Le Sauvage muet, ou les Deux Caraïbes, mélodrame en trois actes, de Hurtaud-Delorme, musique de Quaisain, ballets de Richard, 27 août 1806.
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1806 :
Le Sauvage muet, ou les Deux Caraïbes, mélodrame en trois actes, à grand spectacle ; par M. Hurtaud-Delorme. Musique de M. Quaisain, Ballet de M. Richard, pensionnaire de l'Académie Impériale de musique ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 27 août 1806.
Courrier des spectacles n° 3490 du 28 août 1806, p. 3 :
[Avant de rendre compte rapidement du succès de la Chaumière du Mont Jura, le constat d'échec de ce Sauvage muet, qui a été mal reçu, mais que le critique juge susceptible d'amélioration.]
Le Sauvage Muet n’a pas obtenu hier, à l’Ambigu-Comique, tout le succès qu'il auroit pu désirer. Il a même essuyé des marques d'improbulion. Cependant ce Sauvage n'est point sans mérite ; il s’exprime avec clarté et précision ; sa pantomime est expressive, et sous ce rapport, il ne pouvoit manquer d’être applaudi ; mais les tourmens qu’il endure sont trop longs, ses persécuteurs trop odieux, et les interrogatoires qu’on lui fait subir, trop répétés.
Il faut, si l’on veut que le public s'intéresse davantage à ce Sauvage muet, retrancher un grand nombre de passages qui ont déplu, et l'intérêt de la pièce fera alors plus facilement! oublier ses défauts.
Courrier des spectacles n° 3491 du 29 août 1806, p. 2-3 :
[Deuxième article sur le Sauvage muet, nettement plus développé. Le critique commence par douter du caractère nouveau du procédé, banal, de faire des pièces avec des muets, des aveugles, des sourds. Il donne quelques exemples de ce genre de pièces, avant de créditer l'auteur de la pièce nouvelle d'une innovation : son muet est un sauvage. Il entreprend ensuite de résumer une intrigue touffue, mettant en scène des Français , des Anglais, des Caraïbes (on est sur l'île de la Dominique). A grands coups de rebondissements, parfois opportuns (le personnage qu'il faut arrive là où il faut au moment qu'il faut...), il fait ressortir la cruauté et la jalousie d'un Anglais, alors que les autres personnages manifestent de la sympathie envers les Français. Bien sûr, les Français triomphent, le chef de l'armée française épouse celle que son ennemi anglais convoitait, et on danse « un ballet très-bien dessiné ». Les interprètes sont cités, et certains sont mis en avant. Mais la pièce est trop longue, trop chargée de détails, de faits inutilement dilués. La pièce contient cependant de quoi « faire un ouvrage intéressant ». Les auteurs ? Pour les paroles, l'anonymat. Sinon, le compositeur et le chorégraphe sont cités.
Théâtre de l’Ambigu-Comique.
Le Sauvage muet, ou les deux Caraïbes.
Celui qui le premier songea à mettre sur la scène un sourd , un aveugle ou un muet, eut une très-bonne idée ; c’étoit s’ouvrir une source féconde de situations touchantes ou comiques. Que ne peut-on pas faire avec un homme qui n'entend pas ce qu’on lui dit, qui ne voit pas ce qu'on fait, qui ne peut pas parler de ce qu’il a vu ? malheureusement ces moyens sont un peu usés ; on a tant vu de gens qui ne voient pas, entendu tant d hommes qui n’entendent pas, parlé devant tant de personnes qui ne parlent pas ! La Muette de Sénès, les Aveugles mendians, etc. ont d’avance épuisé toute l'admiration. Pour rajeunir son sujet, l’auteur de la pièce nouvelle a supposé que son muet étoit sauvage, et pour rendre ce sauvage plus intéressant, il en a fait un Caraïbe.
Ce Caraïbe muet est fils d’un Caraïbe qui parle. Le Caraïbe qui parle habite la Dominique. Il aime beaucoup les Français. Après un naufrage, il recueille le colonel Dorval ; mais il ne peut le soustraire aux recherches des Anglais, qui le font prisonnier. Dans sa captivité, Dorval captive lui-même une belle Anglaise,nommée miladi Birmington, dont le cœur étoit recherché par un Anglais nommé le capitaine Artuby. Ce capitaine devient furieux contre son rival ; mais le rival trouvant l’occasion de rompre ses chaînes, oublie celles qui l'attachent à Miladi, s’évade et revient en France, On le charge d’une expédition secrette. Artuby profite de sort absence pour entreprendre de nouveau la conquête de son insensible ; mais ses efforts sont inutiles. Il prend alors le parti de n'écouter que la vengeance ; il fait arrêter le Caraïbe qui a donné asyle à Dorval ; il fait arrêter la femme du Caraïbe, et son fils, qui est muet. La femme meurt en prison. Le jeune Caraïbe, qui ne parle pas, est mis entre les mains d’un aubergiste nommé Brown, qui par hasard se trouve aussi très-attaché aux Français. On surprend une lettre adressée à milady Birmington. Artuby est transporté de colère ; il convoque une cour martiale, et fait traduire devant elle, Brown et le jeune Caraïbe. Une tempête jette fort à propos, sur la côte, le père de Dorval. Artuby le prend encore et le traduit avec les autres à la cour martiale. Miladi écrit en leur faveur au gouverneur de l’ile ; l’ordre de les relâcher est donné. Mais on apprend bientôt que la Dominique est attaquée par les Français. On combat ; les Français triomphent, soutenus des Caraïbes. Le chef de l’armée victorieuse se montre ; c’est Dorval qui se réunit à miladi Birmington, au milieu des réjouissances publiques. Ces réjouissances amènent naturellement un ballet très-bien dessiné. On y a beaucoup applaudi la pantomine grotesque de Millot et la danse très-gracieuse de Mademoiselle Sainte-Marie. Le rôle du jeune Caraïbe a été très-bien joué par Martin ; celui d’Artuby par Defrêne et celui de Brown par Joigny.
La pièce est trop chargée de détails, sa marche est trop longue, les faits trop délayés ; mais il y a de la matière pour en faire un ouvrage intéressant.
L’auteur der. paroles a gardé l’anonyme ; celui de la musique est M. Quaisin ; celui des ballets M. Richard.
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