger, déjà connu par plusieurs jolis ouvrages aux théâtres français, n'avait rien à craindre de la concurrence, et si son ouvrage n'a pas l'avantage de la primauté, c'est un cadet qui, par son mérite personnel, s'est bientôt mis au-dessus de ses aînés.
Un marin sensible, mais brusque et défiant, refuse de reconnaître, pour sa nièce, la fille naturelle de son frère, qui réclame son nom et la portion de l'héritage de son père. Il refuse d'abord, parce qu'elle n'a point de titre légal qui prouve ses droits et sa naissance, ensuite qu'il dépouillerait, en admettant cette héritière. Cette jeune et infortunée victime est d'autant plus à plaindre que son père est mort expatrié, et sous le coup d'un jugement comme accusé d'un crime d'état.
L'oncle, forcé de plaider avec sa nièce, charge de sa cause un jeune avocat, aussi célèbre par son talent que par ses mœurs, sans lui dire quelle est la partie adverse contre laquelle il doit plaider. Cet avocat, après mûr examen, trouve la cause excellente et lui prête son éloquence. Quelle surprise pour lui, lorsqu'après s'être engagé formellement, il découvre que sa partie adverse est précisément la jeune personne pour laquelle depuis longtemps il éprouve un sentiment d'amour très-prononcé ! Le combat de l'amour et du devoir prête au développement de son caractére vertueux et sensible. Soupçonné par la défiance de l'oncle, qui dans son mémoire même a surpris une pièce de vers en l'honneur de sa nièce, il se défend et se conduit avec l'énergie d'un homme qui ne mérite aucun reproche ; enfin il gagne la cause et vient avec la confiance d'un homme vertueux se mettre aux genoux de la nièce infortunée, lui demander pardon de la rigueur de son ministère, et lui offrir pour dédommagement de la perte absolue de ses espérances, sa fortune et sa main. Mais la nièce, qui s'est laissée condamner si tranquillement, montre enfin à son oncle et à son défenseur un titre qu'elle avait soigneusement caché, parce qu'elle ne pouvait en faire usage, sans dévoiler la complicité de son oncle dans le crime d'état qui a fait punir son père. L'oncle, touché de tant de générosité, consent à la reconnaître et à lui rendre sa portion d'héritage. Elle épouse l'avocat.
L'invraisemblance légère qui fait garder à la nièce un secret si important vis-à-vis de son oncle et de l'avocat, est reléguée avec art dans l'avant-scène où, comme on sait très-bien, on les pardonne plus facilement : dans le cours de l'ouvrage, l'auteur l'a sauvée avec adresse par le caractère intraitable du marin, en homme qui connaît la scène et qui sait méditer un sujet : cette seule faute dissimulée, il en résulte des scènes tout à fait intéressantes et des effets dramatiques. Tout cela est ensuite revêtu d'un style qui ferait même pardonner davantage à l'auteur. Une foule de vers heureux, beaucoup d'élévation dans les sentimens et de chaleur dans le rôle de l'avocat, ont déterminé le succès le plus complet qu'on ait obtenu depuis long-temps en comédie.
D’après la base La Grange de la Comédie Française, l’Avocat, comédie en trois actes et en vers de François Roger; d’après Goldoni, a été créé le 12 mars 1806 et a été joué 94 fois jusqu’en 1834.
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