moralité

Pour un théâtre moral

Les critiques sont très attentifs au respect des convenances, et jugent les pièces selon cet important critère : le théâtre a un rôle moralisateur, et il faut louer les auteurs qui ont le souci de veiller à la santé morale de la population, dans son ensemble, ou en fonction de leur supposée fragilité : les jeunes filles notamment doivent faire l'objet d'une attention toute particulière. Inversement, les auteurs qui s'écartent de la morale ont droit à de sévères remontrances.

Quelques exemples de ces appels à la morale :

  • l'auteur de l'Orphelin (1797) a cru pouvoir construire le dénouement de la pièce sur le pardon accordée à la mère adultère, qui a eu un enfant pendant une longue absence de son mari : il s'attire une sévère remontrance de la part de la critique, qui considère que la faute de la mère est impardonnable, et rappelle que " le théâtre ne doit offrir que des modèles, rigoureux même, de mœurs & de vertus" : non à l'absolution de la mère coupable (rappel du titre de Beaumarchais, bien entendu);
  • le compte rendu de la Petite Ecole de Pères dans le Magasin encyclopédique de 1802 fait le procès d'un théâtre comique qui, au lieu de peindre les défauts de caractère comme le faisait l'ancienne comédie, montre sur la scène les vices. Le réquisitoire, s'il finit par épargner les auteurs, est pourtant d'une grande violence dans les termes employés : " Autrefois, dans les pièces de caractère, c’étoient les défauts qu’on peignoit pour les corriger : mais aujourd’hui on ne craint pas de dégrader la scène par la peinture des vices les plus bas, qu’on croit pouvoir placer dans les comédies, comme on mettoit il y a deux ans tous les crimes dans les pantomimes et les mélodrames. Ce genre de pièces étoit un réceptacle de brigandages et d’assassinats ; on voudroit faire de la comédie l’école du vice et du libertinage. "
  • La Petite Maison, jouée en 1804 (texte de Dieulafoy, musique de Spontini) ose montrer ce qui se passe dans une "petite maison", une de ces maisons que de riches personnes louent pour recevoir des dames qu'ils veulent corrompre. La tentative de séduction de l'héroïne féminine a été insupportable au public du parterre (la part la plus difficile du public), et la représentation ne va pas au-delà de l'acte II : après les cris et les invectivres, les spectateurs se livrent à des destructions. La police doit intervenir pour tenter de rétablir un semblant d'ordre...

Il n'y a pas que la morale qui soit en cause : ainsi, le Journal de Paris proteste contre la façon indigne dont la pièce qui se prétend "pièce historique",  Papirius, ou les Femmes comme elles étaient, traite les grands hommes de l'histoire: " Valérius Flaccus, baffoué comme un Cassandre, par une femme grossière et sans retenue, qui épuise toutes les manières de lui faire entendre ce refrain de Colombine : Vous étiez ce que vous n'êtes plus ; mais Caton, le censeur, travesti en chanteur d'épigrammes ou de madrigaux, s'acquittant de sa charge sur des airs de Pont-Neuf ; en un mot, Valérius Flaccus et Caton au Vaudeville, offensent le goût et la décence. Il faut n'avoir jamais lu l'Histoire romaine, n'avoir jamais eu le moindre sentiment de la majesté des grands personnages qui ont illustré le sénat, pour ne pas trouver une sorte de sacrilége dans la parodie de leur langage, dans le travestissement de leurs caractères, dans la seule représentation de leur personne."

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