Le Lion parlant

Le Lion parlant, mélodrame-féerie-vaudeville en trois actes, à grand spectacle, de P.-J. Charrin et Lapôtre, musique de Moniot et Belin, 2 juin 1806.

Théâtre des Nouveaux Troubadours.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Maldan, 1806 :

LE LION PARLANT, MÉLODRAME-FÉERIE-VAUDEVILLE, EN TROIS ACTES, ET A GRAND SPECTACLE, Orné de Chœurs, Marches Triomphales, Travestissemens et changemens de Décors, à vue, Par MM. P. J. CHARRIN, fils, et LAPÔTRE ; Musique de Mrs. MONIOT et BELIN, Élèves du Conservatoire Impérial de Musique. Représenté pour la première fois, à PARIS, sur le THÉATRE des NOUVEAUX TROUBADOURS, le Lundi, 2 JUIN 1806.

Le Courrier des spectacles du 2 juin 1806 annonce la pièce en la baptisant le Lyon parlant.

Courrier des spectacles, n° 3406 du 4 juin 1806, p. 2-3 :

[Le critique s'amuse d'abord à rappeler que la vraie nouveauté, ce n'est pas un lion sur la scène, mais un lion qui parle. Il tient à se montrer sceptique sur la valeur d'une telle initiative : les acteurs ne doivent guère apprécier de jouer un animal, et il est difficile de « porter l'illusion à un point satisfaisant pour les yeux des spectateurs » L'annonce d'un lion « dans la rue du Faubourg du Temple » est censée avoir provoqué un grand enthousiasme dans le public, si bien que c'est devant une salle pleine que la pièce a commencé (il semble qu'une salle pleine soit un événement exceptionnel dans le Théâtre des Nouveaux Troubadours). Le critique résume ensuite l'intrigue de la pièce, en prenant soin de laisser planer un certain flou sur la façon est figuré ce lion qui parle : il pourrait bien s'agir « de lanterne magique »... Sinon, c'est une intrigue féerique, avec force changements à vue. Une fée permet à une jeune fille de tuer le lion qui s'est substitué au jeune prince, qu'elle délivre donc de sa malédiction, si bien qu'elle va pouvoir l'épouser, tout cela étant assaisonné de problèmes « politiques » à la mode magique. La pièce est censée associer pathétique et comique, mais c'est le comique qui l'a emporté, du fait des multiples ratages de la représentation, changements à vue ratés, vol très incertain d'un amour aérien. La scène rappelle sans doute involontairement une scène de farce, et le public a ri de ces incidents, si bien qu'il a accueilli la pièce « avec indulgence ». Le critique ajoute que certains couplets « peuvent avoir aux Boulevards le mérite de la nouveauté, c'est-à-dire qu'ils sont suffisans pour un théâtre sans ambition et de faible qualité. Et l'article finit sur un point positif : la qualité des chanteurs, et d'une chanteuse en particulier.]

Théâtre des Nouveaux Troubadours.

Le Lion parlant.

On a déjà mis plusieurs fois eu scène un lion comme personnage principal, témoins Kanko, Androclès ; mais on avoit eu jusqu'ici le bon esprit de ne point le faire parler. On avoit même eu soin de ne pas pro longer son rôle, parce qu’un rôle de bête ne s’accorde guères avec les prétentions des acteurs, et que d’ailleurs il est très-difficile de porter l’illusion à un point satisfaisant pour les yeux des spectateurs. MM. Charin et Lapôtre ont reculé les bornes de l’art en cette partie, et à l’exemple de ce bon Lafontaine, dont ils ont eu cependant la modestie de ne se pas croire les émules, ils ont fait parler un lion. Le titre de leur pièce, pour séduire davantage, devoit naturellement promettre ce phénomène, et l’affiche a annoncé le Lion parlant. A l’instant, grande rumeur dans la rue du Faubourg-du Temple ; un Lion dans le voisinage, et uu Lion parlant ! Il faut le voir ; les guinguettes sont désertes, les femmes du quartier se hâtent, se pressent à la porte, et, heureux effet du titre ! la salle voit entrer plus de spectateurs qu’elle n’en avoit jamais réunis. La toile se lève, le Lion passe, mais il n’a pas le tems de parler aux spectateurs, des Chasseurs le poursuivent de près, et il va se cacher dans son antre. Cette scène de lanterne-magique n’auroit pas prévenu favorablement le public, si un Vieillard et sa fille n’eussent intéressé les bons cœurs par le récit de leurs peines. Il faut savoir ici pour plus grande clarté, que ce vieillard est un ministre du Roi de Salerne proscrit par un rival redoutable. Sa fille apprend qu’une grande récompense est promise à celui qui tuera le Lion. Une fée lui en offre les moyens, et elle part, armée en Chevalier, pour courir les aventures. Elle arrive à Salerne, se propose pour l’expédition; le Roi accepte ses services ; elle revient près de l’antre, où le lion vient de conter très-distinctement son douloureux martyre. Elle l’attaque, le terrasse, lui coupe la tête ; mais ô prodige ! ce lion est un Chevalier charmant, fils du Roi de Salerne lui-même, et proscrit par la reine sa belle-mère. Il sait qu’une femme seule pourra rompre son enchantement ; il se précipite aux pieds de sa libératrice, qui ne peut le voir sans émotion, et qui retourne-à Salerne, porter au Roi les dépouilles du monstre, et demander sa récompense. Là, elle trouve le ministre ennemi de son père, qui l’accuse, de concert avec la Reine, d’avoir levé sur cette princesse un œil incestueux. Le calomniateur est confondu, le fils du Roi reparoît, et pour récompenser sa libératrice, il l’épouse ; une conséquence naturelle de ce changement, est le rappel du Ministre exilé, et le châtiment de son ennemi.

Le mélange du pathétique et du comique assaisonne cette pièce, y jette de la variété ; le pathétique u’a point ému ; mais le comique a bien fait rire ; je parle du comique d’exécution. Les changemens à vue ont sur-tout déridé les fronts les plus graves ; tantôt c’étoit une Fée qui échangeoit son jupon de bure contre une robe à paillettes, et son bonnet de paysanne contre un diadème, ni le jupon, ni le bonnet ne vouloient obéir au fil conducteur, peu s’en est fallu même que la chûte de la perruque ne découvrît entièrement la tête peu garnie de la brillante Fée ; tantôt un amour descendant du ceintre, et suspendu à une corde qui est attachée à ses épaules restoit en l’air, gambadoit, tomboit lourdement, puis se relevoit encore à deux pieds de terre.

Cette scène burlesque paroissoit imitée de Cadet Roussel maître de déclamation. Le public n’a pu s’empêcher d’en rire ; et cette heureuse disposition a influé sur le succès de la pièce, qui a été accueillie avec indulgence. Il y a des couplets qui peuvent avoir aux Boulevards le mérité de la nouveauté ; ils sont chantés agréablement, sur tout par Mad. Chabert, qui a joué avec aisance le rôle du Vainqueur du Lion.

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