Le Départ pour la Russie, vaudeville en un acte, d'Étienne et Gaugiran-Nanteuil. 23 frimaire an 11 [14 décembre 1802].
Théâtre du Vaudeville
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Titre :
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Départ pour la Russie (le)
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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23 frimaire an 11 [14 décembre 1802]
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Étienne et Gaugiran-Nanteuil
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Almanach des Muses 1804.
Courrier des spectacles, n° 2110 du 24 frimaire an 11 [15 décembre 1802], p. 2 :
[Après un débat assez vain sur le sens du couplet d'annonce, qu'on a fait répéter pour lever une ambiguïté, le critique entreprend de démolir la pièce : il lui manque ce qui fait une bonne pièce, « intrigue agréable », « détails amusans », « couplets spirituels ». Et les emprunts à toute une série de pièces ont fait que les auteurs n'ont pas été demandés (ce qui manque l'échec de la pièce). L'intrigue repose une fois de plus sur une usurpation d'identité : deux comédiens qui se font passer pour les neveux et nièces du baron qui les reçoit. Bien sûr le vrai neveu et sa femme arrivent, et il n'est pas difficile de faire apparaître la tromperie, en déguisant un valet en exempt. Le sujet du départ pour la Russie est à la mode, et la pièce n'est pas à la hauteur de l'attente, en matière de gaîté et d'intérêt. S'il y a « quelques jolis couplets », celui sur l'empereur de Russie n'est pas assez soigné, au point de susciter des murmures. Par contre celui concernant Molé a été répété. Les auteurs de la pièce, que le critique a l'air de connaître, « ont quelquefois fait beaucoup mieux ».]
Théâtre du Vaudeville.
Départ pour la Russie.
Le couplet d’annonce avoit paru joli aux uns, aux autres ambigu et peu intelligible ; et de ce conflit d’opinions, est résulté pour lui l’honneur du bis. La toile s’est donc relevée, et Arlequin a répété ;
Demanderai-je un passe-port ?
II nous seroit bien nécessaire :
Mais nous ne sommes pas d’accord
Sur les demandes à vous faire.
Près de vous faites-nous rester,
C’est là notre plus douce envie.
Pourtant n’allez pas arrêter
Notre Départ pour la Russie.
Qu’entend-on par arrêter, disoient ceux-ci ? signifie-t-il décider ? Faut-il dire empêcher, disoient ceux-là ? Mais le mot pourtant donnoit gain de cause aux derniers. En voilà assez et même trop sur un couplet d’annonce ; venons à la pièce. Les auteurs demandoient au public des passe-ports, mais c’est à eux à les faire, c’est au public seulement à les ratifier. Les meilleurs et les plus sûrs au Vaudeville se composent d’une intrigue agréable, de détails amusans, de couplets spirituels, et les auteurs avoient négligé en grande partie ces formalités essentielles. On étoit sur-tout piqué de voir qu’ils avoient quelques morceaux de contrebande ; et on desiroit, pour ne pas arrêter leur départ pour la Russie, qu’ils rendissent à César ce qui appartient à César, et ce qu’ils avoient emprunté aux Deux Grenadiers des Variétés, à Dancourt du Vaudeville, à Garrick-Double des Troubadours. Les débats ont été violens ; enfin, cependant le passe-port a été expédié. Mais il lui manque le grand sceau, et c’est l’appel des auteurs. Ils n’ont pas été demandés.
Un baron de Scuback demeure sur la frontière de France et d’Allemagne. Un jeune homme et sa femme, tous deux comédiens, partis de Paris incognitò, et possesseurs par l’effet d’une méprise, de la malle et du passe-port de Floricourt, neveu du baron, qui vient aussi de Paris, se font recevoir au château en qualité de neveu et nièce. II n'y a point d’auberge dans le voisinage, d’ailleurs on peut les poursuivre. Scuback et la baronne reçoivent les prétendus parens, lorsque la gendarmerie amène le vrai Floricourt avec son épouse. C’est un fat et une petite maîtresse à la mode ; ils .soutiennent leurs droits, le comédien défend les siens, le baron fait habiller son valet en exempt, qui demande Floricourt et prétend l’arrêter pour dettes Le comédien est obligé d’avouer sa ruse , on la lui pardonne, et le neveu rentre en grâce auprès de son oncle.
Nous avons déjà eu tant de pièces de circonstance, qu’il faut qu’un auteur soit aujourd'hui très-difficile sur le choix. Le départ pour la Russie est une espèce de manie du moment. Le sujet étoit gai à traiter ; il est ici froid et sans intérêt. Il y a cependant quelques jolis couplets, au nombre desquels nous ne mettrons pas celui où l’on chante sur un ton fade les louanges de l’Empereur de Russie. L’éloge de ce prince devoit être plus soigné, aussi s’est-il élevé à cet instant un murmure d’improbation. On a fait répéter celui sur Molé :
Si des acteurs vont en Russie,
Ils nons reviendront tôt-ou-tard ;
Mais l’inconsolable Thalie
De son fils pleure le départ.
Hélas ! sa douleur ni sa peine
Ne le rendront à notre amour !
Et pour le malheur de la scène,
C’est un voyage sans retour.
Les auteurs présumés de ce vaudeville ont quelquefois fait beaucoup mieux.
F. J. B. P. G ***.
Mercure de France, tome dixième, n° LXXVII du 27 frimaire an 11, p.607-608 :
[Au lieu de ce que le titre lui faisait espérer (l'histoire d'acteurs français se faisant engager en Russie, occasion de caricaturer bien des choses...), le critique doit rendre compte d’un vaudeville qui ne manque pas d’esprit (les couplets en sont mordants, et les caricatures de qualité), mais pas de dénouement satisfaisant, si bien que les sifflets ont empêché d’entendre la fin. Les couplets ne tenant pas à l’intrigue ont été applaudis, mais un couplet à la gloire de l’empereur de Russie a été jugé inconvenant et a été sifflé : le public a dû sentir « qu'il n'appartient pas à un auteur et à un acteur du Vaudeville, de juger les souverains ».]
Théâtre Du Vaudeville.
Le Départ pour la Russie, tel est le titre de la dernière pièce qui a été jouée, applaudie et sifflée sur ce théâtre. En général, les auteurs du Vaudeville sont comme Petit-Jean, dans les Plaideurs : ils commencent vivement, et s'arrêtent tout court. Sur le titre, on croyait voir l'intérieur de la maison d'un agent dramatique russe, dans laquelle viendraient en foule se présenter des chanteurs, danseurs, acteurs, artistes, qui, mécontens de Paris où ils sont trop flattés, où ils ne gagnent que vingt ou trente mille francs par an, s'offriraient à haut prix pour aller enchanter Saint-Pétersbourg et Moscow. Il y avait là de quoi faire passer en revue beaucoup,de ridicules ; mais les héros de la scène donnent des leçons sur le théâtre, et n'en reçoivent pas. Voici donc l'intrigue que les auteurs ont cousue à leur intention première.
Monsieur et madame la baronne de Stubac habitent un château, frontière de la France et de l'Allemagne ; ils parlent d'un neveu qui les a quittés depuis sou enfance, pour courir à Paris prendre des ridicules, faire des dettes, se marier enfin, sans en devenir plus sage. Un changement de valise, opéré dans une auberge voisine du château, donne à l'acteur et à sa camarade, l'idée de se faire passer pour les neveux ; ils viennent demander leur grâce et à souper, ce qu'ils obtiennent. Peu après, les vrais parens du baron de Stubac arrivent, et ils sont traités comme des imposteurs. Un exempt courait après les comédiens fuyant en Russie ; un exempt courait après le neveu du baron.... Des caricatures et des couplets mordans avaient soutenu la pièce jusqu'au moment où il n'était plus possible de retarder le dénouement ; alors les sifflets n'ont plus permis de rien entendre. Les auteurs n'ont pas été demandés.
Ce vaudeville reparaîtra ; pour qu'il amuse comme tant d'autres, il suffit de lui trouver un dénouement passable ; et la manière dont la pièce est conçue permet d'en adopter mille sans rien changer à ce qui a réussi, puisqu'on n'applaudissait que les couplets qui ne tiennent pas à l'intrigue. Le premier qui a été sifflé contenait un éloge mérité de l'empereur de Russie ; cet éloge était direct ; et le public, qui a un goût parfait pour les convenances quand il juge de premier mouvement, a senti qu'il n'appartient pas à un auteur et à un acteur du Vaudeville, de juger les souverains. On objectera que plusieurs fois l'éloge des rois et du sauveur de la France a retenti sur nos théâtres ; mais alors c'était un sentiment dicté par un événement public et heureux ; et lorsqu'il est question d'un souverain étranger, ce ne peut être qu'un jugement. Cette différence est assez frappante pour qu'il soit inutile de l'analyser.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 8e année, 1802, tome IV, p. 538 :
Le Départ pour la Russie.
Bluette de circonstance qui ne doit pas être jugée sévèrement. L'Intrigue est imitée de celle des deux Grenadiers, de Dancourt, de Garrick-Double, etc ; mais des couplets piquans et surtout le jeu de Julien et de M.lle Delille ont soutenu cette pièce des CC. Etienne et Nanteuil.
L'idée de cette pièce leur a été suggérée par le départ de M.lle Philis et d’Andrieux ; ils y ont joint une critique de la manie qui règne depuis quelque temps en France de partir pour la Russie.
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