Henri IV ou la Prise de Paris

Henri IV ou la Prise de Paris, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, de Boirie, Léopold [Chandezon] et Jean-Baptiste Dubois, musique de Taix et Leblanc, ballet de Hullin, 2 mai 1814.

Théâtre de la Gaieté.

On trouve aussi comme titre Henri IV ou la Réduction de Paris.

Le ballet est attribué à Leblanc dans le compte rendu du Journal de Paris, mais c'est sans doute une erreur.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba :

Henri IV ou la Prise de Paris, mélodrame historique en trois actes, à grand spectacle ; Paroles de MM. Boirie, Léopold et ***, musique de MM. Taix et Leblanc, ballet de M. Hullin. Représenté pour la première fois, à Paris, le 2 Mai 1814.

Le feuilleton du 5 mai du Journal de Paris (dû à Martainville) est tout entier consacré aux pièces prenant Henri IV pour héros. Son contenu est bien sûr tout à fait politique. Il s'ouvre par des excuses : le journal a dû consacrer son espace à des articles politiques (le 3 mai, a été rétablie la statue d'Henri IV, détruite par les révolutionnaires), et la part culturelle a été négligés, mais elle revient désormais. Et tout le feuilleton du jour est consacré à trois pièces autour d'Henri IV, dont le critique souligne la ressemblance avec Louis XVIII : deux princes malheureux, mais soucieux du bonheur de leur peuple. Et avant d'aborder la critique des pièces nouvelles, un long paragraphe rappelle combien la Révolution a été un moment d'égarement de la part de «méchants » et de « fous qui voulaient changer entièrement le caractère franc, sensible et généreux de la nation française, », mais la parenthèse se ferme, et c'est un descendant d'Henri IV qui monte enfin sur le trône de son glorieux ancêtre.

Trois pièces donc, dont on trouvera les comptes rendus dans les pages qui leur sont consacrées :

Journal de Paris, n° 127 du 5 mai 1814, p. 4 :

[La pièce est baptisée la Réduction de Paris. Elle retrouvera son titre dans le compte rendu du lendemain.]

THÉATRE DE LA GAIETÉ.

De l'intérêt, du spectacle, des allusions vivement saisies ont procuré un grand succès au mélodrame intitulé : Henri IV, ou la Réduction de Paris. Sans violer les libertés du mélodrame, je me permettrai, en rendant hommage au mérite de celui-ci, d’examiner les fortes et nombreuses entorses que les auteurs ont données aux faits et aux caractères historiques.

Journal de Paris, n° 128 du 6 mai 1814, p. 1-2 :

[Tous les théâtres ont leur pièce consacrée à Henri IV. Au tour de la Gaîté de payer son tribut à celui qui fait manifestement l'unanimité, ai moins dans les comptes rendus théâtraux. Ici, c'est un Henri IV « père de ses soldats […] amant de la beauté et […] vainqueur de la ligue » qui est présenté. Dans chacun des trois actes, c'est un de ces trois aspects qui est montré : Henri IV ménager de la vie de ses sujets, Henri IV « épris de Gabrielle », que Sully détourne d'une décision bien légère, épouser sa maîtresse, Henri IV entrant dasn Paris. La pièce ne fait que mettre en valeur uen série de bons mots d'Henri IV. Après tous les éloges donnés à la pièce, il faut émettre des réserves, qui portent « sur les infidélités historiques », mais qui sont « si fortes » que le critique les croit volontaires. Elles n'ont pas empêché le succès d'une pièce dont certaine scènes « ne dépareraient pas une bonne comédie » (ce n'est pas un mince compliment !). Elle intéresse et elle amuse : on ne peut demander plus.]

THÉATRE DE LA GAIETÉ.

Henri IV, ou la Prise de Paris, mélodrame en trois actes a grand spectacle.

Le mélodrame a voulu payer aussi son tribut à Henri IV. Les auteurs, en s’emparant d’un sujet qui offre de si beaux souvenirs et des rapprochemens si heureux, ne pouvaient que réussir dans leur entreprise.

Leur ouvrage présente Henri IV comme père de ses soldats, comme amant de la beauté et comme vainqueur de la ligue.

Au premier acte, on le voit dans sa tente méditant une capitulation pour que Paris se rende à lui sans coup férir. En vain ses généraux veulent attaquer Pari» et le brûler, Heuri céde à l'avis plus humain de son cher Rémy, et ordonne que sa capitulation soit portée à Cossé-Brissac. D’Aubigné s’en charge et part. L’acte finit par un tableau fort intéressant. Le conseil des seize a fait chasser de Paris affamé un grand nombre de femmes, d’enfans, de vieillards : ce» malheureux se réfugient dans le camp d’Henri 1V, qui leur fait donner le pain de ses soldats.

Au deuxième acte Henri est chez Gabrielle. La scène de Bellegarde disgracié par le Roi et caché sous la table est placée avec adresse pour amener ce mot : Il faut que tout le monde vive. Henri, épris de Gabrielle, qui dans cette pièce est toute dévouée, malgré son père, au parti du Roi, et qui même veut aider le monarque à entrer dans sa capitale, Henri va épouser cette amie généreuse. Sully arrive à temps pour déchirer la promesse que dans un moment d’ivresse Henri vient de faire à Gabrielle de la choisir pour reine. —- « vous êtes marié, lui dit Sully, vous avez épousé Marie de Médicis. » Cette soumission du Roi aux volontés de son fidèle ministre ne peut que l’honorer.

Le troisième acte est dans la capitale. D’Aubigné, déguisé en conducteur des voitures de farine envoyées à Paris par ordre de Henri, se présente à Cossé-Brissac, lui remet la capitulation du Roi que celui-ci approuve avec le parlement. Bientôt Paris ouvre ses portes ; l'entrée du Roi au milieu des parisiens heureux forme le dernier tableau aussi touchant par la situation que par les rapprochement qu’il présente.

La plupart des mots d’Henri IV sont heureusement placés, et l’ensemble du spectacle pour les décors, les costumes, enfin ce qu’on nomme la mise de l’ouvrage, ne laisse rien désirer.

J’ai fait assez largement la part de la louange pour que les auteurs eux-mêmes me permettent de réserver quelques lignes pour la critique. Elle portera toute entière sur les infidélités historiques, qui pour la plupart sont si fortes qu’on doit présumer que ceux qui les ont commises, ont péché avec connaissance de cause.... Jamais Bellegarde ne pensa à quitter Henri IV pour le marquis de Cœuvres qui ne fut jamais à la tête d’un parti. D’Aubigné ne put pas porter une capitulation à Paris, puisqu’il n’y eut pas de capitulation entre la capitale et le roi.

Lorsqu’Henri assiégeait Paris, Sully ne pouvait lui dire : « Vous êtes marié avec Marie de Médicis, qu’il n’épousa que six ans après. Il était encore l’époux de Marguerite de Valois.

Il est inconvenant de faire jouer le rôle principal dans Paris rebelle à Bussy-Leclerc, ce chef des seize dont le crédit était ruiné depuis longtemps, et qui à la première sommation avait rendu la Bastille au duc de Mayenne par l’ordre duquel quatre des seize avaient été pendus. Il est moins pardonnable encore de faire appeler ce misérable Bussy seigneur par le duc d’Aumale, prince de la maison de Lorraine, que Bussy traite à son tour assez cavalièrement pour lui dire : « Allons, mon cher d’Aumale, suivez-moi. »

Mais une recherche scrupuleuse de tous les petits outrages faits à la chronologie et aux mœurs de l’époque me conduirait trop loin Ces faute n’ont point nui au succès de la pièce, dans laquelle on remarque (chose assez rare dans un mélodrame) quelques scènes qui ne dépareraient pas une bonne comédie ; elle a surtout le mérité d’intéresser et d’amuser. Il faudrait être bien difficile pour en demander davantage.

Les auteurs sont MM. Dubois, Léopold et Boirie ; la musique est de MM. Taix et Leblanc, et le ballet de M. Leblanc.

L'attribution du ballet à Leblanc est probablement une erreur : la brochure l'attribue plus vraisemblablement à Hullin.

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