Rodolphe, ou le Château des Tourelles

Rodolphe, ou le Château des Tourelles, drame héroïque en trois actes, de Pillon et L. T. Lambert, 4 frimaire an 11[25 novembre 1802].

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Huet, an 11 – 1802 :

Rodolphe, ou le Château des Tourelles, drame héroïque, en trois actes, en prose ; Par MM. Pillon et Lambert ; Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Cité, le 4 Frimaire an 11 (25 novembre 1802.)

Permis, le 11 Brumaire an 11 de la République.

Le Conseiller d'État chargé de la surveillance de l'instruction publique,

Signé Fourcroy.

Vu à la Préfecture de police, le 18 Brumaire an 11.

Le Conseiller d'État, Préfet de police,

Signé Dubois.

Après la liste des personnages, le lieu et le temps où se passe la scène :

La scène se passe au Château des Tourelles, dans la Basse Normandie, du tems de Charles VII.

Courrier des spectacles n° 2090 du 5 frimaire an 11 [26 novembre 1802], p. 3 :

[Rodolphe est une des nouvelles créations du Théâtre de la Cité récemment réouvert, et le critique commence son compte rendu par un bilan d'une réouverture très inégale : si Honneur et indigence est présenté avec indulgence, une autre pièce qu'il ne nomme pas (sans doute le Siège de La Rochelle) était un choix très malheureux. Sans être un chef-d'œuvre, Rodolphe offre des situations dramatiques : « c'est ce que l'on cherche de préférence ». Le résumé de l'intrigue révèle une action compliquée, avec tous les ingrédiens nécessaires à un « drame héroïque », on pourrait dire un mélodrame. Une sombre histoire de famille, une femme persécutée, une prison, la rivalité des Français et des Anglais (en 1802, c'est d'actualité), et des révélations sensationnelles (Rodolphe retrouve ses parents, qu'il ne connaissait pas). Le dénouement – les révélations sur les parents de Rodolphe – est le point faible de la pièce, de la faute des auteurs, mais aussi des acteurs, accusés de ne pas jouer correctement la pièce (rôles non sus ?.Si les deux premiers actes sont « assez bien remplis », la pièce fourmille, dans les actes 2 et 3 d'invraisemblances que le critique se fait un plaisir de relever, avant de glisser une phrase perfide : « Comment peut-on faire un mélodrame sans invraisemblances ? ». L'interprétation est jugée avec sévérité : un acteur « a joué […] avec dignité », mais « quelquefois il a crié », un autre a joué avec feu, « mais il se tient mal », reproche qu'on peut faire à plusieurs acteurs, à qui le critique reproche « de n’avoir point assez étudié leurs rôles ». Pas de nom des auteurs, rien sur la musique, les ballets, les décors.]

Théâtre de la Cité.

Première représentation de Rodolphe, ou le Château des Tourelles.

Voilà dix jours que ce théâtre a été ouvert par une nouvelle troupe , et voilà trois drames en trois actes chacun qui y ont été représentés dans ce court intervalle, sans compter trois ou quatre autres petites pièces. Il est malheureux que sur plusieurs grands ouvrages qu’elle préparoit, elle ait choisi pour débuter précisément le plus mauvais, celui qui pouvoit jeter plus de défaveur sur la nouvelle entreprise. On ne le joue plus, il est vrai, on n’en parle plus, mais le coup est porté, et il faut des productions passables au moins dans le genre adopté à ce théâtre pour effacer l’impression fâcheuse qu’a laissé la première dans l’esprit de ceux qui le fréquentent. Déjà Honneur et Indigence a en partie réparé cette faute ; Rodolphe ou le Château des Tourelles, pourra encore attirer du monde. Il s’en faut bien que ce soit un chef-d’œuvre, mais on y trouve des situations, et dans ces sortes d’ouvrages c’est ce que l’on cherche de préférence.

Rodolphe, jeune seigneur du château des Tourelles, dans la Normandie occupée sous Charles VII par les Anglais, a embrassé leur parti, et tient prisonnière dans une de ses tours Laurence, fille de Beaudouin, qu’il croit être sa sœur et qu’il n’a enfermée que pour la soustraire à la mort prononcée contre elle par le duc de Bedford, général des Anglais, parce qu’elle avoit entretenu une correspondance avec Dunois. Il reçoit dans son château Richemont, comte d’Aumale, qui après vingt ans de captivité en Angleterre est parvenu à briser ses fers. Il lui défend de voir la prisonnière, mais Richemond, l’époux de Laurence, pénètre secrètement jusqu’à la prison, où il est surpris et arrêté par Rodolphe. On arrête également Anselme, vieux serviteur de ce seigneur et le Mentor de sa jeunesse. Tous deux sont conduits dans des tours d’où ils peuvent se voir et se parler. Richemond fait part à son compagnon d’infortune des projets qu’il avoit formés de livrer le château aux Français et de la manière dont son épouse devra les exécuter lors qu’il aura été livré aux Anglais qui sont venus le réclamer auprès de Rodolphe. Celui-ci a tout entendu, il croit que l’on conspire contre lui, lorsqu’une lettre lui apprend que Laurence est sa mere. Il la rend à la liberté, mais il livre Richemont aux Anglais. Laurence accourt, lui déclare que Richemond est son père. I1 vole sur les pas des gardes, délivre Richemond et lui rend toutes ses possessions.

Le dénouement de ce drame est tout-â-fait manqué ; c’est la faute des auteurs, et c’est aussi celle des acteurs qui l’ont mal exécuté. Les deux premiers actes sont assez bien remplis : il y a du mouvement et le style en est soigné. La scene des deux prisonniers qui se parlent à travers les barreaux des tours est encore assez piquante, mais il y a, sur-tout au deuxieme et au troisième actes, des invraisemblances choquantes. Au deuxieme comment Anselme arrêté comme mutin peut-il se trouver l’instant d’après avec Richemont et sur le mur de la prison ? Au troisième comment se fait-il que l’intérieur du château soit aussi accessible et que rien n’empêche d’approcher des tours dont l’entrée n’est fermée que par une petite porte ? Comment les Anglais à qui Rodolphe vient d’arracher Richemont, se trouvent-ils à défiler avec les Français ? Comment.... Mais c’est assez de questions. On demandera plutôt : Comment peut-on faire un mélodrame sans invraisemblances ? C'est par là même qu’on y arrive aux grands effets.

Le citoyen Villeneuve a joué Richemond avec dignité ; quelquefois il a crié.

Le citoyen Langlade a mis dans le rôle de Rodolphe beaucoup de feu ;. mais il se tient mal, et on doit lui faire, ainsi qu’à quelques-uns de ses camarades, le reproche de n’avoir point assez étudié leurs rôles.

J. B. P. G ***.          

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