Le Poète et le musicien ou Je cherche un sujet

Le Poète et le musicien, ou Je cherche un sujet, opéra-comique en trois actes et en vers, paroles de Dupaty, musique de Dalayrac, 30 mai 1811.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Poète et le musicien (le), ou Je cherche un sujet

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

30 mai 1811

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Dupaty

Compositeur(s) :

Dalayrac

Almanach des Muses 1812.

Deux amis, l'un poëte et l'autre musicien, font des opéras et des dettes en communauté. Un évènement un peu romanesque oblige le jeune poëte à prendre le nom d'un étourdi comme lui, qui a contracté un mariage secret sans l'aveu de son oncle. Arrivent alors de créanciers, un cartel ; enfin, l'oncle lui-même, qui vient pour marier son neveu avec la jeune personne qu'il a secrètement épousée. De la naissent des quiproquos, des incidens, la plupart très-comiques, jusqu'au moment où le poëte, après avoir réconcilié l'oncle avec son neveu, reprend son nom, en s'applaudissant d'avoir trouvé, dans les évènemens de la journée, le sujet d'un opéra-comique, ce qu'il cherchait depuis fort longtemps.

Beaucoup d'esprit dans le dialogue, et des vers charmans. Musique posthume de Dalayrac, où l'on retrouve toute la grâce de ce célèbre compositeur, enlevé trop tôt aux arts et à la gloire. Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Bechet, 1811 :

Le Poète et le Musicien, ou je cherche un sujet, Comédie en trois Actes et en vers, mêlée de chant ; précédée d'un prologue en vers libres. Par M. Emmanuel Dupaty ; musique posthume de D'Aleyrac, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre impérial de l'Opéra-Comique, par les comédiens ordinaires de S. M., le 30 mai 1811.

Le prologue est à la gloire de Daleyrac, récemment décédé.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII, août 1811, p. 281-287 :

[Le Poëte et le musicien sont un ouvrage posthume de Dalayrac, et le compte rendu qui en est fait accorde une large place à l’hommage dû à ce musicien. Il rappelle sa filiation artistique avec le grand Grétry et cite les titres de ses principales créations. Il insiste aussi sur ses qualités, sociabilité, loyauté, égalité d’humeur, finesse de l’esprit, qui le font regretter de tous, public, musiciens, poètes, comédiens. Il laissait en mourant un ouvrage achevé « dont il parlait […] avec une extrême complaisance. Les paroles lui avaient été proposées par Dupaty. Celui-ci a fait précéder l’opéra-comique d’un prologue, à l’image de celui qu’écrit Andrieux à la mémoire de Collin d’Harleville pour introduire la Querelle des deux Frères. Le critique souligne combien Dalayrac et Collin peuvent être rapprochés. Ce prologue plein « d'esprit, de mesure et de délicatesse » a été vivement apprécié. Il a été précédé d’une ouverture qui parodiait les airs les plus connus de Dalayrac. Il faut bien arriver à l’opéra-comique. Le critique semble un peu embarrassé pour en parler. Il paraît surpris que l’intrigue ne soit pas centrée sur les difficultés de relation entre le poète et son musicien, mais qu’elle soit le développement d’une histoire très compliquée. Il renonce d’ailleurs à en « donner une idée », il en signale « l’invraisemblance des premiers moyens » tout en y trouvant « des scènes vives, animées, imprévues, dialoguées avec tant d'esprit, qu'il faut nécessairement que l'auteur se détermine à cet égard à quelques sacrifices » (un compliment qui introduit une critique...). Le livret, dont le style est bien éloigné de celui du théâtre, accorde trop peu de place au musicien : « la musique y trouve difficilement l'occasion de se placer et de se développer ». Cette musique est qualifiée de façon positive, avec quelques restrictions. Mais il faudrait que des coupures dans le livret permettent à la musique d’occuper sa place. La pièce a été un succès. On a couronné un buste de Dalayrac, avant de révéler le nom du parolier.]

Théâtre Impérial de l’Opéra-Comique.

Le Poëte et le Musicien.

Le spectacle donné le 30 Mai au théâtre de l'Opéra-Comique, peut être moins considéré comme la représentation d’un ouvrage nouveau, que comme un hommage ingénieux et touchant à-la fois, rendu à la mémoire d'un homme que la nature avait fait artiste, qui, appellé à une autre carrière, ne put résister à la vocation la plus décidée, et quitta l'épée de chevalier pour la lyre du troubadour. Le lecteur nomme Dalayrac, l'un des compositeurs qui ont le plus contribué à donner à l'école musicale française le caractère qui lui est propre, l'expression dramatique, l'originalité et la variété. Grétry fut son modèle, et il mérita que son nom fût placé immédiatement après celui de ce maître : il ne cherche point à l'imiter : les qualités de Grétry ne s'imitent point ; elles sont dues surtout à la la nature ; mais Dalayrac en avait aussi reçu d'elle qui avaient de l'analogie avec celles de Grétry, et l'auteur de Camille, de Nina [Nina, ou la Folie par amour, 1786], de Sargines [Sargines, ou l'Elève de l'amour, 1788], d’Azémia [Arémia, ou le Nouveau Robinson, 1786], s'est mis à la suite de l'auteur de Zémire [Zémire et Azor, 1771] et de la Fausse magie [1775], comme ce dernier dit qu'il s'était mis à la suite de Pergolèze [sic].

Dalayrac ne fut pas seulement un compositeur très-distingué ; ses qualités sociales, la loyauté, l’égalité de son caractère, les agrémens et la finesse de son esprit, le rendirent également recommandable : le public regrette en lui l'auteur de tant de productions qui lui survivront long-temps ; les musiciens, un rival qui les étonnait toujours par la rapidité de ses succès sans exciter en eux un sentiment de jalousie ; les poëtes, un compositeur qui les entendait, et savait se faire entendre d'eux ; les comédiens, un auteur fécond, heureux, qui connaissait bien le goût national, qui ne cherchait point à lui faire violence, et qui, appréciant bien ses moyens, aima mieux être populaire que classique, et être chanté dans toute la France qu'étudié dans les conservatoires.

Lorsque la mort le surprit dans un âge peu avancé, il venait d'achever une composition qui lui avait souri, et dont il parlait, chose rare pour lui, avec une extrême complaisance. Cet ouvrage était le Poëte et le Musicien, cadre qui semble devoir être heureux pour le musicien et pour le poète appellés à le remplir. Un auteur déjà très-connu par un grand nombre de productions ingénieuses, spirituelles et délicates, M. Dupaty, s'était associé Dalayrac pour traiter ce sujet, et était loin de s'attendre que son ami n'en partagerait pas avec lui le succès.

Dans le prologue de la Querelle des deux Frères, M. Andrieux a entretenu le public de ses regrets, et l'amitié a tracé en vers charmans le portrait de Collin d'Harleville, enlevé aussi avant le temps ; M. Dupaty s'est autorisé de cet exemple ; pour parler de Dalayrac au public, il lui a rappellé que M. Andrieux lui avait parlé de Collin ; le rapprochement était heureux : si Collin avait fait des opéras, c'est probablement Dalayrac qui en eût fait la musique. Dans son prologue, M. Dupaty appelle son ami le La Fontaine de son art ; on avait aussi dit de Collin qu'il était le La Fontaine de la comédie. Ces applications ne peuvent jamais être rigoureusement exactes ; mais quand le goût et la convenance ne les repoussent pas trop, quand elles sont présentées avec esprit, elles sont permises à l'amitié.

C'est avec beaucoup d'esprit, de mesure et de délicatesse, que l'amitié de M. Dupaty s'est exprimée dans son ingénieux prologue : le public l'a entendu avec le plus vif intérêt, et l'a applaudi presqu'à chaque vers ; et lorsque, par une précaution vraiment oratoire, l'auteur a exprimé la crainte que la faiblesse de son ouvrage n'enlevât un dernier succès à son ami, les applaudissemens qu'il a entendus ont bien dû le rassurer.

Ce prologue avait lui-même une ouverture ; celle-ci n'était pas précisément nouvelle, mais elle n'en a fait que plus de plaisir : un soin délicat y avait réuni et lié fort adroitement les motifs de ces airs de Dalayrac qui ont eu une fortune si rapide et si constante, la muzette et la romance de Nina, le chœur de Sargines, les chansons du Petit Savoyard, d’Azémia, de Gulistan, etc., etc., et. ; il serait long et difficile d'expliquer par quels rapprochemens de motifs touchans ce centon musical se termine ; il suffit d'en indiquer l'ingénieuse idée , pour faire concevoir l'effet qu'il a dû produire : il est probable qu'il sera conservé et peut-être souvent redemandé.

C'est sous de tels auspices que le Poète et le Musicien ont été représentés. On pouvait croire que l'auteur, plus à portée qu'un autre de reproduire de pareils traits, aurait mis le public dans la confidence des rapports et des difficultés qui s'établissent entre le musicien et le poète travaillant ensemble, et même entre ceux-ci et les comédiens ; qu'il nous aurait appris ce que c'est que faire un opéra, et ce que c'est que de le faire donner : peut-être le sujet d'un opéra comique est-il dans cette idée ; quoi qu'il en soit, elle n'est qu'indiquée dans l'ouvrage nouveau : le poëte cherche un sujet, et le trouve d'acte en acte dans le nœud et le développement d'une des intrigues les plus compliquées que l'auteur toujours ingénieux à se créer des difficultés, ait pu concevoir et dénouer. L'auteur des Deux Figaros, le comédien Martelli, dont la personne et l'ouvrage ne seraient pas déplacés au Théâtre Français, avait eu à peu-près la même idée. Dans sa pièce, un poëte demande des conseils à Figaro, et reçoit de lui pour plan de comédie, l'indication des scènes qui se succèdent : ici le rôle du poëte est le principal : il intrigue pour composer ; il met en jeu ses personnages avant de les mettre en scène : il ressemble à l'artiste qui essaie sur ses mannequins l'effet du tableau qu'il va peindre.

Nous n'essayerons pas de donner une idée de cette intrigue ; elle frappe d'abord par l'invraisemblance des premiers moyens ; l'attention qu'elle exige est une sorte de compensation du divertissement qu'elle procure ; mais elle donne lieu à des scènes vives, animées, imprévues, dialoguées avec tant d'esprit, qu'il faut nécessairement que l'auteur se détermine à cet égard à quelques sacrifices ; son premier acte particulièrement offre quelques tirades où la conversation de ses personnages manque de naturel, et où le vers de la comédie est abandonné pour celui de l'épitre, et même de la haute poésie. L'ouvrage est écrit d'ailleurs avec beaucoup de correction à-la-fois et d'élégance.

C'est un opéra comique, et cet opéra a réussi ; il n'y a rien à dire ; mais l'intrigue y est si vive, que la musique y trouve difficilement l'occasion de se placer et de se développer. Ce sujet, travaillé pour le Théâtre Français, eût pu, selon nous, fournir une comédie d'intrigue très-piquante, et il n'était pas de sa nature de donner au musicien une heureuse occasion de briller. Dalayrac a écrit cette partition avec beaucoup de soin et un certain luxe musical, tribut qu'il payait peut-être à regret au goût du moment ; les morceaux d’ensemble sont coupés avec l'esprit et l'intelligence de la scène qu'il possédait si bien ; mais cette composition manque en général de cette verve, de cette originalité et de cette variété de tons et de motifs qui lui était propre. On peut dire que dans cet ouvrage le poëte tient trop de place pour que le musicien ait celle que nous aurions désiré lui voir occuper ; aux représentations suivantes, quelques coupures rétabliront peut-être l'équilibre, et nous nous ferons un plaisir de revenir sur l'effet qu'elles auront produit.

L'ouvrage joué par les premiers sujets, a eu un succès très-brillant. Le public demandait vivement le nom de l'auteur ; la toile relevée a laissé voir le buste de Dalayrac, ouvrage de M. Cartellier, honorable produit d'une souscription des auteurs dramatiques, entouré des acteurs et couronné par eux pendant l'exécution du chœur de Nina, parodié pour cette circonstance. Ce dernier hommage a-été accueilli comme il devait l'être. M. Dupaty a été ensuite nommé au milieu des plus vifs applaudissemens.                   S ....

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