La Mauvaise étoile, comédie en cinq actes, en prose, de Favières, 31 mai 1792.
Théâtre de la rue de Richelieu.
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Titre :
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Mauvaise étoile (la)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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31 mai 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la rue de Richelieu
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Auteur(s) des paroles :
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M. Favières
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Mercure universel, tome 16, n° 461 du dimanche 3 juin 1792, p. 47 :
[La pièce nouvelle n'a pas réussi. La cause de cet échec vient d'après le critique de ce qu'elle accumule sur la tête du « principal personnage toutes les mésaventures » du monde, supportées avec insouciance : le public ne « peut s'intéresser à un homme qui ne s’intéresse seulement pas à lui-même ». Le critique en tire une sorte de loi psychologique : « un auteur se peint dans ses propres écrits », et la pièce peint un homme n'agissant que par des « calculs d'intérêt qui dégradent l'humanité », et le théâtre ne doit pas montrer « des tableaux repoussans » (castigat ridendo mores...). La pièce a d'autre par l'inconvénient grave de ne pas être original : elle traite le même sujet qu'une pièce récente, « le Malencontreux, comédie en trois actes et en vers », qui n'a guère eu de succès, et qui est nettement plus drôle que la Mauvaise étoile. L'interprétation vaut par deux acteurs. Un dernier paragraphe un peu hors sujet porte un jugement ambigu sur les débuts d'une actrice ayant joué dans l'École des maris, où elle aurait réussi par l'indulgence du public envers une débutante.
L'École des maris, c'est bien sûr la pièce de Molière.]
Theatre François de la rue de Richelieu.
La Mauvaise étoile, comédie en 5 actes et en prose, donnée mercredi, est une conception malheureuse. L’auteur a réuni sur son principal personnage toutes les mésaventures que l’on peut imaginer : procès perdu, banqueroute d’un tuteur, mariage de sa maîtresse, vaisseau péri, emprisonnement par méprise à la suite d’un duel : tous ces événemens qui viennent l’accabler n’excitent ni la pitié, ni le rire ; la gaieté et l'insouciance avec lesquelles il supporte tous les coups de la fortune, vont jusqu’à l’abnégation de soi-même. Comment le spectateur peut il s’intéresser à un homme qui ne s’intéresse seulement pas à lui-même ?
Si c’est une vérité constante qu’un auteur se peint dans ses propres écrits, qu'elle [sic] idée doit-on se former de la manière dont celui-ci conçoit l’amour lorsqu’il présente un amant pressé par sa maîtresse d’épouser un autre femme, par un de ces calculs d’intérêt qui dégradent l’humanité. On doit écarter du théâtre des tableaux repoussans pour une ame délicate.
Le même sujet avoit déjà été traité au théâtre de Monsieur, il y a environ deux ans. On donna le Malencontreux, comédie en trois actes et en vers ; cette pièce eut peu de succès, mais sans remplir les conditions dramatiques, elle offroit infiniment plus de Vis comica que la Mauvaise étoile.
M. Devigny a bien rendu le rôle de Melcour, ainsi que M. Michaut, celui de Valet ; cet acteur sait par un mélange heureux allier une gaieté franche à une véritable sensibilité.
Mlle. Jossey, ci-devant au théâtre de Monsieur, a débuté dans I'Ecole des maris. Le public l’a accueillie avec indulgence. Puisse-telle [sic] ne devoir désormais des applaudissemens qu’à sa justice !
[La justice du public, bien sûr.]
Chronique de Paris, n° 157 du 4 juin 1792, p. 622 :
[Le critique vient de signaler l'échec de la Rozéïde au Théâtre du Vandeville, il constate ensuite celui de la Mauvaise étoile au Théâtre du Palais-Royal. Deux reproches : le titre dit trop en quoi consiste la pièce, une collection d'échecs pour « un homme à qui rien ne réussit », et des échecs qui « n'ont pas paru dramatiques ». Le bruit court d'ailleurs que l'auteur (non nommé) va reprendre sa pièce et la réduire à trois actes, ce qui lui permettra d'améliorer la qualité de son dialogue, ni ni très neuf, ni très piquant. Il est de toute façon habitué à ce genre de modifications, qui ont permis à une de ses pièce santérieures d'obtenir un meilleur succès.]
La mauvaise étoile, comédie en 5 actes, au théâtre du Palais-Royal, n'a pas non plus réussi. On se doute bien que le héros est un homme à qui rien ne réussit ; ses infortunes n'ont pas paru dramatiques. On dit que l'auteur va remettre son ouvrage en 3 actes; il ajoutera ainsi au mouvement, mais il doit aussi s'occuper de rendre son dialogue plus neuf & plus piquant.
Le même auteur avoit donné au théâtre Italien les deux sous-Lieutenans ; il vient d'en corriger le dénouement, & elle a eu plus de succès.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 8 (août 1792), p. 299-301 :
[Compte rendu sévère d’une pièce qui ne répond pas aux attentes du public du théâtre, qui s’est beaucoup ennuyé lors de la représentation. « La foiblesse du plan, l'inconvenance de certains caracteres, & le peu d'intérêt du sujet » ne peuvent être compensés par des qualités certaines : « comique de quelques situations », « gaieté du dialogue ». « Fond assez plaisant » (qui rappelle celui de bien des pièces), mais un héros qui « n’est point dans la nature » (l’homme se croit malheureux, pas heureux, c’est cela, la nature humaine), « des longueurs interminables : les entrées, les sorties, les situations même, ne sont pas motivées ». Résultat : on s’ennuie.]
THÉATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.
Le jeudi 31 mai, on a donné la premiere représentation de la mauvaise Etoile, comédie en cinq actes, en prose.
Cette piece a justifié la maligne influence de son nom ; elle a été écoutée jusqu'à la fin, mais au milieu des murmures les plus bruyans. La foiblesse du plan, l'inconvenance de certains caracteres, & le peu d'intérêt du sujet, ont nui singuliérement au comique de quelques situations & à la gaieté du dialogue, qui annonce un homme exercé dans l'art d'écrire pour le, théatre. Deux mots feront connoître la mauvaise Etoile.
M. de Melcour, jeune officier, vif, léger & présomptueux, arrive à Paris, après une absence de deux ans, pour épouser Mlle. de Syrval, qu'il a aimée. Mlle. de Syrval est mariée à un M. de Limeuil, homme généreux, espece de Volmar, & qui n'est point du tout jaloux. Melcour veut recueillir la succession de son oncle, qu'il a laissée entre les mains de son tuteur ; ce tuteur a fait banqueroute. Le jeune homme espere obtenir au moins une place du ministre, le ministre la donne à un autre. Peu frappé de la fatalité qui le poursuit, Melcour se flatte d'épouser une femme qu'il a connue dans ses voyages, & qui se croyoit veuve ; le mari de cette femme est revenu, Melcour est forcé de se retirer ; enfín, pour comble de malheur, il se bat avec un de ses camarades qui le blesse ; Melcour, en rentrant chez lui, est pris pour un autre ; on le met en prison, où il soupe gaiement. Bientôt la méprise est reconnue, on rend à Melcour sa liberté ; mais un de ses créanciers l'écroue pour 8000 francs. Fatigué de tant d'infortunes, Melcour renonce à tout projet de réussir, & veut se jetter à l'eau, lorsque MM. de Syrval & Limeuil viennent à. son secours, paient ses dettes, & lui font épouser une jeune & riche héritiere qu'il n'a jamais vue.
Tel est le fond assez plaisant de la mauvaise Etoile ; on sent qu'il n'étoit pas difficile de l'imaginer, après avoir vu l'Optimiste, & sur-tout le Présomptueux ou l'Heureux imaginaire de M. Fabre d'Eglantine : mais ce sujet singulier, & dont le héros n'est point dans la nature (car l'homme est toujours plus porté à se croire malheureux qu'heureux), est noyé dans des longueurs interminables : les entrées, les sorties, les situations même, ne sont pas motivées : en un mot, malgré tout le mouvement de la piece, malgré tout le comique d'un rôle de valet, parfaitement joué par M. Michaut, l'ennui a gagné les spectateurs, & l'ennui est un tort que le public ne pardonne jamais à un auteur. Voilà bien ce qu'il peut appeller sa mauvaise Etoile.
D’après la base César, la pièce est de M. Edmond de Favières. Elle n'a eu qu'une représentation, celle de la création le 31 mai 1792.
Emmet Kennedy, Theatre, Opera, and Audiences in Revolutionary Paris : Analysis and Repertory, p. 348, associe à Favières le compositeur Henri-M. Berton.
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