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Catastrophe

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Catastrophe.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 222-225 :

CATASTROPHE. C'est le changement ou la révolution qui arrive à la fin de l'action d'un Poëme Dramatique, & qui la termine.

Selon quelques Commentateurs, la Catastrophe étoit la quatrième & derniere Partie des Tragédies anciennes, où elle succédoit à la Catastase, mais ceux qui retranchent celle-ci , ne comptant que la Protase, l'Epitase & la Catastrophe, appellent cette derniere la troisième.

La Catastrophe est ou simple ou compliquée ; ce qui fait donner aussi à l'action, l'une ou l'autre de ces dénominations. Voyez Fable.

Dans la premiere, on ne suppose ni changement dans l’état des principaux Personnages, ni reconnoissance, ni dénouement proprement dit, l’intrigue qui régne n'étant qu'un simple passage du trouble à la tranquillité. On en trouve quelques exemples dans les anciens Tragiques ; c'est la Catastrophe la plus défectueuse; & les modernes ne l'ont point imitée.

Dans la seconde, le principal Personnage éprouve un changement de fortune, quelquefois, au moyen d'une reconnoissance, & quelquefois, sans que le Poëte ait recours à cette situation- Ce changement s'appelle autrement Péripétie ; & les qualités qu'il doit avoir sont d'être probable & nécessaire. Pour être probable, il faut qu'il résulte de tous les effets précéden ; qu'il naisse du fond même du sujet, ou prenne sa source dans les incidens, & ne paroisse pas amené ou introduit à dessein, encore moins forcément.

La reconnoissance sur laquelle une Catastrophe est fondée, doit avoir les mêmes qualités que la Catastrophe, & par conséquent, pour être probable, il faut qu'elle naisse du sujet même, qu'elle ne soit point produite par des marques équivoques, comme bagues, bracelets ; ce qui arrive fréquemment dans les Piéces Espagnoles ; usage qui se seroit établi en France, si Boileau ne l'eût empêché, en le moquant de l'Astrate de Quinault.

Sur-tout l'Anneau Royal me semble bien trouvé.

Il ne saut pas non plus que la Catastrophe soit amenée par une simple réflexion, comme on en voit beaucoup d'exemples dans les Piéces anciennes, & dans quelques modernes. Une des régles essentielles de la Catastrophe, c'est qu'elle ne doit laisser aucun doute dans les esprits sur le sort d'un Personnage qui a intéressé dans le cours de l'ouvrage. II faut éviter également les discours superflus & les actions inutiles.

Elle ne doit jamais laisser les Personnages introduits . dans les mêmes sentimens, mais les faire passer à des sentimens contraires comme de l'amour à la haine, de la colere à la clémence.

Quelquefois toute la Catastrophe ou révolution consiste dans une reconnaissance, tantôt elle en est une suite un peu éloignée, & tantôt l'effet le plus immédiat & le plus prochain ; & c'est dit-on la plus belle espèce de Catastrophe ; telle est celle d’Œdipe. Voyez Péripétie & Reconnoisance.

Dryden pense qu'une Catastrophe qui résulteroit du simple changement de sentiment & de résolution d'un Personnage, pourroit être assez bien maniée, pour devenir très-belle, & même préférable à toute autre. Le dénouement du Cinna de Corneille est à peu-près dans ce genre. Auguste avoit toutes les raisons du monde, pour se venger ; il le pouvoit; il pardonne;& c'est ce qu'on admire. Mais cette façon de dénouer les Piéces, favorable aux Poètes , ne plairoit pas toujours aux Spectateurs qui veulent être remués par des événemens surprenans & inattendus. Voyez Dénouement.

Les Auteurs qui ont traité de la Poëtique, ont mis en question, si la Catastrophe doit tourner à l'avantage de la vertu, ou non ; s'il est toujours nécessaire qu'à la fin de la Piéce la vertu soit récompensée ou le crime puni. La raison & l'intérêt des bonnes mœurs semblent demander qu'un Auteur tâche de ne présenter aux Spectateurs, que la punition du vice & le triomphe de la vertu. Cependant le sentiment contraire a ses Défenseurs. Aristote préfere la Catastrophe qui révolte, à une Catastrophe heureuse. II se moque même du peuple qui préfere cette derniere, & de la foiblesse des Poètes qui se conforment aux désirs de la multitude. Sa raison est que la Catastrophe funeste est plus propre que l'autre, à exciter la terreur & la pitié, qui sont les deux fins de la Tragédie.

Observons que ce précepte ne tend point à faire ensanglanter la Scène. On ne doit se le permettre que dans des occasions extraordinaires, dans lesquelles on sauve, autant qu'on peut, cette atrocité dégoutante. Adisson dit que le meurtre de Camille, dans la Tragédie d'Horace,est d'autant plus révoltant, qu'il semble commis de sang-froid, & qu'Horace traversant tout le Théâtre pour aller poignarder sa soeur, avoit tout le tems de la réflexion.

On doit très-rarement violer la régle qui veut que la reconnoissance précède la Catastrophe. Cette régle est dans la nature ; car lorsque la péripétie est arrivée, quand le Tyran est tué, personne ne s'intéresse au reste.

C'est une belle Catastrophe,quand on passe de la crainte à la pitié, de la rigueur au pardon ; & qu'ensuite on retombe, par un accident nouveau, mais vraisemblable, dans l'abîme dont on vient de sortir.

Quelquefois la Catastrophe se passe sur la Scène, aux yeux des Spectateurs. Quelquefois elle est mise en récit. C'est la nature des choses, la bienséance & le goût du Public, qu'on doit consulter dans le choix de ces deux manieres. Voyez Dénouement, Tableau.

Références :

Pièces :

Corneille, Cinna, acte 4; scène 3 (le monologue d’Auguste)  son dénouement correspond bien à ce que souhaite Dryden, puisqu’il repose sur le changement de décision d’Auguste, qui choisit de pardonner au lieu de punir.

Corneille, Horace, acte 4, scène 5 : le meurtre de Camille est jugé choquant par Adisson.

Quinault, l’Astrate, acte 3, scènes 2 et 3 ; l’intrigue utilise comme moyen de reconnaissance un anneau royal, objet des sarcasmes de Boileau, ce qui a porté un coup fatal à l’emploi de telles catastrophes.

Œdipe (mais quelle pièce portant ce titre ?) utilise excellemment la reconnaissance comme moyen de dénouer l’intrigue. L’ Œdipe roi de Sophocle ?

Critique littéraire :

Addison (Joseph Addison (1672-1719), écrivain et homme politique anglais) est révolté par l’assassinat de Camille par Horace, commis presque de sang-froid, puisqu’il traverse le théâtre pour tuer sa sœur.

Aristote, Poétique, chapitre 13, préfère la catastrophe qui révolte à la catastrophe heureuse.

Boileau, Satires, 13, vers 196, a empêché que les marques de reconnaissance permettent des catastrophes faciles, en se moquant de l’Astrate de Quinault.

Dryden (John Dryden, poète et dramaturge anglais, 1631-1700, auteur en 1668 d’un Essay of Dramatick Poesie) : ce serait une bonne catastrophe que celle qui résulterait du changement de sentiment d’un personnage.

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