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Pyrrhus (Pirro)
Pyrrhus (Pirro), opéra italien en trois actes, livret de Giovanni De Gamerra, musique de Paisiello, 30 janvier 1811.
Théâtre de l’Odéon, Opera Buffa et Seria
[Pirro, de Paisiello, « drama per musica » en trois actes, livret de Giovanni De Gamerra, a été représenté pour la première fois à Naples au Théâtre San Carlo, le 12 janvier 1787.]
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Titre
Pyrrhus (Pirro)
Genre
opera seria (drama per musica)
Nombre d'actes :
3
Vers / prose ?
en vers
Musique :
oui
Date de création :
30 janvier 1811 (12 janvier 1787 à Naples)
Théâtre :
Théâtre de l’Odéon, Opera Buffa et Seria
Auteur(s) des paroles :
Giovanni De Gamerra
Compositeur(s) :
Paisiello
Journal de l'Empire, 2 février 1811, p. 2-4 :
[Pour la première exécution de ce genre nouveau en France qu'est l'opera seria, Geoffroy croit utile d'informer ce qu'est l'opera seria, les Français ne connaissant jusqu'à présent que l'opéra buffa. C'est l'occasion pour lui de faire le point sur la différence de conception de la musique, entre Italiens et Français, les Italiens adorant la musique quand les Français la respectent (chacun des deux peuples a ainsi sa supériorité...). Il retrace les aléas d'une installation des Italiens en France : il n'y a encore eu que des bouffons, et Geoffroy attend beaucoup de l'arrivée du genre sérieux, d'autant qu'lle se fait sous la direction d'un directeur d'une grande compétence, Spontini, auteur de la Vestale et de Fernand Cortez. Retour au moment présent : l'article est maintenant consacré aux chanteurs qui ont paru dans Pyrrhus. Geoffroy tient sur eux des propos flatteurs. Quant à l'opéra représenté, c'est « une composition pleine d'expression, de sentiment, de grace ». La musique repose sur l'harmonie, plus que sur la mélodie (vaste débat, qui occupe beaucoup depuis longtemps les mélomanes français). Et cette musique n'est pas bruyante, comme l'est si souvent, aux yeux de Geoffroy du moins, la musique du temps (c'est de la musique pour le théâtre, pas de la musique symphonique). Le dernier paragraphe fait, comme souvent le tour des questions pendantes : compétence de Spontini (il a « fait le récitatif » : il l'a composé ou il l'a chanté ? Et tout cas, il a dirigé l'orchestre)), qualité des décors et des-costumes. C'était une première, et c'est un essai réussi, qui donne bon espoir pour la suite.]
THEATRE DE L'IMPERATRICE.
Première représentation de Pirro (Pyrrhus), tragédie
lyrique en deux actes, musique de Paësiello.
C'est la première fois qu'on représente sur un théâtre public ce que les Italiens appellent opera seria (œuvre sérieuse), pour le distinguer de l'opera buffa (œuvre plaisante). L'opéra seria est en Italie ce qu'est à Paris le grand opéra avec cette différence qu'à Paris on écoute un opera seria tout entier, tandis qu'on n'écoute en Italie que ce qui en vaut la peine : on cause, on joue, on boit pendant tout le récitatif et les morceaux insignifians, qui sont toujours en très grand nombre dans le plus bel opéra. Les Italiens sont amoureux de la musique ; mais ils ne l'estiment pas assez pour la croire capable de raison, de combinaison et d'un projet suivi ; ils ne la jugent propre qu'à donner dans quelques moment un plaisir très vif aussi n'exigent-ils pas qu'un opéra soit un ensemble théâtral ; il leur suffit que ce soit un canevas pour quelques beaux morceaux de musique ; et ces beaux morceaux sont les seuls qu'ils écoutent :tout le reste ne leur paroît pas digne de la moindre attention. Nous autres Français, nous n'adorons pas la musique avec autant de passion que les Italiens ; nous l'estimons et la respectons davantage ; nous la croyons capable de tout ; nous sommes persuadés qu'elle peut donner du plaisir pendant trois heures de suite, et si nous n'en avons pas, nous pensons que c'est notre faute. Les Italiens traitent la musique comme des libertins traitent une jolie maitresse ; et les Français, au contraire, en agissent avec elle comme d'honnêtes gens à l'égard d'une femme respectable.
L'Italie est la métropole de la musique ; elle a peuplé l'Europe de ses colonies ; elle a rendu tous les royaumes tributaires de ses accens. Il y a dans toutes les grandes villes, dans toutes les cours, un théâtre de Musique italienne ; la France seule a long-temps résisté à cette influence de la mélodie ultramontaine. En 1750, il arriva des bouffons italiens qui se montrèrent à l'Opéra : ils furent chassés deux ans après.. Plusieurs antres troupes italiennes se succédèrent avec aussi peu de succès : on avoit la maladresse de les placer à l'Opéra. Pouvoient-elles s'établir en pays ennemi ? Enfin, on en logea une, en 1788, dans une salle des Tuileries; elle y prospéra, et tint bon dans poste jusqu'au moment où elle en fut chassée par des discordes civiles qu'aucune harmonie ne pouvoit apaiser. Long-temps après l'orage, d'autres bouffes sont revenus à Louvois, et de là sont passés à l'Odéon ; mais nous n'avons jamais eu que des bouffes et des bouffonneries : nous ne connoissons pas le genre sérieux, le genre noble et pathétique, le plus considéré en Italie, celui dans lequel tous les grands maîtres se sont le plus exercés.
L'établissement d'un Opéra seria à Paris est donc nne époque remarquable dans l'histoire de la musique, et pourra contribuer à fixer notre goût et nos idées sur un art trop défiguré par l'esprit de parti, par la rivalité des écoles et les intrigues de la médiocrité. Il ne faut pas douter que les amateurs ne s'empressent d'accueillir et d'encourager une entreprise qui doit multiplier et varier leurs plaisirs. Le directeur est fait pour inspirer la confiance : c'est l'auteur de la Vestale et de Fernand Cortez ; c'est M. Spontini. grand maître d'Italie, naturalisé à Paris par ses succès et par les productions dont il a enrichi notre scène lyrique. La curiosité vive qu'a excitée ce premier essai, et l'accueil très-favorable qu'il a reçu du public, sont du plus heureux augure pour ta destinée de cet établissement.
Depuis long-temps, les ténors italiens étaloient à l'Opéra~-Buffa une superbe méthode, une riche broderie, mais n'y faisoient entendre qu'une voix foible et usée : il étoit presque devenu à la mode, parmi les chanteurs, de chanter sans voix. Le début du signor Gaëtano Crivelli a causé une agréable surprise ; ce virtuose est doué d'un bel organe peu étendu dans le haut, mais pur, harmonieux, flcxible ;son chant est plein de goût et de grâce et son articulation est parfaite. L'expression a paru n'avoir ans en quelqnes endroits toute la vigueur nécessaire ; il faut en accuser le trouble et l'embarras d'un début. On eût désiré plus de mouvement, des nuances plus touchantes, dans l'air de situation : Cara negli occhi tuoi, etc ; mais ces défauts légers et rares ont été couverts par de grandes et nombreuses beautés. Le signor Crivelli a le maintien noble et représente mieux sur la scène que la plupart des ltaliens que nous avon vus ; il a fort bien rempli le rôle de Pyrrhus. Madame Festa a joué et chanté celui de Polixène d'une manière digne de sa réputation : elle a fait entendre des:inflexions touchantes et un accent pathétique très-convenables au personnages, et son expression dans les airs et les duos ne s'est point ressentie de l'habitude qu'elle a de chanter dans l'opéra buffa. Guglielmi a étonné tous mes auditeurs par l'agrément extraordinaire qu'il a mis dans sen chant. On a distingué dans les morceaux d'ensemble la belle voix d'Angrisani, et en gêneral l'exécution a été très-satisfaisante.
Il y a vingt-cinq ans que l'opéra de Pyrrhus a été joué à Naples avec le plus brillant succès. Cette composition est pleine d'expression, de sentiment, de grace, et de tout ce qui manque à la plupart de nos productions modernes. L'harmonie, dans cet ouvrage, embellit et fortifie le chant ; chez nos nouveaux faiseurs, elle tient lieu de chant et de mélodie : Paësiello savoit faire de la musique ; les musiciens du jour ne savent faire que du bruit. Les chœurs de Pyrrhus sont beaux sans être criards. L'air chanté par Crivlli au premier acte, la grande scène du second acte, ont enlevé tous les suffrages ; les duos, les airs de Polixène, celui de Guglielmi, ont fait le plus grand plaisir ; le finale du premier acte est un chef-d'œuvre.
C'est M. Spontini, directeur de l'administration qui a choisi, arrangé et monté cet opéra ; il en a fait lui-même le récitatif, partie fort négligée en Italie ; il s'est placé à l'orchestre pour diriger l'exécution et n'a omis aucun soin pour la rendre parfaite. Les décorations et les costumes n'ont rien laissé à désirer : tout annonce qu'un genre, dont on a si bien goûté le premier essai, prendra une grande faveur quand il sera mieux connu.
Geoffroy.
Mercure de France, journal littéraire et politique, tome quarante-sixième, n° DIV (samedi 16 mars 1811), p. 517-521 :
[Cette longue lettre a été précédée d’une première lettre « sur l’Opera seria » (n° DI, p. 369-371) et d’une « seconde lettre » (n° DII du 9 mars, p. 464-471). Une telle abondance renvoie à une querelle tout à fait vive sur l’opéra séria italien. L’auteur, Pierre-Louis Ginguené (1748-1816) est un journaliste, poète et historien de la littérature, et en particulier de la littérature italienne, qu’il a enseignée.]
Troisième lettre de l'un des Rédacteurs du MERCURE à ses confrères, sur l'Opera seria.
Paris, 15 mars 1811.
Le retard de ma seconde lettre, Messieurs, n'a ralenti, ni le cours du tems, ni l'activité de la compagnie italienne de l'Odéon. Une semaine perdue pour ce que j'avais à dire de Pirro a mis à sa place, comme nouveauté, la Griselda.. Parlons cependant encore une fois de Pirro, qui n'en restera pas moins, sans doute, au théâtre, et dont les amateurs espèrent jouir long-tems.
Plus on l'entend, plus on y trouve de beautés, de ces beautés simples et franches, que l'art seul n'apprend point à produire, et qui sont le fruit du génie le plus heureusement inspiré. On voit dès l'ouverture de la scène que le sujet s'est emparé du compositeur. Le premier morceau est largement conçu et conduit avec l'ordre, la clarté, le naturel qui appartiennent à cette belle école. Pyrrhus, à qui la Grèce a fait demander le sang de Polyxène, déclare qu'il veut abaisser l'orgueil de la Grèce, et que c'est à Polyxène même qu'il donne sa main. Sans s'inquiéter des mouvemens de surprise et des murmures cette déclaration excite autour de lui, il s'avance vers elle, et lui exprime sa tendresse, tandis que Polyxène se livre aussi aux douces espérances que ce choix lui donne, et que leur chant expressif et suave contraste avec l'agitation des autres parties, agitation cependant, comprimée par la présence de Pyrrhus, et qui s'exprime sans oser éclater. Il faut, je l'avoue, s'être formé de singulières idées de ce qu'on nomme de la musique dramatique pour croire qu'un pareil morceau et tant d'autres dans le même opéra, et dans tant d'autres opéras italiens, n'en sont pas.
Le duo entre Pyrrhus et Polyxène, quelques scènes après, n'est pas moins théâtral ; les craintes de l'une, les promesses de secours et les témoignages d'amour de l'autre, sont rendus par les deux parties de chant et par l'orchestre avec des effets pleins de passion et de chaleur. Polyxène se croit menacée par le courroux du ciel et par celui des Grecs ; Pyrrhus la rassure ; elle n'a rien à craindre, il est près d'elle. On ne peut entendre sans émotion ces simples mots, si bien prononcés par M. Crivelli : Calmati, teco io sono. Mais le trouble croît, son expression devient plus forte, et Mme Festa ne rend pas moins bien les terreurs de Polyxène, que lui, la confiance et l'intrépidité de Pyrrhus.
J'en dirais autant du bel air dal seno discaccia, dans lequel Pyrrhus, alternativement, rassure Polyxène et menace Ulysse, et plusieurs fois interrompu ou accompagné par le chœur des soldats grecs, qui menace aussi le roi d'Ithaque, reprend toujours avec une expression nouvelle ses menaces et ses assurances d'amour ; mais je trouve à ce morceau le double défaut de faire jouer à Ulysse qui reste muet un rôle trop avilissant, et de diminuer d'avance l'effet de la belle scène du second acte, où, au chœur près, Pyrrhus, Polyxène et Ulysse se retrouvent dans la même situation.
Cette scène devant le tombeau d'Achille, dont j'ai donné une légère idée dans ma seconde lettre, est un morceau vraiment admirable dans sa simplicité, et M. Crivelli en rend la belle déclamation en acteur et en chanteur consommé. Son dialogue avec Polyxène ne fait pas une moins vive impression. Le touchant cantabile qu'il lui adresse, est interrompu par la marche militaire qui annonce l'arrivée d'Ulysse et de ses soldats. Sur l'air même de cette marche, qui s'avance ? dit Pyrrhus ; c'est Ulysse ! Ah !, ne crains rien, ajoute-t-il en parlant à Polyxène (et la marche continue toujours), ne crains rien, que le traître vienne, qu'il nous trouve heureux, et qu'il tremble. Devant lui, devant Ulysse même qui s'avance, il reprend le motif de son premier chant d'amour ; mais Ulysse ose avancer encore ; il paraît vouloir se saisir de la victime. Pyrrhus entre en fureur, et se partage, dans la dernière partie de son air, entre les menaces qu'il fait à Ulysse et sa tendresse pour Polyxène, dont il se déclare plus énergiquement que jamais le défenseur et l'époux.
On sent qu'il y a un inconvénient assez grave à répéter, ou à-peu-près, cette situation au premier acte ; je dis à répéter ; car cette belle scène du second est dans la partition originale, et l'autre n'y est pas. Nous avons déjà vu que cette partition a éprouvé plusieurs autres métamorphoses. N'ayant pu me procurer sur ce fait les renseignemens dont j'aurais eu besoin, je suis réduit aux conjectures, et voici celle que je hasarde, au risque de me tromper : il y a deux expressions dans notre langue qui ne m'ont jamais coûté à prononcer ni à écrire ; c'est : Je me suis trompé, et je ne sais pas.
Je crois donc que lorsqu'on a remis au théâtre à Naples, il y a peu d'années, l'opéra de Pirro, on y a fait des changemens, et ajouté plusieurs morceaux dont Païsiello lui-même a refait la musique. Je mettrais de ce nombre le chœur des jeunes Grecques dialogué avec Polyxène, au commencement du premier acte, qui est tout-à-fait dans sa manière ; le duo agité dont j'ai parlé, entre Polyxène et Pyrrhus ; le terzetto entre Climène, Polyxène et Pyrrhus, Gelido, palpitante, dont la dernière partie sur-tout est du plus grand effet ; peut-être cet air menaçant de Pyrrhus à Ulysse, entremêlé de chœurs, quoique je le pense moins que des autres ; quelques morceaux ou chœurs du second acte, et le joli final, la placida calma, qui n'est pas dans · la première partition.
Les morceaux ajoutés à Paris sont, outre les deux airs de Cimarosa chantés par Mme Festa, celui que chante M. Guglielmi, air fort agréable, et qu'il exécute avec beaucoup de grâce, mais dont j'ignore l'auteur ; le duo du second acte entre Pyrrhus et Polyxène, Che miro, il mio bene, que je ne sais trop non plus à qui attribuer. S'il n'est pas de Païsiello, il me paraîtrait être de Nazzolini, compositeur original, enlevé à la fleur de l'âge, et dont ce duo me semblerait avoir la coupe et la marche particulière. Restent quelques effets de théâtre et des chœurs de prêtres vers la fin ; nous avons ici tel maître assez habile pour les avoir ajoutés à un opéra de Païsiello, sans craindre qu'ils y fissent de disparate.
Notez, Messieurs, que tous les morceaux que je conjecture pouvoir être de Païsiello lui-même, je ne serais nullement étonné d'apprendre que tel habile maître dont je vous parle les eût faits. L'extrême habileté peut, quand il le faut, prendre toutes les formes, et s'assortir à tous les styles. Mais le travail le plus considérable, et qui mérite peut-être le plus d'attention, quelque main qui s'en soit chargée, est celui du récitatif. Dans Pirro, comme dans tous les opéras italiens, tant sérieux que bouffons, il est simplement accompagné de la basse. Cette nudité déplaît en France ; on a cru devoir la cacher en revêtant d'accompagnemens les scènes de tout l'opéra d'un bout à l'autre. Je ne suis pas bien persuadé que l'on ait eu complètement raison. On fatigue par cette continuité du bruit de l'orchestre l'organe le plus délicat que nous ayons ; on amortit d'avance une partie de l'effet des morceaux de chant et des ritournelles instrumentales ; enfin on se prive de moyens précieux de nuances et de variété.
J'ai toujours regretté que dans notre révolution musicale, M. Gluck, dont le récitatif n'est le plus souvent qu'un récitatif italien adapté à notre langue, n'ait pas établi plus d'économie dans la manière dont il l'accompagne, et qu'il n'ait pas gradué cet accompagnement depuis le seul coup d'archet des basses, dans les scènes simplement déclamées, jusqu'à la plénitude de l'orchestre, et aux traits imitatifs des instrumens selon le progrès des passions et les développemens du dialogue. C'était ici, en quelque sorte, une seconde révolution, et mes regrets se sont renouvelés en voyant que l'on n'a pas cru devoir saisir cette occasion pour avancer notre éducation musicale, qui va toujours un peu lentement.
J'aurais, Messieurs, bien des choses à dire sur ce sujet, sur le récitatif italien en général, et peut-être aussi sur le nôtre ; mais pressé par le tems, je ne puis qu'indiquer ici le point de vue sous lequel j'aurais voulu traiter cette question, l'une des plus intéressantes que présente la musique théâtrale, et dont on s'est jusqu'à présent le moins attentivement occupé.
J'aurais aussi voulu parler du grand finale du premier acte, morceau d'une si grande étendue, d'une variété si bien ménagée, et d'un si bel effet dans toutes ses parties. Enfin, j'aurais bien quelques observations à faire sur deux ou trois points particuliers, tels que certaines altérations dans la scène et le duo entre Darès et Polvxène au second acte, l'un des plus agréables que Païsiello ait écrits, et que l'on a fini par retrancher entièrement ; tels encore que la suppression faite par M. Crivelli d'une tenue de deux mesures, par où commence son cantabile : Cara negli occhi tuoi, et pendant laquelle les accompagnemens tracent un dessin qui s'accorde avec ce qui précède et avec ce qui suit, suppression qui nuit à l'expression de ce début de l'air, et que je puis d'autant moins concevoir, qu'il me semble que la voix de M. Crivelli y mettrait tout le charme qui a été dans l'intention de l'auteur ; etc.
Mais il est tems de finir de vous parler de Pirro. Il forme, dans une des principales branches de l'art dramatique, une époque bien intéressante pour la France ; et c'est principalement sous ce rapport qu'il m'a paru devoir être envisagé. A en juger par la manière dont le public a accueilli cet essai, l'opera seria italien sera désormais, comme l'opera buffa, une source de jouissances très-vives pour les amateurs libres de préjugés, un moyen fécond de variété dans les plaisirs des spectateurs même indifférens ; enfin, une excellente école où l'on pourra s'instruire de plus en plus de ce qui appartient vraiment à l'art de la musique parmi les effets qu'on lui attribue, des procédés les plus analogues à la vraie nature de cet art, et de la manière dont la bonne musique doit être chantée pour exprimer tous les sentimens, sans altérer le charme de la voix humaine, et-sans blesser ni effaroucher l'oreille qui est en musique, comme en autre chose, le véritable chemin du cœur.
Agréez mes salutations, GINGUENÉ.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome I, p. 402-403 :
ODÉON. OPERA BUFFA.
Pirro (Pyrrhus), opera seria en trois actes, joué le 30 janvier.
L'établissement d'un opera seria dans la capitale, et le début d'un tenore que sa réputation brillante avoit précédé en France, avoient attiré l'affluence à l'Odéon. L'opéra de Pyrrhus a été accueilli par des applaudissemens unanimes. Le débutant, M. Crivelli, a joué le rôle de Pyrrhus avec un talent consommé. Jamais on n'avoit entendu à l'Opéra Buffa une voix plus belle, plus étendue et plus flexible.
Le sujet de la pièce est Polyxène immolée aux mânes d’Achille. L'auteur italien n'a pas voulu ensanglanter la scène, et son Pyrrhus sait unir à la fierté et au courage, la galanterie et la générosité. Il sauve la princesse des mains des sacrificateurs, et consent à la rendre au prince troyen à qui elle étoit depuis longtemps destinée. A cette action, on a joint une espèce de conspiration contre Pyrrhus, qui est sauvé par Polyxène. La musique est de Paziello [sic] ; elle est digne de ce grand compositeur : il y règne un caractère de noblesse qui convient parfaitement au sujet. L'ouverture est d'une belle simplicité, les différens morceaux d'ensemble pleins de richesse et de variété. L'exécution des airs confiés aux deux grands rôles, ceux de Pyrrhus et de Polyxène, joués par M. Crivelli et Madame Festa, a été parfaite. MM. Guglielmi, Angrisani et Mademoiselle Goria, ont contribué à l'ensemble.
M.Crivelli, redemandé à la fin de la pièce, a reparu au milieu des acclamations de toute la salle.
Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1812, sixième année, p. 106-107 :
IL PIRRO (Pyrrhus), opéra sérieux en deux actes, musique de Paisiello. ( 29 janvier.)
L'opéra sérieux n'avait jamais été joué à Paris, excepté au théâtre de la Cour. Le public, avide de tout ce qui est nouveau, s'est porté en foule à l'Odéon pour entendre Pyrrhus, qui a eu le plus grand succès. La pièce ne manque ni de mouvement ni d’intérêt : le sujet en est très-connu ; il s'agit du sacrifice de Polixène. La musique est délicieuse ; c'est un des chef-d'œuvres de Paisiello. On y a intercalé avec assez d'art plusieurs morceaux d'un autre opéra de Paisiello, non moins célèbre, intitulé I Giuochi d'Agrigento. M. Crivelli, qui a débuté en qualité de premier tenor sérieux, est doué de tout ce qui peut chaumer les spectateurs. Une superbe voix, une belle figure, une excellente méthode, un jeu noble et très-expressif, voilà les rares qualités qui le distinguent : on ne pouvait faire une plus précieuse acquisition, Les personnes qui fréquentent ce spectacle, ne peuvent deviner pourquoi, depuis si longts, on prive le public d’un ouvrage qui a eu tant de succès.
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