Cadichon, ou les Bohémiennes, comédie en un acte mêlée de vaudevilles et d’airs nouveaux, de Pujoulx, musique de Bruni, 12 mars 1792.
Théâtre de la rue Feydeau.
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Titre :
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Cadichon et les Bohémiennes
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Genre
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comédie mêlée de vaudevilles et d’airs nouveaux
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles et airs nouveaux
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Date de création :
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12 mars 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la rue Feydeau
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Auteur(s) des paroles :
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M. Pujoulx
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Composietru(s) :
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Antonio Bartolomeo Bruni
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, de l’Imprimerie de Cailleau, 1795 (vieux style, l’an troisième de l’Ere Républicaine :
Cadichon, ou les Bohémiennes, comédie en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles et d’airs nouveaux ; Par J. B. Pujoulx. Représentée, pour la première fois, à paris, sur le théâtre de la rue Feydeau, le 12 Mars 1792.
Le texte de la pièce est précédé d’un court texte intitulé « quelques observations :
QUELQUES OBSERVATIONS.
La Pièce que l'on va lire est un de mes premiers essais dramatiques : elle fut reçue, il y a treize ans, à un des théâtres de Paris, d'où je la retirai avant la représentation. Depuis cette époque, occupé d'ouvrage d'un autre genre, je n’aurois jamais songé à retoucher cette bagatelle, si le talent que le C. Lesage a montré dans deux rôles moins considérables, ne m'avoit fait juger qu'il pourroit soutenir un caractère prononcé, dans lequel un melange de naturel, de niaiserie & de sensibilité acheveroit de mettre en jeu tous ses moyens. Le public a vu que je ne m'étois point trompé en donnant à cet acteur un rôle long & difficile, qui ne doit point être classé dans ce qu'on appelle généralement les Niais.
La bonhommie, la bêtise même, n'exclue [sic] pas la sensibilité; & j'ai pensé qu'un villageois crédule, jaloux & un peu bête, placé dans une situation assez forte, pourroit faire rire & peut-être intéresser ; je dois donc prévenir les acteurs qui desirent jouer cette Pièce dans les autres villes du royaume, qu'ils ne rempliront l'intention du rôle qu'autant qu'ils sacrifieront la charge, trop ordinaire à l'emploi des niais, à la verité, au naturel, sans lesquels n'y a ni acteurs, ni auteurs dramatiques.
Lorsque je conçus cette bagatelle, elle étoit en comédie ; en la destinant à un cadre plus grand, j'ai développé davantage le caractère de Cadichon , & l'ai semée de couplets qui jette de la variété dans le dialogue, en liant des chœurs à l’action. Un Compositeur distingué a bien voulu faire quelques airs piquans à la place de ceux qui étoient trop connus, & je ne doute point que la réunion de ces moyens n'ait beaucoup contribué au succès suivi que cette Pièce obtient.*
* Au moment où on l’imprime, elle est à la soixante-dixième représentation.
Mercure Français, n° 15 du 14 avril 1792, p. 53 et 55-56 :
[Le critique met à son jour ses comptes rendus, et après une courte introduction où il affirme la supériorité de l’opéra français sur l’opéra italien, puis le compte rendu des Deux Suisses, il arrive à Cadichon, ou les Bohémiennes, dont il résume l’intrigue (une pièce faussement merveilleuse), avant de dire que l’essentiel ici n’est pas dans l’intrigue, mais dans les détails, qui sont « infiniment agréables », pleins de sentiment et de gaieté, avec des couplets « tournés avec esprit, & d’un excellent ton » : rien à leur reprocher. Et l’acteur principal a surpris à rendre les nuances du rôle de Cadichon, lui qu’on connaissait seulement comme acteur comique. Rien sur la musique.]
Le Théâtre de la rue Feydeau vient de donner deux Nouveautés peu importantes, mais agréables, & qui ont fait beaucoup de plaisir ; ce sont deux Opéras Français, genre qui ne devrait être qu’accessoire à ce Théâtre, & qui en devient le soutien principal. Il faut avouer que c’est avec quelque raison que l’Opéra Italien a cessé d’y briller. Le peu de soin qu’on met dans le choix des Nouveautés, l’abandon affect qu’on y remarque des Ouvrages des grands Maîtres, justifient pleinement la négligence du Public. Mais enfin parlons des Opéras Français, puisque ce sont les seuls qui y réussissent.
[La première nouveau présentée est les Deux Suisses, ou l’Amour filial.]
L’autre Opéra est intitulé Cadichon, ou les Bohémiennes. Cadichon est une espece de niais, ou plutôt un jeune paysan simple & crédule. Il est fort amoureux de Nicette, qui l’aime aussi malgré son peu d’esprit, parce qu’il a un excellent cœur ; mais il a le défaut d’être jaloux. Inquiet des sentiments de sa Maîtresse, il désire d’être laid pour un moment, afin de voir si cette belle tiendrait à cette épreuve. Justement des Bohémiennes arrivent dans le village. Il les prie de changer sa figure seulement pour une heure, & leur donne un rendez-vous où elles pourront le rétablir dans son état naturel. Ces pauvres femmes, pour se tirer d’affaire, mettent Nicette dans la confidence. Bientôt tout le village le sait ; on prend le parti de s’en amuser, & de le corriger. En effet, lorsqu’il croit que le charme a opéré, tout le monde se moque de lui, paraît effrayé de son horrible fiure, & Nicette elle-même a l’air de faire un autre choix. Cadichon se repent de son épreuve. Il va rencontrer les Bohémiennes, mais elles ne se sont pas arrêtées au rendez-vous. Il est au désespoir. Quand l'épreuve a duré asse, on lui fait voir qu’il a été dupe, & que ses traits n’ont pas plus changé que le coeur de celle qu’il aime, & à laquelle il s’unit.
Ce n’est pas par un extrait qu’on peut faire connaître un sujet aussi léger ; ce sont les détails sur-tout qui le font valoir. Ceux de cette Piece sont infiniment agréables. L’Auteur a su y mélanger avec beaucoup d’adresse le sentiment & la gaieté. Ses couplets sont tournés avec esprit, & d’un excellent ton ; ce qui n’est pas commun aujourd’hui dans les Pieces en Vaudevilles. M. Pujoulx en est l’Auteur. Il est avantageusement connu à ce Théâtre, & a obtenu plusieurs succès mérités sur celui qu’on nomme Italien. M. Lesage rend le rôle de Cadichon d’une maniere aussi naturelle que piquante, & avec une sensibilité qu’on ne pouvait guère attendre d’un aActeur aussi comique.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 5 (mai 1792), p. 317-319 :
On a donné, le lundi 12 mars, la premiere représentation de Cadichon, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, par M. Pujoulx.
II y a de très-jolis couplets dans cette piece ; mais le fonds n'a pas semblé répondre à l'idée qu'on se formoit du principal personnage, Cadichon, qui paroissoit annoncer un caractere neuf & singulier. Quoi qu'il en soit, cet ouvrage a eu du succès. Cadichon, fils du pere Lavigne, est sur le point d'épouser Nicette, fille de la mere Claudine : on est à faire la moisson. Louis, jeune garçon du village voisin, est venu aider le pere Lavigne : Louis va épouser Colette, le lendemain : il montre à Nicette son contrat de mariage, & Cadichon, témoin de leur tête-à-tête, sans pouvoir entendre ce qu'ils disent, en prend de l'ombrage : il se cache sur une meule, & glisse : il monte sur une branche d'arbre, la branche casse : Nicette, qui l'a découvert, veut le punir de sa jalousie, en feignant d'aimer Louis : Cadichon, furieux, cherche l'occasion de se venger d'elle, lorsque des Bohemiennes arrivent dans le village : elles disent à chaque paysan sa bonne aventure. Cadichon, qui veut éprouver si Nicette l'aime pour lui, prie les Bohémiennes de le rendre laid : celles-ci, pour gagner son argent, lui bandent les yeux, font mille singeries autour de lui, & Cadichon, qui se croit enlaidi, les prie de l'attendre vers le soir, dans le bois voisin, pour lui rendre sa premiere figure : les Bohémiennes lui ont défendu de se regarder dans l'eau ni dans un miroir, sous peine de rester laid toute sa vie, de sorte que Cadichon croit de bonne-foi que sa physionomie est tout-à-sait renversée. Nicette, le pere Lavigne, Claudine & tous les paysans qui sont dans le secret, viennent se moquer de lui. Cadichon va pour prier les Bohémiennes de faire cesser le sort qu'elles ont jeté sur lui : il ne les trouve plus, se livre au dernier désespoir; mais bientôt on lui fait voir clairement qu'il a été joué , & il épouse Nicette.
Quelques situations de cette petite piece offrent des longueurs ; mais l'idée n'en est point commume ; il y a de la gaieté & beaucoup d'esprit dans les couplets. M. Lesage joue d'une maniere très-comique le rôle de Cadichon, & montre un véritable talent dans les momens de sensibilité qui sembloient, jusqu'à ce moment, étrangers à son genre. M. Julliet est très-plaisant dans le rôle du pere Lavigne, & les autres rôles sont très-bien joués par Mmes. Verteuil & Lesage.
D’après la base César, le texte de Jean-Baptiste Pujoulx, la musique du signore Antonio-Bartolomeo Bruni. La pièce connaît le succès tout au long de l'année 1792 : elle est représentée 32 fois. succès qui se poursuit en 1793 : 18 représentations. On la joue encore 8 fois en 1794 et 2 fois en 1795.
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