Les Deux aveugles de Tolède

Les Deux aveugles de Tolède, opéra en un acte, de Marsollier, musique de Méhul ; 28 janvier 1806.

Théâtre de l'Opéra-comique.

Titre :

Deux aveugles de Tolède (les)

Genre

opéra (comique)

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

28 janvier 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Marsollier

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1807.

Piece tirée des Mille et une Nuits, et déjà représentée sur ce théâtre. L'auteur y a fait des changemens heureux, et la musique charmante de M. Méhul lui a valu un franc succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1806 :

Les deux Aveugles de Tolède, opéra-comique en un acte, et en prose ; Paroles de M. Marsollier, Musique de M. Méhul ; Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique, par les Comédiens ordinaires de l'Empereur, le Mardi 28 Janvier 1806.

L'Opinion du parterre, volume 3 (février 1806), p. 388 :

28 Janvier. Première représentation des Aveugles de Tolède, opéra en un acte, de Marsollier et Méhul. Mauvais ouvrage, belle musique.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome II, févier 1806, p. 280-284 :

[L’histoire de cette pièce est compliquée, et le critique nous raconte les aventures d’un musicien qui ayant besoin d’un livret pour mettre en valeur le talent d’un chanteur l’a demandé à un librettiste qui avait en portefeuille le livret d’un opéra comique qui avait échoué en 1782 et l’a obtenu : les Aveugles de Bagdad sont partis pour Tolède en quête d’une nouvelle musique (même si l’échec de 1782 paraît découler surtout de la qualité du livret). La valeur du travail de Marsollier est jugée médiocre : « la bizarrerie du sujet, la nullité de l'intrigue et la langueur de quelques scènes », voilà un lourd passif. C’est de la musique de Méhul qu’il va être surtout question : qualité de l’ouverture, typiquement espagnole, début « plein de grâce et de fraîcheur ». Le résumé de l’intrigue (dont on sait qu’elle est nulle) est mêlé à des jugements positifs sur les divers morceaux. Cette musique est variée, et elle n’est pas trop savante, trop harmoniste (vive la mélodie !). Elle est très bien servie par le fameux Martin. La pièce nouvelle doit ramener le public à l’Opéra-Comique.]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

Les Aveugles de Tolède.

La mauvaise humeur qu'ont montrée contre les Aveugles de Tolède un petit nombre de spectateurs d'un goût trop sévère, ne peut désobliger M. Marsollier. C'est un hommage rendu au talent véritable, éprouvé, reconnu, que l'étonnement que l'on témoigne, quand ce talent s'est permis quelques écarts que le goût et la raison désavouent : mais si je juge bien les intentions de M. Marsollier et le but qu'il s'est proposé, je critiquerai très-peu ses Aveugles de Tolède ; je ne le louerai point d'avoir fait cette pièce bouffone ; mais au nom de l'un des plus grands musiciens vivans, au nom de tous ceux qui désiraient ardemment quelque production nouvelle de ce compositeur, je le remercierai d'avoir bien voulu la faire. C'est une sorte de sacrifice de soi-même que tous les auteurs ne pourraient se permettre : il faut avoir beaucoup de fonds devant soi, pour en risquer ainsi une partie uniquement à l'avantage de son associé.

Mais, dira-t-on, vous faites ici un étrange procès à la musique ; vous servez merveilleusement ceux qui l'accusent sans cesse d'avilir la littérature : ainsi donc pour faire de bonne musique, vous avouez qu'il faut des pièces médiocres, bisarres, où le goût et les convenances scéniques soient également violés. Je n'avoue point cela, trop de bons exemples du contraire s'élèveraient contre moi : mais je puis répondre en distinguant ; la musique, ayant comme le langage, des styles très-différens les uns des autres, le compositeur doit désirer ne pas écrire toujours de la même manière ; quand son génie a de la variété , il ne doit pas l'asservir à une monotonie fatiguante, et, à cet effet, des ouvrages réguliers et irréguliers lui sont tour à tour nécessaires : ainsi voulant écrire aussi purement que Sacchini, M. Mehul a choisi Stratonice ; aussi vigoureusement que Gluck, il s'est emparé d'Euphrosine : mais lorsqu'il a voulu être Cimarosa , il lui a fallu l’Irato ; et aujourd'hui désirant lui-même faire briller un chanteur, jaloux de réunir dans un seul cadre une foule de motifs heureux, et pouvant se montrer dans un seul acte doué d'une fécondité d'imagination et d'une variété d'idées prodigieuse, il a demandé à M. Marsollier quelque sujet qui lui donnât une assez libre carrière, et M. Marsollier a eu la complaisance de lui faire présent des Aveugles de Tolède. Cet auteur avait déjà fait les Deux Aveugles de Bagdad. Ce sont peut-être les mêmes, transportés à Tolède pour y entendre de meilleure musique ; en ce cas, ils ont fait un très-heureux voyage. Il paraît donc très-juste de pardonner à M. Marsollier la bizarrerie du sujet, la nullité de l'intrigue et la langueur de quelques scènes. Sa pièce est une bouffonnerie qui réussit à faire rire; après cela tout est dit, et il faut écouter M. Mehul.

Dès l'ouverture, il nous conduit à Tolède ; voilà bien le rythme habituel des Espagnols, voilà leur accompagnement ordinaire, l'imitation de leur instrument favori, du nocturne interprète de leurs amours ; il y a toujours chez eux quelque chose du fandango, comme chez les Allemands quelque chose de la walze, comme chez les Français quelque chose de la contredanse, ou, si on l'aime mieux, du Pont-Neuf.

Après ce morceau , nous trouvons dans un duo plein de grâce et de fraîcheur quelques notes et beaucoup d'expression : un rondo très piquant vient l'interrompre, et ce rondo lui même donne lieu à sa reprise à un morceau d'ensemble charmant. Suit une grande scène où le poëte a offert au musicien le cadre le plus heureux.

L'amant Pédro est déguisé en valet chez le père de sa maîtresse, compositeur espagnol et aveugle : Pédro, musicien habile, parcourt les partitions de son maître, et essayant les motifs principaux de plusieurs airs, en prenant en quelque sorte la fleur, il chante ou fredonne alternativement le début d'un grand air d'opéra, une romance, un air villageois, un air bouffon italien : un récitatif obligé lie très-bien les divers morceaux : l'idée en avait déjà été exécutée avec beaucoup de succès dans le Calife de Bagdad ; elle est ici reproduite sans être imitée, et la scène entière est du plus grand effet. Une romance terminée en quatuor, un très-bon duo d’aveugles, et sur-tout la finale où l'amant prend alternativement sa voix et celle d'un alcade dont il joue le rôle, réunissent ensuite tous les suffrages. Ce dernier quintetto sur-tout est coupé de la manière la plus habile ; il est impossible de faire un morceau qui soit mieux à la scène.

On voit que le caractère particulier de cette musique est la variété : il y a un peu de tout ; chaque partie est très-heureusement choisie, et le tout est digne du talent de son auteur. On lui sait gré des efforts qu'il fait dans ce genre, pour n'être pas trop savant, trop harmoniste ; il simplifie, autant qu'il est en lui, la masse de son orchestre, se borne le plus souvent à l'accompagnement accoutumé des Italiens, et ne se dédommage quelquefois qu'avec ses violoncelles. On sait quel parti il a toujours su tirer de ce bel instrument.

Si les Aveugles de Tolède ont été faits pour M. Mehul, M. Mehul a fait le rôle de Pédro pour Martin ; ainsi, personne n'a de reproches à se faire. Ce rôle de Pedro est un don précieux pour Martin ; ce sera une tâche bien difficile pour tout autre ; il l'a chanté avec une très-grande supériorité, une justesse, une aisance, une facilité, une sûreté, qu'il n'appartient qu'à lui d'apporter à une première représentation. Ce chanteur fait aimer ce qu'il y a de moins aimable, les difficultés, parce qu'il semble se jouer avec elles, et qu'il parvient quelquefois à leur donner ce qu'elles peuvent bien rarement avoir, une intention, un motif, de l'expression.

L'opéra-comique était dans un état un peu languissant. La musique de ses Aveugles doit y ramener tous ceux qui ont l'oreille sensible aux charmes d'une musique variée, spirituelle, piquante, exécutée avec beaucoup d'ensemble et de talent.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome II, p. 180 :

[Critique rapide et sévère (pour l’auteur des paroles) : le compositeur, le grand Méhul, est félicité, mais « le poëme est malheureusement fort médiocre », ce qui entraîne une remarque intéressante : plus question de se contenter d’une bonne musique et de tolérer un livret médiocre. Les temps changent !]

THÉÂTRE DE 1’OPÉRA-COMIQUE.

Les deux Aveugles de Tolède.

La musique de Méhul a procuré à cet opéra quelque succès. Rien de plus savant, de plus harmonieux. Le poëme est malheureusement fort médiocre, et maintenant on ne se contente pas de bonne musique ; on veut que le talent de l'auteur réponde à celui du compositeur.

Nicole Wild et David Charlton, dans leur Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, dans l’article consacré aux Deux Aveugles de Bagdad, comédie mêlée d’ariettes de Marsollier, musique de Fournier, et dont la création le 9 septembre 1782 a été interrompue au milieu du second acte, présente les Deux aveugles de Tolède comme un remaniement du livret des Deux aveugles de Bagdad avec une musique nouvelle.

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