Le Faux Stanislas

Le Faux Stanislas, comédie en trois actes, en prose, d'Alexandre Duval, 28 novembre 1809.

Odéon. Théâtre de l’Impératrice.

Titre

Faux Stanislas (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

prose

Musique :

non

Date de création :

28 novembre 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Alexandre Duval

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Vente, 1810 :

Le Faux Stanislas, comédie en trois actes, en prose, par M. Alexandre Duval. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de S. M. l’Impératrice et Reine, le 28 novembre 1809.

Mercure de France, tome trente-neuvième, n° CCCCXXXVII du samedi 2 décembre 1809, p. 319 :

On remarque que depuis peu de tems les grands théâtres ont pris un degré d'activité qui ne peut être que le résultat d'une impulsion et d'une direction également favorable aux lettres et aux arts. Presque dans une même semaine, on a donné Fernand Cortès, le Faux Stanislas, les Traci Amanti, le Diable à quatre avec une nouvelle musique. Il ne peut paraître inconvenant d'ajouter à cette liste le Pygmalion de Chérubini, entendu hier au théâtre de la Cour, et dont on fait un grand éloge.

I Traci amanti est un opéra de Cimarosa (Naples, 1793), titre français  les Amants turcs.

Mercure de France, tome trente-neuvième, n° CCCCXXXVIII du samedi 9 décembre 1809,p. 369-372 :

[Pour rendre compte de la pièce de Duval, le critique commence par en donner le contexte historique, avant de précise que « le sujet est d'ailleurs entiérement de [l’]invention » de l’auteur. Il en donne une analyse précise qui met bien en valeur l’existence d’une « double intrigue » dont il oublie de s’indigner, et le caractère facile du dénouement dont il oublie encore de s’indigner (un message reçu met fin au déguisement du faux Stanislas et dénoue tous les problèmes matrimoniaux : on a bien le double mariage attendu, tandis que le méchant trésorier se retrouve les mains vides). Le jugement porté ensuite souligne que la pièce se distingue par la variété des incidents et l’abondance des situations comiques. Les différents rôles sont jugés de façon plus ou moins positifs, jusqu’à regretter qu’un rôle de vieux valet ne soit pas plus et mieux utilisé. Mais le dialogue est lui traité de façon élogieuse : il est « plein de naturel, des mots très-heureux, des critiques pleines de sel et de gaîté », même si le rôle du faux Stanislas prend à la fin un ton trop proche du drame. Mais on retrouve dans la pièce le talent de Duval, dont plusieurs titres sont rappelés.]

Théâtre de l'Impératrice. Le Faux Stanislas, comédie en trois actes, en prose, de M. Alexandre Duval.

Lorsque le roi Stanislas partit en 1733 du château de Chambord pour se rendre au vœu des Polonais qui l'invitaient à remonter sur le trône, la cour de France, qui voulait tenir la chose secrète jusqu'à son arrivée à Varsovie, imagina de faire voyager sous son nom un officier qui lui ressemblait. Pour mieux donner le change aux puissances ennemies, on envoya cet officier en Bretagne comme devant s'embarquer à Brest, tandis que le vrai Stanislas avait pris la route de terre. Le stratagême réussit, et Stanislas arriva en effet à Varsovie sans avoir été découvert. Tel est le trait historique qui a fourni à M. Duval l'idée de sa nouvelle comédie, dont le sujet est d'ailleurs entiérement de son invention. Il a choisi, pour représenter Stanislas, un capitaine aux gardes nommé le chevalier de Morange, homme aimable, bon militaire, mais fort mauvais économe qui a perdu une grande parie de sa fortune au jeu ; c'est dans l’espoir de la réparer que le chevalier a accepté cette commission, très-délicate puisqu'il faut garder le plus profond secret, et passablement ennuyeuse puisqu’elle le condamne à courir en Bretagne de château en château, sous la gêne d'une étiquette d autant plus à charge, que les honneurs qu'il reçoit n'ont pour lui rien de réel.

C'est au château du baron de Kerbars,qu'il s'est arrêté, lorsque M. Duval nous le présente. Le baron est un bon gentilhomme plein de tous les préjugés de sa province. Il n’a qu’une fille va marier à M. de Montroc, trésorier des états de Bretagne, financier très-avide, et dont l'amour-propre égale la cupidité. Tout cela est d’une assez faible ressource pour le chevalier, et il n'aurait d'autre moyen de passer le tems que d'entretenir le baron et le trésorier de ses prétendus projets sur la Pologne, si un neveu de Montroc, rival préféré de son oncle, n'arrivait fort à propos pour offrir dans son désespoir ses services à Stanislas. Morange reconnaît d'abord, dans le jeune Edouard de Sainval, le fils d'un de ses meilleurs amis, et s'il ne peut faire sa fortune, il se décide à servir ses amours ; il y est d'autant plus disposé, que c’est l'avare Montroc qui s'est approprié à très-vil prix la terre que lui-même a été forcé de vendre. Il nomme donc Edouard son écuyer pour l'établir au château ; il le reconcilie d'autorité avec son oncle, et lui procure-un tête-à-tête avec Juliette, en feignant de consulter le baron et Montroc sur son itinéraire et sur la conduite qu'il doit tenir.

Cette petite intrigue amuse assez le faux Stanislas : mais il va bientôt être plus fortement intrigué lui-même. On annonce la marquise de Roselle, nièce du baron : non-seulement elle connaît le chevalier, mais elle l'aime, elle en est aimée, et leur mariage était près de se conclure lorsque Morange l'a quittée sous le prétexte d'aller aux eaux ; il voudrait bien l’éviter ; mais, la chose étant impossible, il se décide à braver la reconnaissance à la saveur de son habit polonais, des honneurs qu'on lui rend et de beaucoup d’effronterie. La marquise paraît en effet : les traits du prétendu roi la frappent ; mais il fait si bonne contenance, que le premier acte finit sans que madame de Roselle ait pu concevoir plus que des soupçons.

La double intrigue marche fort bien dans le second acte. Le faux Stanislas, tout occupé de son jeune ami, entreprend le trésorier Montroc dans une audience particulière : il l'attaque par l'amour-propre et l'avarice, et ne lui promet pas moins que le ministère des finances de Pologne, une terre magnifique, et la main d'une jeune princesse polonaise riche de plusieurs millions. Montroc fait quelques difficultés sur ce dernier article à cause de ses engagemens avec le père de Juliette ; mais le roi insiste, et le trésorier se résout à lui appartenir par la place, par la terre et par la femme, se flattant qu’avec l’aide de la marquise, il fera entendre raison au baron.

A cette scène en succède une autre où Morange n'a pas si beau jeu. La marquise a sollicité aussi son audience, dans l'intention de reconnaître si le prétendu roi n'est pas son chevalier. Morange, à qui l'amour donne trop de sécurité, veut éprouver le cœur de sa dame ; il lui fait la cour comme roi ; il devient entreprenant ; c'est ce que voulait la marquise. Au moment où le faux Stanislas veut lui baiser la main, elle saisit la sienne et reconnaît une cicatrice qui lui prouve que c'est le chevalier. Cependant Morange ne perd pas la tête ; il se retranche dans sa dignité, et fait ferme dans ce poste avantageux ; mais peut-être serait-il forcé de se rendre, si l'on ne venait annoncer le gouverneur de Brest qui vient par ordre de la cour au-devant de S. M. polonaise. A cette nouvelle preuve de la royauté du chevalier, la marquise ne sait plus que croire, et Morange la quitte pour aller recevoir le gouverneur. Le reste de l'acte est rempli par le débat qui s'élève entre le baron et le trésorier, lorsque celui-ci annonce au premier qu'il ne peut plus épouser sa fille. Kerbars ne veut point d'excuses, et lui déclare qu'il épousera Juliette, ou qu'il sera jeté dans les fossés du château.

Au troisième acte, le futur ministre vient exposer son embarras au prétendu roi, qui lui offre deux moyens d'en sortir ; l'un est de se battre avec le baron, l'autre de céder Juliette à son neveu, et de donner à celui-ci, en le mariant, cette terre des Trois-Rivières, qu'il a eue du chevalier de Morange à si bon marché. Grand combat dans le cœur du trésorier entre la peur, l'ambition et l'avarice ; mais enfin la peur l'emporte, et une fois décidé, Montroc est si bon courtisan qu'au lieu d'une promesse d'honneur que lui demandait le roi en faveur d'Edouard, il rédige une quittance de 400 mille francs en bonne forme, attendu qu'en affaire l'honneur ne signifie rien.

Voilà donc Morange fort tranquille de ce côté ; mais le faux Stanislas n'est point encore en sûreté de la part de la marquise. Elle veut absolument savoir à quoi s'en tenir, en mettant le chevalier à une dernière épreuve. L'arrivée du gouverneur de Brest lui en fournit le moyen. C'est un de ses auciens adorateurs ; elle s'arrange de manière à avoir un tête-à-tête avec lui pendant que Morange l'épie sans se douter qu'elle l'a vu se cacher. Dans cette position elle met le pauvre gouverneur sur la voie ; il mord bien vite à l'hameçon, et Mme de Roselle lui promet sa main, si le chevalier qui l'a quittée si indignement, ne reparaît dans la journée. Il reparaît effet, mais sous le nom de Stanislas qu'il n'ose quitter ; il oppose son autorité au mariage que veut contracter la marquise ; il renvoie le gouverneur et reste seul avec Mme de Roselle. Alors commence une scène où le pauvre Morange, tourmenté par l'amour, retenu par le devoir, parlant tantôt en son nom, tantôt au nom de son rôle, accable la marquise de reproches, menace son rival de toute sa fureur, se trahit vingt fois et reprend autant de fois son masque. Mme de Roselle, qui n'est plus sa dupe, jouit intérieurement de son agitation ; mais elle est au moment de douter encore lorsqu'on annonce l'arrivée d'un courier du cabinet. Pendant que le faux Stanislas lui donne audience, la famille se réunit. Le baron, sans cesser d'être en colère contre le trésorier, consent que son neveu épouse Juliette. Il veut unir le gouverneur à la marquise, mais celle-ci déclare que Stanislas s'y oppose et fait entendre qu'elle pourrait bien lui avoir inspiré de l'amour. Le baron commence par se fâcher, et s'apaise ensuite par l'idée que le roi de Pologne, n'étant qu'un monarque électif, pourrait bien épouser sa nièce. Morange se montre alors en uniforme de capitaine aux gardes. Il a reçu par le courier la nouvelle de l'arrivée de Stanislas à Varsovie, la permission de quitter son déguisement, et un brevet de maréchal de camp en récompense du service qu'il vient de rendre. On se doute bien que son mariage avec la marquise ne souffre plus de difficultés. Le trésorier voudrait revenir sur le don de sa terre; mais, outre que sa quittance est bien rédigée, il craint que Morange ne le tourne en ridicule à la cour et se soumet, Edouard épouse Juliette, et tout le monde est content.

Telle est la marche de cette comédie : on voit que les incidens en sont variés, qu'elle offre des situations comiques. Le rôle du faux Stanislas est très-brillant ; celui du trésorier égaye beaucoup la scène ; le caractère du baron est peut-être un peu chargé et la naïveté de Juliette un peu trop franche, mais ce qui a sur-tout manqué à ce dernier rôle, c'est d'être joué au Théâtre-Français par Mlle Mars. Il y a de la finesse dans celui de Mme de Roselle. On peut regretter que l'auteur n'ait pas tiré un meilleur parti d'un vieux valet de chambre donné par le ministre au faux Stanislas, et qui s'annonçait d'une manière très-comique. Un dialogue plein de naturel, des mots très-heureux, des critiques pleines de sel et de gaîté, ont contribué au succès de l'ouvrage. Peut-être eût-il été plus brillant, si le faux Stanislas, dans la dernière épreuve que Mme de Roselle lui fait subir, avait pris un ton moins tragique, Il semble qu'on aurait pu soutenir le ton de la comédie dans cette scène qui tombe un peu dans le drame. Quoi qu'il en soit, on a reconnu dans le Faux Stanislas le talent distingué de l'auteur des Projets de Mariage, du Tyran domestique, de la Jeunesse d'Henri V ; c'est assez en faire l'éloge.                           V.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome VI, p. 394-395 :

[La pièce repose sur un procédé souvent utilisé, un quiproquo consistant à faire jouer à un personnage le rôle d’un roi. Rien d’inattendu là-dedans, d’après le critique : « le dénouement est l'abdication du faux Monarque » quand la sécurité du monarque qu’il représente est assurée. Malgré sa drôlerie, la pièce a été reçue avec des réserves, soit pour des longueurs, soit pour des réminiscences, mais l’auteur, en bon connaisseur du théâtre a fait ce qu’il fallait pour corriger ces erreurs et assurer le succès de sa pièce, assurée aussi par la qualité des interprètes.]

ODÉON. THÉATRE DE L’lMPÉRATRlCE.

Le Faux Stanislas, comédie en trois actes et en prose, jouée le 28 novembre.

On a déja fait beaucoup de pièces sur de pareils quiproquos. Dernièrement, encore, on a joué au Théâtre Français la Revanche, où un Duc prend le nom d'un Roi. Quoique toutes les scènes qui résultent d'une semblable méprise soyent à peu près connues, elles ne laissent pas que d'amuser encore quand l'auteur a l'art de les filer.

Le Faux Stanislas est le chevalier de Solanges, jeune français que sa cour fait voyager avec un train et toutes les apparences de la royauté, pour déguiser la marche du véritable roi de Pologne qui se rend incognito dans ses états. Le chevalier rencontre en route une ancienne maîtresse qui a beaucoup de peine à se persuader que le Roi ne soit pas son amant ; ou que sou amant ne soit pas le Roi. Plusieurs originaux égayent la scène; entre autres, un Baron, un Financier et une Ingénue, dont les respects pour le faux Stanislas sont assez comiques.

On se doute bien que le dénouement est l'abdication du faux Monarque, lorsqu'il a appris que celui qu'il représente est hors de danger.

Cette comédie avoit éprouvé à sa première représentation quelques désagrémens. Les uns y trouvoient des longueurs, les autres des réminiscences. Le rôle de la jeune Bretonne sembloit un peu trop ingénu. M. Duval, auteur de la pièce, l'a coupée en homme qui connoît la scène. Elle marche bien maintenant et obtient du succès. Clozel a très-bien joué le Faux Stanislas, et Madame Dacosta la Marquise. Les autres rôles sont joués avec ensemble et talent par MM. Peroud, Chazelles et Firmin.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1810, tome I (janvier 1810), p. 289-291 :

[Pour rendre compte d’une comédie au sujet plutôt mince, le critique croit utile de lui donner une épaisseur historique un peu disproportionnée : cette histoire de faux roi devient une affaire de haute politique faisant intervenir Louis XV. La première représentation a été chahutée, parce qu’on attendait trop de l’auteur, connu de tous, et elle n’a réussi qu’à la deuxième représentation. Cet échec initial est expliqué par la déception du public devant « la simplicité du sujet, celle de l'exécution, et le ton naturel, simple et naïf de l'ouvrage ». Il attendait un drame, il voyait une comédie à l’intrigue légère, avec « des caractères très-plaisans, et des physionomies d'originaux qui appartiennent bien à la comédie ». Le résumé de l’intrigue montre assez clairement que la pièce utilise de vieilles ressources comiques : un faux roi qui trompe l’oncle d’un ami pour que celui-ci puisse épouser sa maîtresse ; une ancienne maîtresse reconnaissant le faux roi, ce qui conduit d’ailleurs à introduire une deuxième intrigue (où est l’indispensable unité d’action ?). Tout les auteurs ne sont pas capables de faire trois actes sur unt el sujet, il faut avoir le talent de Duval pour y réussir. Mais le critique souhaite que Duval consacre son réel talent à de meilleurs sujets : il attend plus de travail « dans un genre plus élevé » que cette comédie à la fois « historique, anecdotique, romanesque, intriguée », même s’il faut reconnaître que le public s’amuse à la représentation.]

Théâtre de l’Impératrice.

Le faux Stanislas.

Le, ministère français sous Louis XV ayant jugé convenable d'ordonner qu'on jouât la comédie en son nom, un auteur comique a bien pu faire de cet ordre le sujet d'une comédie ; cet ordre était dans les intérêts du roi Stanislas qui, pour la seconde fois, cherchait à se rendre en Pologne, où son élection avait pour antagonistes l'Autriche et la Russie. Pour rendre les agens de ces deux puissances moins surveillans, et pour faciliter le passage de ce monarque électif, de France à Varsovie, le ministère fit répandre le bruit que Stanislas se rendait à Brest ; que de là, au premier vent propice, une flotte française le conduirait à Dantzick : ce bruit produisit l'effet qu'on en attendait ; le roi Stanislas arriva à sa destination, et l'officier qui, doué de l'avantage de ressembler à ce prince, en avait fort bien joué le rôle devant toute la Bretagne, revint à Paris dépouiller les marques passagères de sa dignité, et les attributs de sa royauté de quelques semaines.

C'est ce trait que M. Duval vient de présenter à la scène. Le faux Stanislas a été donné au théâtre de l'Odéon que M. Duval dirige, la première fois, avec un succès contesté, quoique le nom de l'auteur fût connu, ou plutôt parce qu'il était connu, et qu'une attente extrêmement favorable s'était formée ; à la seconde représentation, à l'aide de quelques changemens, il a eu un succès complet. L'auteur a été demandé, et nommé au milieu des applaudissemens les phus sincères.

A la première représentation, ceux qui n'ignoraient pas que le faux Stanislas fût de M. Duval, attendaient que ce roi supposé ; que ce personnage empruntant le nom d'un roi, ou que ce roi empruntant ce nom d'un personnage, serait le ressort d'une intrigue fortement conçue, nourrie d'incidens auxquels sans trop s'attacher à la vraisemblance, une couleur étrangère, mais comique, la magie des noms et de brillans costumes donneraient un certain intérêt ; et je pense que le peu de succès de la pièce, à la première représentation, vient de l'étonnement où ont jetté le public la simplicité du sujet, celle de l'exécution, et le ton naturel, simple et naïf de l'ouvrage ; franchement sur le titre, on s'attendait à une sorte de drame un peu romanesque ; on n'a pas été médiocrement surpris de trouver une comédie dans laquelle, sous le voile d'une intrigue légère et d'une autre action presqu'accessoire, se dessinent des caractères très-plaisans, et des physionomies d'originaux qui appartiennent bien à la comédie.

En effet, notre Stanislas, qui n'est autre qu'un officier aux gardes, le chevalier de Morange, envoyé en Bretagne par le cardinal de Fleury, pour y fasciner les yeux de la province, se trouvant sur la route de Brest, et y recevant les hommages des principaux habitans, y rencontre, sans être connu, le fils d'un ancien ami, auquel on veut ravir sa maîtresse ; un financier, oncle de ce jeune homme, épris de celle qu'il aime, et coupable d'avoir, à l'aide de certains procédés usuraires, envahi une terre à lui chevalier de Morange.

Mystifier l'oncle, en le faisant ministre des finances en Pologne, en lui donnant une grande princesse pour épouse, et une grande terre pour appanage, le fait renoncer à son mariage, et obtenir en faveur de son neveu la terre injustement acquise ; voilà le premier plan du chevalier, et celui que dans le cours de 1'ouvrage, il exécute avec plus de facilité.

Mais il a une bien autre tâche à remplir, il faut tromper une femme, et une femme de la cour, et une femme qui l'aime et dont il est lui-même très-épris ; une femme qui le voyant parti secrettement de Paris, s'est rendue en Bretagne au sein de sa famille, et qui par hasard, dans Stanislas, trouve, ou croit trouver, et hésite de reconnaître le chevalier de Morange. Les scènes qu'amène cette seconde intrigue sont filées avec beaucoup d'art et de délicatesse ; celles où l'oncle est pris pour dupe ont un comique plus franc ; chaque chose est ainsi à sa place, et l'on a à regretter seulement que l'auteur n'ait pas cru pouvoir fournir à sa pièce entière au moyen de l'une de ses idées ; c'est ici que l'abondance, si elle ne nuit pas, du moins n'est pas utile.

Je ne demanderai pas à tout le monde de faire trois actes dont le sujet serait le chevalier de Morange se cachant aux yeux de sa maîtresse sous le nom de Stanislas, et celle-ci le rendant jaloux, le mettant dans l'embarras le plus cruel et le plus comique ; mais je l'aurais demandé à l'auteur de la Jeunesse d'Henri V, du Prisonnier, de Maison à Vendre, et du Menuisier de Livonie.

Il y a plus, si je m'adressais, en parlant à M. Duval, à l'auteur du Tyran Domestique, je ne lui demanderais peut-être pas de consacrer à de tels sujets le talent qui lui est départi ; je lui reprocherais de tourner involontairement dans le même cercle, et de se ressembler un peu en traitant des sujets dont le fond est une ressemblance convenue, et je lui dirais : La comédie historique, anecdotique, romanesque, intriguée, est un genre fort agréable, mais il est d'un exemple dangereux parce qu'on le croit facile, et il vous appartient de donner l'exemple d'un travail plus sérieux dans un genre plus élevé et d'un succès plus durable. En me rendant ensuite l'interprète de la grande majorité du public, il faudra que je dise que le faux Stanislas amuse et égaie beaucoup le spectateur ; qu'il y a tour à tour des scènes très-piquantes, très-comiques et très-gracieuses ; que le rôle du roi est bien fait, bien soutenu, et que, puisqu'il n'avait rien à faire sur la route de Brest, il était difficile de l'occuper plus agréablement pour son bien et pour celui des autres ; que l'exposition est d'une adresse digne d'éloges, et que le dénouement est fort bien amené.

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