Desirée, ou la paix de Village

Desirée, ou la paix du Village, allégorie en un acte, en prose et en vaudeville, des citoyens Gaugiran-Nanteuil, Moras et Etienne, 5 germinal an 9 [26 mars 1801].

Théâtre de l'Opéra Comique National

Almanach des Muses 1802

Second tome de l'allégorie ci-dessus [voir infra, L'Esquisse d'un grand tableau]. Querelle entre M. Franc et M. de Laigle entretenue par M. Trident. La sagesse du premier triomphe des subtilités de ses adversaires, et fait conclure une paix desirée. Même objet, mêmes défauts que dans la précédente ; même rigueur de la part du public.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez les auteurs, an 9 (1801) :

Desirée, ou la Paix du village, allégorie en un acte, en vaudevilles. Par les CC. GAUGIRAN-NANTEUIL, MORAS et ETIENNE. Pièce qui devait être représentée, pour la première fois, sur le théâtre Français de la République, le 27 ventôse an IX. Défendue, le 26, par le ministre de l'intérieur, à la comédie française. Et jouée, le 5 germinal, sur le théâtre Favart.

La page de titre résume bien l’histoire de la pièce avant sa création : destinée au Théâtre Français, elle est interdite la veille de la date prévue (le 18 mars 1801) et n’est jouée que quelques jours après, mais sur un autre théâtre.

Elle est dédiée au général Bonaparte :

AU GENÉRAL BONAPARTE.

De la Paix, général, en vous faisant hommage;
    Nous croyons acquitter une dette d’honneur ;
            C’est tout bonnement un ouvrage
            Que nous rendons à son auteur.

La liste des personnages et le texte de la pièce sont précédés d’une sorte de préface :

[Dans un court texte écrit avant la représentation au Théâtre Favart, les auteurs dénoncent la façon dont leur pièce a été rejetée du Théâtre Français par des intrigues qu’ils jugent honteuses, avant de remercier tous ceux qui les ont accueillis, sociétaires du Théâtre Français comme du Théâtre Italien : ils ne sont pas responsables des cabales qui ont conduit à l’exclusion de leur pièce.]

Cet ouvrage n’est rien par lui-même ; mais le sujet qui l'a inspiré, les tracasseries qu'il a attirées à ses auteurs, et plus que tout cela, le talent des acteurs qui en remplissent les divers rôles, en feront peut-être quelque chose aux yeux du public. Desirée ou la Paix du Village fut destinée, dès sa naissance, aux Italiens ; mais ce théâtre ayant déjà un ouvrage sur le même sujet, elle fut lue aux Comédiens Français, qui la reçurent à l'unanimité, et qui étaient sur le point de la jouer lorsqu'un ordre supérieur bannit à jamais de la Scène Française le genre du Vaudeville. Cette mesure, bonne en elle-même, devait-elle être prise au moment où ses artistes estimables s'apprêtaient à chanter la paix ? Nous laissons le public juge de cette observation, Faudra-t-il aussi lui dévoiler la conduite déshonorante d'un littérateur qui, refusé à l'unanimité, sollicite du ministre de l'intérieur un ordre pour faire jouer sa pièce de force, et, pour l'obtenir plus facilement, dénonce ou fait dénoncer diverses phrases de notre vaudeville, prises isolément à une répétition où il avait eu la bassesse de s'introduire presque de force : ce sont de ces turpitudes qu'il est bon de couvrir d'un voile pour l'honneur de la république des lettres. Mais nous ne devons pas cacher au public que, nous avons préféré retirer notre pièce du théâtre Français que de souffrir une injustice qui tendait à faire passer avant notre pièce, reçue à l'unanimité, une comédie à l'unanimité refusée. Au reste, on se ferait difficilement une idée de la jalousie générale qu'avait excitée, parmi les petits poëtes, l'accueil flatteur qu'avait eu le bonheur de recevoir des Comédiens Français de jeunes auteurs qui s'étaient présentés sans intrigue, et se faisaient jouer sans cabale. Les exclusifs qui exploitent le Vaudeville ont même fait une pièce pour chercher à jeter du ridicule sur les intentions des Comédiens Français, et ne cessent de crier à l'usurpation de leur genre, quand eux-mêmes l'ont introduit au théâtre de la République, dans le Buste de Préville.

Notre vaudeville, objet de tant de petites envies, a été enfin lu au théâtre Italien : et comme nous écrivons cet article avant la représentation, nous desirons qu'il soit reçu du public avec la même bonté que nous ont témoignée les sociétaires des deux théâtres Italiens et Français, dont les égards et les procédés nous ont plus que dédommagé des injustices' que nous avons éprouvées.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an IX, troisième trimestre, n° 19 (10 germinal), p. 50-52 :

[Le prologue, la Confession du vaudeville a fait l’objet d’un compte rendu dans le Magasin encyclopédique, 6e année, 1801, tome VI, p. 278-279. Désirée y voit son sort réglé en quelques lignes.]

Théâtre de l'Opéra-Comique-National, rne Favart.

Desirée ou la Paix de Village, précédée de la Confession du Vaudeville, prologue.

Cette pièce est précisément celle que les Comédiens français ont affichée quelque-tems, et à laquelle ils ont renoncé. Quel que soit le motif du parti qu'ils ont pris, il semble qu'ils doivent quelque reconnaissance à ceux qui les ont empêchés de se compromettre doublement et par le choix du genre et par celui de l'ouvrage.

Malgré le respect qu'on doit à leurs talens, il est bien certain que tous leurs efforts n'eussent jamais pu soutenir cette malheureuse pièce, destinée à tomber, sur quelque théâtre qu'elle eût été donnée.

C'est encore l'Esquisse du grand Tableau, c'est-à-dire, une allégorie bien froide dans laquelle sont travestis les événemens et les. personnages.

C'est encore M. Le Franc, maire d'une commune, qui est en procès avec M de Laigle, procès suscité et entretenu par M. Trident ; mais la sagesse du nouveau maire triomphe des subtilités de ses adversaires et conclut une paix désirée.

Ajoutez à ce cadre insignifiant un personnage bouffon faisant le télégraphe sur le haut d'une tour, ce qui ajoute à la vraisemblance ; assaisonnez tout cela de couplets assez fades, et vous aurez tout juste le second tome de la pièce donnée dernièrement, au même théâtre, sur le même sujet, contre laquelle nous nous sommes élevés , avec tout le public.

Que l'expérience d'autrui n'éclaire pas un auteur, toujours sujet à l'aveuglement sur ses productions, je le conçois : mais que des comédiens, encore étourdis de la chute qu'ils ont éprouvée, consentent à subir la même épreuve avec les mêmes moyens, voilà ce qu'il est difficile d'expliquer. Il faut pourtant convenir que cette nouvelle allégorie est moins inconvenante que l'autre, sous le rapport des bienséances, mais elle n'est ni moins froide, ni moins mesquine pour le sujet. Travestir, ce n'est pas louer dignement, c'est parodier.

Il est à remarquer que le prologue avait dû faire mieux augurer du talent et de l'esprit des auteurs : quoiqu'il n'eût pas aux yeux des gens impartiaux et sensés, tout l'apropos qu'on a voulu lui donner, quoiqu'il fût en général plus amer que juste, et plus méchant que gai ; quoiqu'on s'y soit permis des personnalités toujours répréhensibles, on y avait applaudi avec raison une sorte d'invention piquante, quelques critiques fines et spirituelles, quelques couplets malins et bien tournés, et la satyre ingénieuse des pointes et des calembourgs ou de l'afféterie qu'on peut reprocher à quelques ouvrages de plusieurs modernes chansonniers. Le Vaudeville venant se confesser de ses torts dans les Champs-Elysées devant Panard et Favart, portant un chapeau pointu et un costume bizarre, armé d'une pointe au lieu de marotte et de grelots, et furieux contre M. Barriolet, qui l'a dénaturé, présente quelque chose de neuf et d'agréable, qui fait pardonner le sel un peu trop caustique de l'épigramme ; mais il ne fallait pas, ce me semble, généraliser contre le théâtre du Vaudeville, les reproches qui ne s'adressent qu'à très-peu d'ouvrages de son répertoire, il ne fallait pas supposer tant de haine contre lui à Favart et à Panard, qui depuis dix ans y trouvent sûrement plus d'hommages dignes d'eux, qu'au théâtre qui les a repoussés constamment et qui a forcé leurs successeurs, les Piis, les Barré, les Radet, les Després, les Deschamps, les Desfontaines, les Ségur, les Phelippons, les Bourgueil, et quelques autres, à se chercher un asyle ; il ne fallait pas porter l'injustice et la mauvaise foi jusqu'à supposer au Vaudeville l'intention de déclarer la guerre à ceux qui veulent chanter la paix, quand il est de fait qu'il l'a chantée le premier et comme elle doit l'être, avec finesse, esprit et gaîté ; c'était montrer mal-adroitement de l'aigreur ; c'était désunir mal à propos les enfans du flonflon ; c'était entamer, pour des intérêts étrangers, une lutte trop inégale et pour le nombre et pour les armes.

Je crois cependant qu'on peut revoir avec plaisir la Confession du Vaudeville, surtout si les Acteurs du théâtre Favart s'appliquent davantage à ne pas justifier le reproche qu'on leur fait, d'avoir perdu, dans l'usage de chanter l'ariette, celui de chanter la chanson : mais il faut que les Auteurs renoncent à l'espérance de nuire au succès de la Tragédie au Vaudeville, et à celui d'une foule de pièces qui fondent la solidité du répertoire du théâtre de la rue de Chartres.

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