Mutius ou Rome libre

Mutius ou Rome libre, tragédie en cinq actes et en vers, de E. T. Simon, publiée en l'an 10 [1801].

Pièce n'ayant pas été représentée.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, an 10 :

Mutius ou Rome libre, Tragédie En cinq Actes, en Vers, Par E. T. Simon, D. T.

. . Le Monde affranchi, sous l'empire des lois,
Maintiendra les vertus à la place des rois.

L'auteur est également l'auteur de l'À-propos de la nature (1791) et du Lion parlant (1792).

Le texte de la pièce est précédé d'une préface.

[L'auteur explique d'abord pourquoi sa pièce, écrite en 1793, période de grande popularité de Mucius Scévola, n'a pas pu être représentée. Outre les deux pièces sur le même sujet représentées en 1792 et1793, il évoque « les crises qu'éprouvèrent les acteurs du théâtre tragique » (la scission au sein du Théâtre Français, sa suppression) et « les variations de l'opinion depuis cette époque » (inutile et impossible de toutes les énumérer). S'il publie sa pièce, c'est que, l'âge venu, il veut « achever de jouir ». Il justifie ensuite le traitement qu'il a fait de l'histoire de Mutius Scévola. Le sujet a la réputation d'être trop mince pour produire cinq actes, d'autant que, contrairement à Du Ruyer, il s'est refusé à y insérer « un amour fastidieux qu'un sujet aussi austère ce comporte pas », et qu'il a voulu respecter strictement les « règles sévères et indispensables des unités » sans se soucier de l'opinion des « critiques de profession et [des] gens de parti […] trop méprisables pour qu['il] s'embarrasse de leurs jugemens ». Il revendique un strict respect des personnages de l'histoire, ceux qu'il a ajoutés respectant « le langage convenable à leur situation » (problème récurrent pour les auteurs de tragédies : respecter l'histoire, même dans ce qu'ils ont besoin d'inventer, problème auquel les réponses apportées sont très variées !). La préface s'achève par une imprécation contre ceux qui auraient la tentation d'utiliser des fragments de la pièce pour remettre en cause « l'attachement de l'auteur à l'ordre public, à l'autorité légitime, son respect pour les lois et son amour pour la patrie ». L'auteur est un patriote de 1801 (ce qui n'est sans doute pas la même chose que l'être en 1793...).

Après la préface, en longue note, l'extrait de l'Histoire de Tite Live racontant l'histoire de Mutius Scévola.]

A MES LECTEURS.

Cette Tragédie fut composée en 1793. Les Comédiens français venaient de représenter un Mutius Scévola en trois actes ; ils avaient donné vingt-cinq louis à M.r Ronsin pour recrépir le Scévola de Du Ryer ; telles furent les objections qu'ils opposèrent à l'admission de ma pièce.

Des hommes revêtus alors de l'autorité suprême, au suffrage desquels je soumis cet ouvrage, trouvèrent que je n'avais point assez avili la royauté dans le rôle de Porsenna. Les crises qu'éprouvèrent les acteurs du théâtre tragique, les variations de l'opinion depuis cette époque, suspendirent les efforts que j'aurais pu faire pour me montrer au grand jour de la scène. Applaudi dans quelques sociétés par des personnes dont j'estime l'opinion et le goût, j'ai cru qu'au défaut des honneurs bruyans et dangereux du théâtre, je devais me contenter de l'épreuve modeste de l'impression. Je suis vieux et je veux achever de jouir.

Le sujet que j'ai traité appartient à l'histoire (1). Si les passions me jugent, relégué dans la classe des auteurs de circonstance, me voilà condamné sans appel. Si l'on veut au contraire apprécier la tentative que j'ai faite d'attacher pendant cinq actes l'attention à un sujet qui, selon l'opinion commune, n'est pas susceptible d'un pareil développement ; si l'on veut considérer que j'ai fait marcher l'action, sans employer, comme Du Ryer, le secours d'un amour fastidieux qu'un sujet aussi austère ne comporte pas, et que j'ai soutenu l'intérêt jusqu'au dernier moment sans déroger aux règles sévères et indispensables des unités, les véritables gens de lettres auront pour moi les égards que j'attends de leur justice. Les critiques de profession et les gens de parti sont trop méprisables pour que je m'embarrasse de leurs jugemens.

J'ai fait agir et parler chacun de mes personnages d'après le rôle que lui donne l'histoire. Ceux que la distribution théâtrale et le besoin des contrastes m'a fait créer tiennent également le langage convenable à leur situation. Malheur au méchant qui se ferait un plaisir coupable d'isoler leur discours ! malheur à celui qui ne démêlerait pas, au milieu de ce choc d'actions ou d'idées opposées, l'attachement de l'auteur à l'ordre public, à l'autorité légitime, son respect pour les lois et son amour pour sa patrie!

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(1) EXCERPTA EX TITO LIVIO.

DE MUTI0.

Porsena primo conatu repulsus.... præsidio in Janiculo locato, ipse in plano ripisque Tiberis castra posuit.... ne quid Romam frumenti subvehi sineret... neque quisquam extrà portas propellere auderet... obsidio erat nihilominus, et frumenti cum summâ caritate inopia: sedendoque expugnaturum se urbem spem Porsena habebat, quum C. Mucius, adolescens nobilis, cui indignum videbatur, populum romanum.. liberum...... ab iisdem Etruscis obsideri quorum sæpè exercitus fuderit... penetrare in hostium castra constituit... Approbant Patres : abdito intrà vestem ferro, proficiscitur....quum stipendium fortè militibus daretur.... scribam pro rege obtruncat.... Antè tribunal regis destitutus.... metuendus magis quam metuens, Romanus sum, inquit : hostis hostem occidere volui.... et facere et pati fortia Romanum est. Nec unus in te ego hos animos gessi : longus post me ordo est idem petentium decus.... hoc tibi juventus romana indicimus bellum.... uni tibi, et cum singulis res erit. Quum rex irâ infensus periculoque conterritus circumdari ignes minitabundus juberet, nisi exprimeret properè quas insidiarum sibi minas per ambages jaceret ; en tibi, inquit, ut sentias quàm vile corpus sit iis qui magnam gloriam vident : dextramque accenso ad sacrificium foculo injicit Propè attonitus miraculo rex, quum ab sede suâ prosiluisset, amoverique ab altaribus juvenem jussisset.... Juberem macte virtute esse, si pro meâ patriâ ista virtus staret. Nunc jure belli liberum te intactum, inviolatumque hinc dimitto....Composita pace, exercitum ab Janiculo deduxit Porsena, et agro romano excessit.

DE CLAELIA.

.... Clælia virgo, una ex obsidibus... dux agminis virginum inter tela hostium Tiberim tranavit....

DE HORATIO COCLITE.

.... Pons sublicius iter penè hostibus dedit, ni unus vir fuisset, Horatius Cocles Vadit-in primum aditum pontis.... ipso miraculo audaciæ obtupefecit hostes.... cunctati aliquamdiu.... clamore sublato undique in unum hostem tela conjiciunt. Quæ quum in objecto cuncta scuto hæsissent...... quum simul fragor rupti pontis pavore subito impetum sustinuit. Tum Cocles, Tiberine pater, inquit, te sancte praecor, haec arma et hunc militem propitio flumine accipias. Ita sic armatus in Tiberim desiluit : multisque super incidentibus telis, incolumis ad suos tranavit.

Tit. Liv. Lib. II°.

Liste des personnages :

PUBLICOLA, Consul romain.

MUTIUS, jeune Romain.

FABIUS, ami de Mutius.

CIMBER, Romain, ami de Mutia.

AUDAX,

VIGIL, Romains, hommes du peuple.

PORSENNA, Roi d'Etrurie.

ATTALE, Ambassadeur de Porsenna.

PHANOR, Général de l'armée des Etrusques.

MUTIA, Romaine, mère de Mutins.

CLÉLIE, Romaine, fille de Publicola, promise à Mutius.

Sénateurs; Romains; Licteurs; onze jeunes, Romaines, compagnes de Clélie, otages au camp de Porsenna.

Officiers et Soldats Etrusques, Aruspices, Prêtres toscans.

Les lieux de l'action :

Les trois premiers actes se passent à Rome, au champ de Mars. On y voit le Capitole où s'assemble le Sénat , le Temple de Mars, plusieurs statues, dont une de la Liberté, l'autre de Brutus.

Les deux derniers actes se passent au camp de Porsenna. Rome paraît dans le fond. Le Tibre coule entre cette ville et le camp.

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