Le Nouveau d’Assas, trait civique en un acte, mêlé de chant, de Jean-Élie Bédéno Dejaure, musique de Henri-Montan Berton, 15 octobre 1790.
Théâtre Italien.
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Titre :
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Nouveau d’Assas (le)
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Genre
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trait civique mêlé de chant
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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15 octobre 1790
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Théâtre :
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Théâtre Italien
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Auteur(s) des paroles :
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Jean-Élie Bédéno Dejaure
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Compositeur(s) :
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Henri-Montan Berton
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Vente, 1790 :
Le nouveau d’Assas, trait civique, en un acte et en prose, mêlé de chants. Représenté pour la première fois, par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, en Octobre 1790. Les Paroles sont de M***; La Musique est de M. Berton.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome XI (novembre 1790), p. 346-349 :
Le vendredi 15 octobre, on a donné la première représentation du nouveau d'Assas, trait civique, en un acte, mêlé de chant.
Il faut de grand événemens pour faire connoître les grands courages : l'armée parisienne, ainsi que celle des Romains, renferme peut-être encore dans son sein des Curtius, des Horatius & des d'Assas. Dans un repos stagnant, toutes les facultés de l'ame & du cœur sont engourdies ; il faut des occasions pour faire briller ses vertus politiques ou militaires. Tout le monde connoît le trait héroïque du jeune Desilles, qui sauva la vie à un grand nombre de soldats de l'armée de M. de Bouillé, en se couchant sur la lumière. d'une piece de 24, chargée de 3 boulets & de plus 700 balles. C'est ce dévouemeut sublime qu'a mis en action l'auteur du nouveau d'Assas. II falloit de l'adresse pour ne point rendre odieux l'égarement des soldats du régiment de Châteauvieux, & pour ne point affoiblir le tribut d'éloges & de reconnoissance que l'on a dû de tout tems à la nation suisse. C'est le but que l'auteur a su atteindre. Au lever du rideau, où l'on voit l'entrée de la ville de Nancy, des soldats rebelles, qui occupent la porte de Stainville, s'amusent à boire & à chanter en attendant les députés qu'ils ont envoyés vers l'armée de Metz. Les habitans de Nancy saisis d'effroi, traversent le théâtre en s'écriant :
Voilà cette troupe barbare
C'est elle, dit-on, qui prépare
Le carnage le plus sanglant.
— Que l'on nous rende notre argent (répondent les Suisses)
Ou que l'on se prépare
.Au carnage le plus sanglant.
Un officier-major de la place, M. Delort sans doute, vient essayer par ses conseils, de ramener à la raison une troupe exaltée ; mais elle devient plus furieuse lorsque ses députés lui rendent & le refus qu'ils viennent d'essuyer & la réponse du général. « La nation françoise & son roi ne traitent pas comme de puissance à puissance, avec des régimens révoltés ». Alors, malgré les sages avis des chefs de la place, qui disent avec quel raison : « Parce que nous sommes leurs supérieurs, ils nous regardent comme leurs ennemis », les rebelles sortent furieux en s'écriant :
De l'argent ? de l'argent ? voilà notre traité.
Desilles arrive: Desilles, gémissant des erreur de ce régiment, est sourd aux prières de ses amis, qui veulent l'arracher de ce lieu dangereux : ce brave & généreux jeune homme résiste à leurs avis, à leurs larmes : il s'écrie :
Amour sacré de sa patrie,
Remplis-moi de ta noble ardeur !
Est il un obstacle, un malheur,
Le péril même de la vie
Peut-il balancer dans un cœur
Les élans de ta noble ardeur !
L'armée approche, les rebelles sortent de la ville en traînant un canon ; Desilles veut les arrêter au nom de leurs frères, il en est repoussé ; le combat s'engage, Desilles se couche sur la piece de canon, on lui tire 4 coups de fusil, & les troupes se battent avec acharnement. Bientôt les rebelles sont repoussés ; ils mettent bas les armes, & le brave Desilles, étendu sur des drapeaux, reçoit les vœux & les témoignages de reconnoissance de ses camarades & des habitans de Nancy. Les femmes l'entourent de leurs enfans, en lui disant les larmes aux yeux :
Laissez vous voir à nos enfans ;
Puissent-ils imiter un jour votre courage,
Et servir leurs pays par de tels dévouemens !
Cet ouvrage, de l'auteur de Louise & Volsan, des époux réunis, de l'époux généreux, & de l'incertitude maternelle, est écrit avec chaleur : par-tout on y distingue un patriotisme sage & éclairé. La musique, qui est de M. le Breton, ne peut qu'ajouter à la réputation de ce jeune compositeur ; c'est une musique guerrière, comme le sujet l'exige ; cependant, malgré tout le talent que nous lui reconnoissons, nous avons cru remarquer que M. le Breton travailloit trop vite, ce qui donne souvent de l'incohérence à ses idées, & peu de mélodie à ses chants. La piece a eu beaucoup de succès.
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 48 du samedi 27 novembre 1790, p. 149-150 :
[Avant-dernière pièce dans la série de comptes rendus de pièces nouvelles jouées au Théâtre Italien. Cette fois, c’est un succès, non par sa qualité dramatique, nulle, mais par les sentiments qu’elle montre, patriotisme et humanisme. Le sujet est le sacrifice d’un jeune officier qui meurt pour empêcher un acte de rébellion de ses hommes. Le caractère spectaculaire de la pièce a contribué aussi à son succès. Le compositeur est simplement nommé, sans jugement sur sa musique/]
L'étendue que nous avons donnée à cet Ouvrage, nous force à nous resserrer sur les autres. La troisième Nouveauté est Ververt, sujet peu fertile & traité sans succès. La quatrième, intitulée le Nouveau d'Assas, est le trait de bravoure du jeune & valeureux Desilles, qui vient de périr victime de son patriotisme & de son humanité dans l'affaire de Nancy. Cette Pièce, sans aucune prétention à l'Art Dramatique, n'est que le simple tableau dialogué de cette immortelle action. L'Intérêt qu'elle inspire & le spectacle qui l'accompagne, en ont assuré le succès. Elle est de M. de B.... à qui ce Théatre doit plusieurs autres Ouvrages de beaucoup de mérite. La musique est de M. le Breton.
Correspondance littéraire de Grimm, troisième et dernière partie, tome cinquième (Paris, 1813), p. 558-559 :
[Si la pièce a eu du succès, ce n’est pas par ses qualités dramatiques, que le critique nie tout à fait : il n’y voit qu’une succession de scènes mal enchaînées, beaucoup de bruit et de fumée. La musique a droit à un peud ‘indulgence.]
Le nouveau d’Assas, trait civique, en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, paroles de M. le baron de Jore, musique de M. Le Breton, a été représenté pour la première fois sur le Théâtre italien le vendredi 15.
Des soldats de Châteauvieux, qui en buvant et chantant s’excitent à l’insurrection, bravent les prières de leurs chefs et les ordres que leur apportent les Députés qu’ils ont envoyés au général chargé de faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale; une belle conversation entre deux Officiers du régiment du Roi, dont l’un conseille prudemment à l’autre de ne point se compromettre dans une pareille bagarre, de ridicules dispositions pour opposer la force à la force ; des Gardes nationales qui arrivent à la tête de l’armée et contre lesquelles on pointe un canon ; notre nouveau d’Assas qui embrasse la bouche du canon pour empêcher qu’on n’y mette le feu, et qui dans cette noble attitude reçoit plusieurs coups de fusil dont il est renversé ; beaucoup de tapage et de bruit, encore plus de fumée ; lorsqu’elle est un peu éclaircie, on voit les vainqueurs porter sur un lit entouré de drapeaux l‘intéressant jeune homme (M. Désilles), dangereusement blessé ; les femmes de Nancy l’environnent, célèbrent son dévouement civique, et s’adressent au Ciel pour obtenir la conservation de ses jours devenus sacrés à la Patrie.
Voilà ce qu’on a raison de ne pas vouloir appeler une œuvre dramatique, mais ce qui n’en a pas moins été applaudi avec transport. Il y a dans la musique quelques morceaux brillans et d’un effet bien senti.
D’après la base César, le texte est de Dejaure le fils, mais c'est une confusion avec son père, Jean-Élie Bédéno Dejaure, la musique de Henri-Montan Berton. Elle a eu 17 représentations au Théâtre Italien du 15 octobre 1790 au 6 mars 1791. Elle a eu aussi 2 représentations à Caen au début de 1792.
Le Nouveau d’Assas a fait l’objet d’une étude de Patrick Taieb, « le Nouveau d’Assas, « trait civique » : un avatar révolutionnaire de l’opéra-comique ? », in Grétry et l’Europe de l’opéra-comique, sous la direction de Philippe Vendrix (Pierre Mardaga éditeur, 1992), p. 131-154.
André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome I (Droz, 1992), p. 45-46, montre l’ambiguïté de la pièce : le héros royaliste de 1790 doit céder la place en 1792 aux Suisses du régiment de Châteauvieux qui sont réhabilités et mis sur le théâtre à leur tour, victimes du royaliste dans le Suisse de Châteauvieux, ou l’homme villageois, joué le 12 avril 1792 au théâtre des Délassements comiques, en présence de la quarantaine de soldats libérés de leur internement à Brest.
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