Rozelli, ou le Crime et la Vertu, [mélo]drame en trois actes, en prose, de Saint-Victor et Châteauvieux, 19 Messidor an 7 [7 juillet 1799].
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Almanach des Muses 1800.
Courrier des spectacles, n° 868 du 21 messidor an 7 [9 juillet 1799], p. 2 :
[Le compte rendu s’ouvre ironiquement par deux grandes questions, celle du genre de la pièce, un mélodrame, qui serait donc mieux qu'une comédie et un vaudeville, celle aussi de la réussite, « prouvée » par la présence « des assassinats, des cachots, etc., etc. », qui rendent impossible tout échec. La suite du compte rendu raconte une histoire compliquée d’un jeune homme dont on ignore la filiation, amoureux d’une jeune fille promise à un autre homme. Ce dernier veut se débarrasser de son rival, mais il fait tuer un autre homme. Et il voudrait accuser le jeune homme son rival de ce crime. Mais il n’y a pas de mort, la victime vient accuser celui qui a tenté de le faire assassiner. Et on découvre qui est le père du jeune homme, qui peut alors épouser celle qu’il aime. Il ne reste plus qu’à nommer les auteurs, Saint-Victor et Châteauvieux, sans porter de jugement après une telle analyse.]
Théâtre de l’Ambigu-Comique.
Ce théâtre vient d’anrichir [sic] son répertoire d'une nouvelle production. Est-ce une comédie ? Est-ce un vaudeville ? C’est mieux que cela, c'est un drame. Son nom ? Roselli ou le Crime et la Vertu. A-t-il réussi ? Sans doute : il y a des assassinats, des cachots, etc., etc. : et avec cela comment ne pas réussir ?
Roselly, orphelin élevé à la cour de Dom Gusman, et sous les yeux de Dom Pedro, autrement appellé Francisco, adore Elvina, fille de Dom Gusman, qui le paie de retour. Dom Pérèz, favori de Dom Gusman, obtient de ce prince son consentement et son mariage avec Elvina, mais un portrait qu'il surprend lui annonce qu’il a un rival, et il parvient à le faire chasser. Roselly, avant son départ, convient avec sa maîtresse d’un rendez-vous secret à minuit, dans un bois voisin. Francisco seconde leurs desseins, déjà ils se sont rendus au bois, lorsqu’un coup de. pistolet part et plusieurs coups de poignards étendent sans connoissonce le vieux Francisco. C’est Pérès qui a aposté des hommes affidés et qui croit être délivré de Roselly ; mais celui-ci reparoit, et loin de soupçonner Pérez d’être son ennemi ; ainsi que Elvina veut le lui persuader, il est assez confiant pour croire aux assurances d’amitié que lui donne son cruel rival : puis il cherche dans l’obscurité le cadavre de son ami. Il le trouve, il l’embrasse. Pérez revient avec des flambeaux, et surprenant Roselly sur le cadavre, il l’accuse d’être l’auteur de ce meurtre, et le fait traduire eu prison.
Là on lui apporte son arrêt de mort. Elvina veut s’empoisonner avec lui : Pérez empêche cette résolution. Mais tout-à-coup dom Carlos, un de ses affidés, pressé par ses remords, accourt et montre à Pérez le poignard, instrument de sa vengeance. Francisco lui-même n’est pas mort : il vient l’accuser en présence de dom Gusman et du tribunal, et reconnoit son fils en Roselly.
Dom Gusman que tant de catastrophes ont instruit, s’empresse de livrer Pérès au supplice et d'unir Elvina à Roselly. Les auteurs ont été demandés, et le citoyen Isidor, qui a rempli avec intelligence le rôle de Roselly, est venu annoncer les citoyens St-Victor et Châteauvieux.
Mercure de France, volume 676, numéro du 30 messidor an 7, p. 198 :
[L'article commence par l'indication de la source de la pièce, l'Infortuné Napolitain ou les aventures du seigneur Rozelli, un roman publié par un anonyme en 1704, qui raconte les aventures d'un personnage historique, mais en le changeant de condition (de bâtard, il devient un aristocrate napolitain), roman populaire tout au long du siècle. Il a été publié dans la collection des Classiques Garnier en 2021. Le critique ne ménage pas les auteurs de la pièce : elle reprend bien les « situations les plus intéressantes du roman, mais leur nombre excessif fait qu'on ne peut pas les concentrer dans la règle des 24 heures (unité de temps, comme dans les bonnes tragédies ! le Mercure de France est bien conservateur dans cet article !). Premier acte languissant, laissant deviner le dénouement (donc plus d'intérêt), acte 2 « assez bien conçu », mais « d'un noir à faire horreur », acte 3 sans originalité (les mêmes procédés que « tous les derniers actes des pièces de ce genre »). Certes la pièce ets bien écrite (ce qui n'est pas si fréquent !...) mais cela en suffit pas à faire une bonne pièce. L'article se hausse ensuite à de hautes considérations sur l'art du théâtre, trop exigeant pour l'impétuosité de la jeunesse : « l'épine est cachée sous la rose », et il faut agir avec précaution pour cueillir la fleur. Ce beau moment de poésie termine l'article.
Les deux parodies, Nono et Ninie et Rien ou peu de chose, sont du seul Châteauvieux, et Saint-Victor n'est pas associé à leur écriture.]
Rozelli, ou le Crime et la Vertu, drame en trois actes et en prose.
Le roman connu de Rozelli ou l'infortuné Napolitain, a fourni le sujet de ce drame, qui a réussi. Des auteurs ont profité des situations les plus intéressantes, mais ils ont tellement précipité les événemens, que l'on à peine à croire qu'ils puissent avoir lieu pendant la courte durée de vingt-quatre heures. Le premier acte, tout entier d'exposition, est faible et languissant. Le dénouement se fait deviner dès les premières scènes, et l'intérêt alors diminue sensiblement. Le second acte est assez bien conçu ; mais il est d'un noir à faire horreur. Le troisième acte, qui se passe dans une prison, offre à-peu-près les mêmes situations et le même dénouement que tous les derniers actes des pièces de ce genre. La vertu y est récompensée, et le crime dévoilé et puni. Les auteurs ont cependant soigné leur style, et sous ce rapport, ils méritent des éloges ; mais il ne suffit pas de savoir et d'écrire bien sa langue pour composer une bonne pièce de théâtre, il faut encore connaître parfaitement les moindres replis du cœur humain, afin de l'attaquer par son côté le plus faible ; et certes, cette science n'est pas la plus aisée. L'art du théâtre est séduisant : la jeunesse, qui n'écoute que l'impétuosité de ses desirs, et que l'âge n'a pas encore conduite à la réflexion, se croit tout possible : mais l'épine est cachée sous la rose, et le grand talent consiste à l'écarter, sans en ressentir la piqûre, afin de s'emparer ensuite paisiblement de la fleur.
Les auteurs de ce drame sont les mêmes que ceux des parodies intitulées : Nono et Ninie, Rien. ou peu de choses.
D'après la base César, la pièce, d'auteur inconnu, a été jouée 16 fois au Théâtre de l'Ambigu-Comique, du 7 juillet au 10 octobre 1799.
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