Point de bruit, opéra en deux actes. 3 brumaire [an 11].
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Almanach des Muses 1804
Le Dictionnaire lyrique, ou Histoire des opéras de Félix Clément et Pierre Larousse, p. 537, dit simplement : « opéra-comique, musique de Doche, représenté à la Porte-Saint-Martin en1804 ».
Courrier des spectacles, n° 2059 du 4 brumaire an 11 [26 octobre 1802], p. 2-3 :
[Le critique ne croit pas que le succès obtenu à la première sera durable : c’est bien un sujet de comédie, mais il est trop long et les scènes ne sont pas liées entre elles. Il voit dans la pièce « un opéra italien habillé de paroles françaises » (la construction des opéras italiens est régulièrement dénoncée dans les critiques). On retrouve une histoire de mariage, l’oncle (qui a peur au moindre bruit) et le neveu étant désireux d’épouser la même femme. L’emploi de déguisements permet de tromper l’oncle, qui renonce à épouser une femme qui se révèle bruyante, et il la cède volontiers à son neveu. Après un premier acte gai et amusant (tous les efforts pour ne faire faire de bruit...), le second a paru long, et le dénouement est à la fois trop prévisible et mal amené. C’est la musique, « agréable, chantante et légère », qui a suscité les applaudissements. Le critique énumère un certain nombre de morceaux réussis. Deux des interprètes sont mis en avant. L’un aurait dû continuer le bégaiement qui ridiculisait le notaire qu’il interprète, l’autre compense par la mobilité de sa physionomie sa petite taille. On ne connaît que l’auteur de la musique.]
Théâtre de la Porte-St-Martin.
Première représentation de Point de bruit, opéra.
Cette pièce a obtenu assez de succès, mais c’est encore un des mille et un ouvrages qui ne font point de bruit, que l’on voit sans haine comme sans faveur, et qui servent d'ombre à quelque production meilleure. Ce n’est pas que cet opéra n’eût réussi davantage s’il eût été traité différemment, car le fonds appartient à la comédie ; mais il est délayé en deux actes bien longs ; presque aucune scene n’est liée avec la précédente ; les personnages entrent et sortent alternativement, sans but et sans motif ; c’est en un mot toute la marche d’un opéra italien habillé de paroles françaises.
Un vieux baron napolitain à qui le moindre bruit fait peur depuis certain siège d’une ville où il demeuroit, a l’intention d’épouser Angelique, amante de Fiorelli, son neveu, et nièce du docteur Giocoso. Celui-ci feint de donner les mains à ce mariage, et il conseille à Angélique de prendre, devant le baron, l’air silencieux, modeste, les manières enfin les plus propres à le tromper.
Le baron, enchanté de sa prétendue, mande un Notaire, et Alberti, ami du docteur Giocoso, se présente sous ce déguisement, et apporte un contrat. A peine est-il signé, que la nouvelle mariée prend le ton d’une maîtresse absolue dans ses volontés , et que le baron se repend [sic] de la précipitation qu’il a mise dans cette affaire. Il fait venir deux jurisconsultes pour les consulter, et Giocoso et Alberti se présentent dans un nouveau déguisement. Leur avis est que le mariage n’ayant lieu que depuis deux heures, il peut être cassé s’il se trouve quelqu’un qui consente à mettre sur le contrat ses noms et qualités en place de ceux du Baron. Celui-ci est bien embarrassé ; son neveu se présente, fait quelques difficultés en apparence, et enfin veut bien épouser Angélique.
Le premier acte avoit paru assez gai. Le caractère du Baron, les précautions que l’on prend pour l’aborder et pour lui parler sans bruit avoient amusé le spectateur ; mais le second a offert des longueurs, des trivialités : le dénouement d’ailleurs étoit prévu dés le commencement et mal amené. De-là quelques murmures que la grande majorité des applaudissemens a fait taire ; mais ces applaudissemens étoient pour la musique qui est agréable, chantante et légère. L’ouverture est savante, les morceaux d’ensemble bien écrits, l’air : Mon cher époux, chanté au premier acte par Mlle Quesnay, et celui : Hélas ! hélas ! chanté au 2me par le cit. Vigny, ont été vivement goûtés.
Le cit. St-Léger a rendu avec intelligence le rôle de Giocoso, mais il devroit dans son déguisement en jurisconsulte, conserver plus longtems le bégaiement qu’il annonce en entrant en scène. Le rôle du Baron étoit confié à un acteur d’une stature très-petite, mais qui paroit avoir beaucoup de jeu de physionomie et une grande habitude de la scène. L’auteur de la musique est le cit. Doche.
F. J. P.B. G***.
Le Coup de fouet ou Nouvelle revue de tous les théâtres de Paris, d’Abel Rémusat, p. 83-84 :
[Examen des divers genres que le Théâtre de la Porte Saint-Martin propose. Après le mélodrame, e t avant le ballet, l’opéra (pour nous, l’opéra-comique).]
L'Opera ne présente encore qu'une bien maigre constitution. Trois chétives pièces lyriques, en une ou deux actes, très-faiblement jouées et chantées ; sont tout ce qu'on nous a montré jusqu'à ce moment, L'une est une prétendue. Ruse et Folie de Pigault-Lebrun, aussi triste qu'ennuyeuse, et qui ne vaut pas mieux que l'Ami Vrai ; l'autre, est Point-de-Bruit, musique de Doche, qui n'a réellement pas fait grand bruit dans le monde littéraire. On y a cependant applaudi un duo, et une ou deux ariettes, et c'est toujours quelque chose.
Le 3me, opera, enfin, est de feu Patrat, il a pour titre : le Sourd et l’Aveugle ; c'est un des plus faibles ouvrages de cet auteur et qui n'ajoutera pas beaucoup à sa réputation,
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome III -mars 1808), p. 285-286 :
[Compte rendu très critiquede la représentation de Point de bruit au Théâtre de Bruxelles en 1808 :]
L'opéra de point de Bruit, ou la Femme qui ne parle pas, de MM. Tournay et Thésigny, pour les paroles, et Doche pour la musique, est, comme poëme et comme composition musicale, une pièce mauvaise et dénuée d'intérêt.
Mme. Berteau, que l'on a vu avec peine chargée de ce mauvais rôle, n'a pu, malgré le charme de sa voix, nous faire trouver le moindre plaisir à écouter une musique aride, monotone et sans vie. D'ailleurs cette pièce a été apprise comme devant être bientôt oubliée, et peut-être ne reparaîtra-t-elle plus.
Disons-en donc un mot.
Un vieillard amoureux d'une jeune fille qui convient beaucoup mieux à son neveu, qui l'aime et dont elle est aimée ; un médecin, oncle de la jeune personne, mais qui n'ose refuser franchement sa nièce et préfère employer la ruse aux droits de l'amitié et de la confiance pour favoriser le mariage des jeunes gens ; un ami commun tout exprès amené pour servir les uns et les autres dans leurs projets.
Voilà les acteurs qui, avec le neveu du vieillard et la nièce du médecin, doivent soutenir l'action pendant deux mortels actes.
Le vieillard a le faible de ne pouvoir supporter le moindre bruit. Il est logé de manière à ne pas le craindre. Ses domestiques même ne lui obéissent que par signes.
Le médecin lui présente sa nièce, dont le costume, la modestie et la prétendue douceur et sagesse enchantent le vieillard.
Mais à peine le contrat est signé, cette femme devient emportée, absolue, et change sa maison tranquille et réglée en une maison de plaisirs et de fêtes.
Le vieillard se désole de son mariage, et finit, pour se délivrer d'un pareil fardeau, par supplier son neveu de s'en charger.
Je ne parlerai ni des travestissemens ridicules et inutiles de la plupart des acteurs, ni de la consultation d'avocats, qui ne sont que l'ami commun et le médecin lui-même, mauvaise copie de l'excellente scène de Molière : ni de cette cohue de monde, qui paraît à la fin du premier acte pour féliciter le vieillard sur son mariage, ou plutôt pour le désespérer par le bruis épouvantable qu'il fait à ses oreilles.
En voilà plus qu'il ne faut pour faire connaître une pièce qui n'a dû sa frêle existence à Paris, que parce qu'elle était jouée au théâtre de la Porte-Saint-Martin, où un opéra quel qu'il fût, était une nouveauté assez rare; et où d'ailleurs des acteurs comiques, et très-aimés du public faisaient tout supporter.
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