Les Parents ou la Ville et le village

Les Parents ou la Ville et le village, comédie en trois actes, imitée de l'allemand de Kotzebue, de Hyacinthe Dorvo, 18 avril 1807

Théâtre des Variétés-Étrangères.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Antoine-Augustin Renouard, 1807 :

Les Parents ou la Ville et le village, comédie en trois actes, imitée de l'allemand de Kotzebue ; Représentée, pour la première fois, sur le théâtre des Variétés-Etrangères, le 18 avril 1807.

Quelqu'un a ajouté à la main, sous le nom de Kotzebue, « Par Dorvo ».

Journal de Paris, n° 109 du 19 avril 1807, p.6 :

Les Parens, comédie en 3 aptes, traduite de l’allemand, obtint hier, au théâtre des Variétés étrangères, un succès brillant & sans opposition. C’est un ouvrage fort agréable, une comédie très-piquante à la fois & très-morale, à laquelle il ne manque que d’être joute .avec plus d’ensemble, de chaleur & de rapidité. Nous reviendrons sur cette représentation.

Journal de Paris, n° 111 du 21 avril 1807, p.

SPECTACLES.

L’administration du théâtre Molière (Variétés-Étrangères) nous prie d’annoncer que la comédie des Parens (dont le succès brillant auroit été encore plus complet, si elle eût été jouée avec plus d’ensemble) est suspendue pour être remontée avec une nouvelle distribution de rôles.

Journal de Paris, n° 114 du 24 avril 1807, p. 830 :

L’administration du théâtre de Molière, dit des Etrangers, nous invite à prévenir le public « que les relâches qui auront peut-être encore lieu à ce théâtre, sont causés par la nécessité d’attendre l’arrivée des nouveaux auteurs, dont les engagemens ne finissent en province que les 20 & 30 de ce mois. Qu’au surplus, les pièces de Sara Soompson : du Chat & la Rose ; du Petit-Cousin ; du Droit de Naufrage ; de C’étoit moi (du théâtre allemand) ; & que celles des Folies raisonnables ; de l'École de la Médisance ; du Mariage impossible ; de 1'Hôtellerie de Milan ; de Douglas ; & de la Restitution (du théâtre anglais), vont se succéder sans interruption.

Dans les semaines qui suivent, le Théâtre des Variétés Étrangères connaît bien des tribulations : relâche pour indisposition, puis pour attendre la venue d'acteurs venant de province, eteffectuer des travaux

On connaît des représentation des Parens les 9, 10, 11, 13, 15, 17 19 mai : la reprise de la pièce semble avoir lieu le 9 mai après l'interruption annoncée le 21 avril. Après le 19 mai, je ne connais que des représentations éparses, le 3 et le 17 juin, le 2 juillet. Mais pas de vérification précise après le 19 mai.

Courrier des spectacles, n° 3722 du 21 avril 1807, p. 3-4 :

[Le compte rendu s'ouvre sur des considérations morales, qui stigmatisent celui qui, s'étant socialement élevé, « oublie ce qu’il fut jadis » et refuse d'aider un ami ou parent parce qu'il est « sans fortune ». On a pourtant souvent vu de tels hommes amenés à solliciter plus tard celui-là même qu'ils ont repoussé. La pièce nouvelle traite donc le même sujet que l'Habitant de la Guadeloupe, ais par des moyens différents. Le critique n'a plus qu'à résumer une intrigue mettant en scène une famille dont deux frères qui ont réussi, l'un à la campagne, l'autre en ville, refusent d'aider la famille du troisième frère, parti au loin pour tenter de faire fortune et n'ayant plus donné de nouvelles. La fille de ce frère exilé et le fils d'un autre frère voudraient se marier : il n'en est pas question. Mais le frère disparu reparaît, et se présente comme n'ayant pas réussi aux Indes. Il se contente d'inviter sa famille tout entière à rencontrer un Directeur de la Compagnie des Indes. Toute la famille se retrouve face à ce fameux directeur, c'est leur frère revenu des Indes, qui les invite à un repas (le compte rendu ne parle pas de marier les deux cousins, mais c'est sans doute implicite). Jugement : la pièce est un succès, malgré des actes mal liés entre eux, et des scènes « un peu isolées » ; chacune de ces scènes « présente une foule de traits plaisans ou de tirades pathétiques qui désarment le critique, soit en le faisant rire, soit en attaquant sa sensibilité », et la pièce est très bien traduite (le critique ne la voit pas comme une adaptation). Les interprètes sont remarquables, et la pièce est une des meilleures pièces allemandes qu'on ait vues à Paris.]

Theatre des Variétés Etrangères.

Les Parens, ou la Ville et le Village.

C’est une vérité trop malheureusement constatée, que tel homme sorti d’une famille obscure, pour s’élever plus haut que ses moyens ne le lui permettoient, oublie ce qu’il fut jadis, et sacrifie à sa vanité jusqu’aux devoirs les plus sacrés, jusqu'aux liens les plus respectables. Il rougit d’être l’ami, le parent d’hommes sans fortune; il leur ferme son cœur, souvent même sa maison ; mais combien de fois n’a-t-on pas vu de pareils hommes renversés du haut de la roue mandier [sic]les secours de ceux qu’ils avoient repoussés dans leur prospérité !

Nous avons déjà au théâtre, entr'autres ouvrages qui ont pour but cette moralité, l'Habitant de la Guadeloupe ; la comédie des Parens en est une espèce d’imitation, le sujet est à-peu-près le même ; mais les moyens d’exécution sont differens.

Les trois frères Hertmann ont suivi une carrière opposée : Jacques a embrassé l’état de son père, il est laboureur ; Auguste a porté ses vues plus haut ;il a été s’établir à la ville,et a acheté une charge de Conseiller ; Henry est parti pour les Grandes Indes ; et depuis quinze ans, on n'a pas de ses nouvelles. Il a confié Rose sa fille à Jacques, qui a un garçon bien vif, bien étourdi, bien aimable. En voilà assez pour tourner la tête à la pauvre Rose. Elle aime sou cousin, et son cousin, comme de raison, la paie de retour. La femme de Jacques voit avec peine cette inclination des jeunes gens, et elle prétend faire épouser à son fils la fille du Bailly. Désespérée de cet ordre, Rose s’enfuit avec son amant. Elle arrive à la ville, à l’hôtel du Conseiller, et demande un azile pour elle et pour son amant. Le Conseiller Auguste n’est plus habitué à voir des parens, il les renvoie. Leur visite est suivie d« celle de Jacques avec sa femme ; nouveau sujet d’embarras pour le Conseiller, qui craint de se voir compromis par la présence de ces paysans Pour y mettre le comble, arrive Henry qui se déclare simple passager à bord d’un vaisseau arrivé depuis trois heures dans le port. Jacques lui demande des nouvelles ; Auguste s’informe s’il s’est enrichi ; Henry avoue qu’il n’a plus rien, et il sollicite un logement chez l’un de ses frères. Le Conseiller daigne à peine lui parler ; Jacques refuse, par les conseils de sa femme, de le recevoir chez lui. Cette conduite ne rebute pas Henry ; il laisse au Conseiller un billet dans lequel il l’invite à dîner de la part d’un Directeur de la Compagnie des Indes. On se doute bien que le Conseiller ne manque pas a l’invitation ; il trouve Henry au rendez-vous; il se pavane dans l’espoir d'être plus caressé, en raison de sa charge, par le Directeur de la Compagnie ; mais l’arrivée de son frère Jacques et de sa femme, celle de Rose et de son amant le jettent dans une perplexité inconcevable ; il craint de paroître, avec ce qu’il appelle de pareilles gens, devant un homme qui doit être un riche millionnaire, mais bientôt il est détrompé. Le Directeur de la Compagnie des Indes, l’boiume attendu n’est autre que Henry qui embrasse sa fille, et qui finit par se venger de l'insensibilité de ses parens, en les invitant à un repas de famille.

Cette comédie a obtenu un brillant succès. Les actes ne sont pas très bien liés entr’eux ; les scènes sont un peu isolées, mais chacune d'elles présente une foule de traits plaisans ou de tirades pathétiques qui désarment le critique, soit en le faisant rire, soit en attaquant sa sensibilité. La traduction est d'une plume exercée et spirituelle.

Cette pièce est fort bien jouée, et doit faire fortune. C’est une des plus agréables compositions que l’on ait jusqu’ici empruntées au Théâtre allemand.

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