La Femme romanesque, comédie en un acte et en prose, d'A. J. Leroy [de Bacre], 14 germinal an 9 [4 avril 1801].
Théâtre de l'Ambigu-comique.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Roullet, an 9 (1801) :
La Femme romanesque, comédie en un acte et en prose, Par A. J. Leroy. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 15 Germinal, an IX.
La liste des personnages – ils sont quatre – est précédée d'une dédicace :
A MELLINET, AÎNÉ (*).
J'ÉPROUVE, mon ami, en te dédiant mon Ouvrage, un sentiment aussi doux, que celui que tu ressentis en applaudissant à mon succès.
Heureux imitateur de Sterne ! si ta modestie m'interdit la louange, elle n'est qu'un motif de plus de me glorifier de ton amitié.
A. J. LEROY.
(*) Auteur des fragmens à la manière de Sterne, du château de Serdar, etc.
Courrier des spectacles n° 1497 du 15 germinal an 9 [5 avril 1801], p. 2-3 :
[C'est d'abord le théâtre que le critique félicite, pour son aptitude de monter des « ouvrages du bon genre », comme « plus d'une jolie comédie », parmi « les grandes pièces à spectacle » qui son son lot ordinaire : on retrouve là le culte de la hiérarchie, des genres comme des théâtres. La pièce du jour est justement une de ces bonnes comédies, du fameux « bon genre », et elle a connu le succès. L'intrigue résumée ensuite contient les arguments classiques mariage secret, lecture par la jeune femme de romans qui l'impressionnent, comme elle est impressionnée par le spectacle d'un drame. Elle finit par voir son mari comme un vil séducteur, et elle lui montre une lettre à moitié déchirée, qui doit prouver qu'il est un ingrat. Il fait alors semblant de lui donner raison et annonce son départ. Restée seule, la jeune femme regrette ce qu'elle a provoqué, et quand elle reçoit la moitié manquante de la lettre qu'elle croyait compromettante, elle n'a plus qu'à se réconcilier avec son époux. Cette réconciliation est redoublée (dans la grande tradition de la comédie) par celle de deux serviteurs du couple, « dont les rôles répandent infiniment de gaité dans cet ouvrage ». Le critique approuve la valeur morale de la pièce, remède « contre certains romans dont la lecture est aussi préjudiciable au cœur qu’à l’esprit » (Madame Bovary avant la lettre). La pièce pourrait être débarrassée de « quelques incorrections et quelques trivialités dans la bouche du valet » (dans la bouche d'un valet, des trivialités sont-elles si étonnantes ?). Le critique s'attend à les voir disparaître pour la seconde représentation. Il ne lui reste qu'à dire le bien qu'il pense des interprètes, les deux couples des maîtres et des valets, avec un petit reproche à un des acteurs. Et il nomme l'auteur, dont il rappelle un succès récent.]
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Le soin avec lequel on monte à ce théâtre les grandes pièces à spectacle ne fait pas négliger les ouvrages du bon genre, et l’on y compte plus d’une jolie comédie que ne désavoueroit pas plus d’un théâtre d’un rang supérieur.
Parmi ces agréables productions on peut compter celle donnée hier pour la première fois sous le titre de la Femme Romanesque , comédie en un acte et en prose, qui obtint le plus grand succès.
Dernance a enlevé Eugénie à des parens injustes et l’a épousée secrètement. Retirée à la campagne la lecture des romans tourne la tète à Eugénie. Le sort de Clarisse Harlow l’effraie. Ses terreurs ont augmenté à une représentation d’Eugénie, drame de Beaumarchais. Son époux n’est plus à ses yeux qu’un Lovelace, qu’un Clarendon. Certain papier déchiré confirme ses soupçons. Dernance a qui elle le montre afin de le convaincre de son ingratitude, reconnoît dans ce papier une lettre qu'il a jadis écrite et déchirée, et dont l’autre moitié peut se retrouver dans son cabinet.
Plein de la ferme résolution de guérir sa femme de la lecture des romans il convient devant elle à dessein que son mariage, que le prêtre, que les témoins, que tout est faux. A ce mot terrible Eugénie se livre au désespoir. Dernance lui annonce que tout est prêt pour son départ et il lui fait ses adieux.
A peine est-il parti qu’Eugénie se répent de l’avoir forcé à cette démarche. Elle l’aime encore. Un billet de Dernance lui fait voir toute sa faute. Ce billet contient l’autre moitié de la lettre fatale dans laquelle il ne parloit que du bonheur dont il allait jouir en obtenant sa main. On s’attend à la réconciliation ; elle a lieu entre Dernance et Eugénie, ainsi qu’entre Picard et sa femme qui singent leurs maîtres, et dont les rôles répandent infiniment de gaité dans cet ouvrage.
Cette petite comédie a un but très-moral, celui de prévenir contre certains romans dont la lecture est aussi préjudiciable au cœur qu’à l’esprit. On y a remarqué quelques incorrections et quelques trivialités dans la bouche du valet ; elle disparoîtront sans doute à la seconde représentation.
Les citoyens Corse et Tautin et mesdames Levesque et Bourgeois ont bien rendu leurs rôles. Nous désirerions cependant que le cit. Tautin mît dans le sien moins de volubilité.
L’auteur, vivement demandé, est le citoyen Leroy, auteur de quelques autres ouvrages, et entr’autres d'Arlequin au Village, donné il y a trois jours aux Jeunes Artistes.
F. J. B. P. G***.
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