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Pélage, ou le Bon roi

Pélage, ou le Bon roi, opéra en deux actes, paroles de Jouy, musique de Spontini ; août [1814].

Académie Royale de Musique.

On trouve bien des titres à cet opéra : Pélage ou le Bon roi, Pélage, ou le Retour d’un bon roi, Pélage ou le Roi de la Paix, Pélage ou le Roi et la Paix. Autant de titres que de représentations !

Titre :

Pélage, ou le Bon roi

Genre

opéra

Nombre d'actes :

2

Vers ou prose ?

en vers

Musique :

oui

Date de création :

23 août 1814

Théâtre :

Académie Royale de Musique

Auteur(s) des paroles :

de Jouy

Compositeur(s) :

Spontini

Almanach des Muses 1815.

Pièce de circonstance, écrite au milieu des acclamations, des transports de joie qu'excitait le retour du bon roi. On aime à voir les hommes de talent se prononcer hautement en faveur de l'excellent Prince à qui la France doit son repos et devra son bonheur.

Cette pièce à la louange de Louis XVIII et de la duchesse d'Angoulême vaut à Jouy et Spontini, récompensé par Napoléon Ier pour avoir dédicacé leur Vestale à l'impératrice Joséphine, de figurer en bonne place dans le Dictionnaire des Girouettes ou nos Contemporains peints d'après eux-mêmes de Pierre-Joseph Charrin, seconde édition, 1815, p. 208 et 441.

D’après la base Chronopéra, Pélage, ou le Roi de la Paix [c’est le titre donné par Chronopéra], a connu quatre représentations en 1814, les 23, 27 et 30 août et 27 septembre, et aucune en 1815.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome V, mai 1814, p. 274-281 :

[A peine rentré d’exil et après avoir assisté à une représentation d'Œdipe chez Admète, Louis XVIII, représenté cette fois par le duc de Berry, est célébré à travers la figure (peu connue) d’un roi Pélage espagnol revenu lui aussi d’exil en apportant paix et prospérité à son peuple. Inutile de dire que l’enthousiasme est le seul sentiment qu’une telle pièce puisse provoquer dans un public totalement acquis à la cause de la pièce. Le compte rendu est également plus que favorable à la pièce, dont il raconte par le menu le déroulement tout en soulignant l’adhésion complète du public dont le zèle et l’émotion sont rappelés à plusieurs reprises. L’acte II comportait bien sûr un ballet, « un divertissement allégorique » qui a paru obscur aux malheureux spectateurs qui n’avaient pas acheté le programme. La musique est due à un musicien célèbre, Spontini, qui a écrit une partition à laquelle le critique ne peut reprocher que d’être « en général trop travaillée » : elle manque d’expansion, de naturel, de facilité, il aurait fallu qu’elle « marchât plus à l’effet dramatique ». Mais quelques coupures pourront y remédier. les interprètes sont à la hauteur de l’événement. Le duc de Berry, présent à la représentation, a reçu l’hommage mérité du public.

Je ne sais pas où est paru cet article avant sa reprise par l’Esprit des Journaux.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

Pélage, ou le Roi et la Paix.

S'il est une représentation théâtrale dont jamais le souvenir ne pourra s'effacer de l'ame de ceux qui ont pu y assister, assurément c'est celle qui, au moment même de la restauration, nous a offert cette scène sublime d'Œdipe racontant ses longues infortunes, et appellant la bénédiction des hommes et des dieux sur son fidèle appui, sur le modèle de la piété filiale, sur sa noble et touchante Antigone.

Le monarque était présent ; il partageait l'émotion générale ; son Antigone était à ses côtés ; sa main royale et-paternelle la présentait avec confiance et avec amour aux acclamations unanimes et aux vœux reconnaissans du public. Le temps, le lieu, le sujet, des vers qui semblaient avoir été composés sur une lyre prophétique, tout était propice, tout présentait des applications directes, des allusions naturelles ; aussi faut-il désespérer de reproduire jamais sur des hommes rassemblés un pareil effet d'émotion, d'attendrissement et d'enthousiasme.

L'auteur de Pélage, ou le Roi et la Paix a dû le sentir le premier, lorsque, secondé par un titre si heureux, avec l'empressement d'un talent facile et exercé, avec ce zèle qui ajoute tant à la facilité, il a cherché sur la grande scène de l'opéra à exciter les mêmes sensations à l'aspect d'un tableau presque semblable : son ouvrage a été en quelque sorte improvisé ; mais à l'opéra il n'y a que le poëme qui puisse suivre aussi rapidement l'inspiration de la pensée. Les ressorts de cette immense machine sont compliqués et lents à mettre en mouvement. M. de Jouy a dû le sentir souvent avec une impatience que le 'public partageait. Heureusement ce public impatient était le même que celui qui s'était pressé à la représentation d'Œdipe. Rien en lui, rien autour de lui n'était changé ; on pourrait même dire que dans ses dispositions, on remarquait déjà cette différence, si facile à saisir, qui existe entre de douces espérances et des vœux réalisés.

L'Histoire d'Espagne a fourni à M. de Jouy un trait dont le rapprochement avec les grands événemens dont nous venons d’être les témoins, est fort heureux : « Il s'est borné, dit-il, à retracer sur la scène un caractère et un fait historiques auxquels des circonstances analogues lui ont paru, devoir ajouter un haut degré d'intérêt ».

Il ne s’est pas trompé : le public n'a pu voir sans une profonde émotion un roi long-temps exilé de ses États, n'ayant pour consolation et pour appui qu'une nièce fidèle et quelques amis dévoués, rappellé après de pénibles traverses par le vœu même de son peuple, et pour prix de sa fidélité et de son dévouement à la cause de ses rois rapportant à ce même peuple la paix pour premier bienfait, l'oubli du passé pour garantie première du bonheur à venir. Tels sont les traits sous lesquels M. de Jouy a représenté Pelage remontant au trône des Asturies.

Deux actes composent cet ouvrage. Ils offrent deux parties bien distinctes. Dans le premier, Pelage, sa famille et ses amis, réunis dans un asyle hospitalier, attendent avec anxiété l'issue de la lutte terrible qui doit décider qui siégera au trône d'Oviedo ou du Maure, ou du roi.

Amis, dit un des soutiens de la cause royale :

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .Ne perdons point courage,
Le ciel reçoit nos vœux, et l'auguste Pelage,
      L'héritier d'un nom immortel,
Peut ressaisir encor le sceptre paternel.
      Dans cette retraite profonde,
Au sein de ces rochers, et loin de tous les yeux,
Depuis vingt ans entiers, nous conservons au monde
           Ce dépôt precieux :
      Les rois s'arment pour sa querelle ;
Du Maure usurpateur la couronne chancelle,
Et la vieille Asturie au comble des revers
Elève vers son roi ses bras charges de fers....

Des amis dévoués offrent à Pelage le secours de leurs bras dans le danger qui le presse. Le lecteur jugera si l'auteur a été dans cette situation l'interprète fidèle d'un monarque qui ne veut régner que pour le bonheur public.

Non, je n'accepte pas vos généreux secours ;
Que le ciel à son gré dispose de ma vie
      Pour l'intérêt de la patrie,
Qu'il en termine ou prolonge le cours,
      Loin de moi la guerre cruelle
      Et les parricides combats,
      Je me confie à votre zèle ;
Servez-moi, mes amis, et ne me vengez pas...TM

Dans une scène avec l'Antigone espagnole, l'auteur n'a pas voulu lutter contre l'auteur d'Œdipe chez Admète [tragédie de Ducis, 1778] ; il lui a fait non pas un larcin, mais un de ces emprunts que deux hommes riches peuvent libéralement se faire entre eux : il a reproduit ces vers qu'une belle inspiration poétique, c'est-à-dire, un sentiment profond et vrai ont dicté à M. Ducis, et que le roi a rappellés d'une manière si touchante au patriarche de notre littérature, prouvant ainsi l'extrême justesse de cette définition de la reconnaissance, si heureusement nommée la Mémoire du cœur, par un homme de génie privé des moyens naturels d'en exprimer les inspirations.

D'autres paroles remarquables ont aussi été habilement traduites par M. de Jouy ; gravées dans tous les souvenirs, s'adressant à tous les vœux, et faites pour réaliser toutes les espérances, elles ne pouvaient -être reconnues qu'avec un extrême plaisir. Le public semblait y retrouver son bien, et remercier le poëte de n'avoir pas négligé l'occasion favorable de le lui rendre.

L'annonce de la victoire remportée sur les Maures, et les adieux de Pélage aux lieux hospitaliers qui l'avaient accueilli, son salut à la patrie qu'il va revoir, au peuple qui le rappelle, terminent le premier acte.

Le second se passe dans la capitale des Asturies : il ne pouvait être que sans action, il ne pouvait former qu'un tableau, et ce tableau est celui d'une immense famille retrouvant un père, d'un roi promettant la justice, le bonheur et la paix à un peuple qui en a déjà l'assurance dans le nom seul de son monarque : ici l'auteur a dû se souvenir qu'il était à l'Opéra, et le poëte a bientôt cédé la place au chorégraphe. L'entrée de Pélage dans sa capitale est l'objet d'une pompeuse fête. . . .

Invoquons, dit le neveu du roi, l'époux de la touchante Favila, le guerrier généreux qui a combattu pour Pélage,

Invoquons des beaux-arts le prestige nouveau,
De nos prospérité [sic], de notre malheur même,
            Par un heureux emblème
Retraçons dans nos jeux le magique tableau.

Ici commence en effet un divertissement allégorique dont l'objet paraît être de nous rappeller tous [sic] ce que coûta une décevante espérance, à quel degré d'entraînement et d'ivresse peut conduire la gloire des armes, sous quels traits la haine et la vengeance peuvent marcher réunies, et avec quel sentiment de joie et de reconnaissance, les peuples, après de longues calamités, saluent le jour heureux qui leur ramène la paix.

Un grand poëte a dit :

L'Allégorie habite un palais diaphane....

Cette épithète doit toujours être présente à ceux qui dans tous les arts se livrent à ce genre où la froideur et l'obscurité sont si difficiles à éviter ; c'était peut-être une idée peu réfléchie que celle qui consistait à nous marquer divisées par des entrées de ballets, les phases principales de nos révolutions politiques ; au surplus, ceux des spectateurs dont le programme ne guidait pas l'intelligence, ont paru demeurer assez étrangers aux intentions du chorégraphe, et ne s'occuper que du charme inséparable d'une exécution supérieure : cependant, si quelques parties du divertissement ont paru insignifiantes et obscures, il n'en a pas été de même du magnifique tableau qui le termine : on pourrait le nommer l'apothéose de la paix. Cette fille du ciel, après avoir calmé la terre, remonte à sa céleste origine, escortée par les heureux et féconds attributs qui l'accompagnent. Pendant son ascension brillante, chef-d'œuvre d'optique théâtrale, un arc-en-ciel l'environne, et un nuage, en se dissipant, laisse voir ces mots écrits en traits de feu : vive le roi ! devise que la paix semble nous laisser comme notre palladinm sacré, comme le véritable garant de sa durée et de ses bienfaits. Cette idée ingénieuse, parce qu'elle est claire et vraie , a été saisie avec un enthousiasme inexprimable.

M. de Jouy devait pour s'associer cet ouvrage, ou plutôt pour ce modeste tribut, pour cette expression simple des sentimens qui nous animent, un compositeur qui a partagé dans un autre genre un des plus brillans succès obtenus au théâtre, celui de la Vestale. M. Spontini a composé la musique de Pélage : des chœurs bien écrits, des morceaux d'ensemble qui ont une belle marche et un effet imposant, un sextuor, une finale distinguent cette composition ; mais on pourrait reprocher au musicien de l'avoir en général trop travaillée ; un tel sujet semblait demander plus d'expansion, de naturel et de facilité, une expression plus variée, plus vive et plus franche. La réputation de M. Spontini, comme compositeur, est établie ; on aurait désiré qu'il se sacrifiât ici généreusement, et que tout dans sa composition marchât plus à l'effet dramatique ; quelques coupures aux représentations suivantes suffiront peut-être pour ôter toute justesse à cette observation.

Lays, Nourrit, Mme. Branchu dont le talent est assez connu, Mlle. Albert Hymm dont le talent se fortifie et se développe chaque jour davantage ; Mlle. Gosselin, dans le personnage de l’Espérance ; Mlle. Clolilde, dans celui de la Gloire ;  l'une, en effet, l'espérance, et l'autre la gloire de leur art, ont obtenu de vifs applaudissemens.

M. le duc de Berri assistait à cette représentation ; au milieu des acclamations qui lui étaient personnelles, et qu'excitait encore l'air d’Henry IV, deux fois redemandé, ce prince aura su discerner l'expression du vœu qui appellait encore d'autres témoins de ce spectacle, et d'autres objets d'un si juste hommage.              S..........

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII, août 1814, p. 275-281 :

[Ce second article dans l’Esprit des journaux reprend l’article du 25 août 1814, de la page 1 à la page 4, en supprimant seulement la fin, consacrée à la partie mondaine de la représentation, puis reproduisant une lettre de Guillard désirant souligne rles emprunts qui ont été faits à ses propres œuvres, la Mort d’Adam et Œdipe. Le moins qu’on puisse dire est que le critique n’apprécie que très moyennement une œuvre qu’il juge faite très vite, et qui se ressent de cette rapidité. Il insiste beaucoup sur l’indulgence à avoir envers un ouvrage produit dans de telles circonstances. Après des rappels historiques nécessaires selon l’esthétique du temps (on ne peut pas ne pas respecter la vérité historique, quitte à la concevoir de manière assez large), il met en avant la correspondance entre l’Espagne du VIIIe siècle et les « événemens de nos jours ». Le résumé de l’analyse de la pièce montre bien ce qu’on peut lui reprocher : le manque d’action et l’obscurité de l’acte II, largement occupé par un « ballet allégorique » qu’il n’est pas simple de comprendre. Ces défauts sont compensés, selon lui, par « l'intérêt des allusions ». Le poète aurait sans doute fait mieux s’il avait eu plus de temps. Même verdict pour la musique, « triste et monotone », dont on n’a applaudi vraiment qu’un air et distingué deux autres (c’est bien peu). Même jugement pour le ballet, qui n’a « rien coûté à l'imagination de M. Gardel ». Bilan bien sombre donc, le critique ne pouvant louer que l’intention des auteurs.]

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

Pélage,ou le Roi et la Paix, opéra en deux actes, paroles de M. de Jouy, musique de M. Spontini.

Les ouvrages de circonstances se ressentent toujours un peu de la précipitation avec laquelle ils ont été composés ; on ne peut, sans injustice leur appliquer la fameuse maxime : Le temps ne fait rien à l’affaire. Le temps y fait beaucoup, c'est lui qui commande : si l'auteur manque l'instant favorable, il manque son but. On doit donc, pour être équitable, lui tenir compte de la rapidité avec laquelle il a été oblige d'écrire. Aux yeux d'une critique impartiale, ce qu'il y a de bon alors double de prix ; elle jette un voile officieux sur ce qui s'y rencontre de faible ; et les torts, quels qu'ils puissent être, sont excusés de droit par la question intentionnelle.

C'est dans cet esprit qu'il me paraît convenable de juger l'opéra de Pélage. Depuis six semaines il est annoncé sur l'affiche ; en rapprochant les époques, on voit que les deux auteurs des paroles et de la musique ont eu tout au plus deux mois à leur disposition, et qu'ils ont eu besoin, l'un et l'autre, pour remplir à temps leur tâche, de cette inspiration, de ce zèle qui abrège et qui facilite le travail.

Il fallait trouver un sujet qui, sans trop d'efforts, se rattachât par des allusions naturelles aux grands événemens dont nous sommes les heureux témoins ; il fallait, sans trop affaiblir, ni la vérité historique, ni la couleur locale, donner à des faits éloignés la teinte de ceux qui viennent de se passer sous nos yeux : il fallait encadrer ces tableaux dans une action intéressante et dramatique ; il fallait être à la fois poëte, historien et peintre : toutes ces conditions remplies ne faisaient encore que la moitié de l'ouvrage, puisque, des parties sans nombre dont se compose un opéra, on peut, sous le rapport de la difficulté et du mérite, en assigner justement une bonne moitié à la musique.

En jetant les yeux sur les contrées voisines de la France, l'auteur s'est arrêté à l'Espagne, et il a pris son sujet dans cette révolution célèbre qui rendit aux princes légitimes une partie de ces belles provinces conquises par les Sarrazins, que la perfidie du comte Julien y avait appelés. Les farouches musulmans menaçaient tonte l'Europe d'une inondation générale ; l'Alcoran d'une main, le fer et la torche de l'autre, ils avaient déjà franchi les Pyrénées et envahi plus de la moitié de la France. En 732, Charles Martel les défit entre Tours et Poitiers, dans un combat où ils perdirent plus de trois cent mille hommes. Cette victoire sauva la chrétienté ; elle précéda de cinq ans la restauration du trône des -Asturies ; elle peut donc en être considérée comme la première cause ; et M. de Jouy n'aurait peut-être pas dû oublier, dans son poëme, une circonstance qui s'y rattache naturellement, et qui est si honorable pour le nom français.

Rodrigue avait péri en 714, dans la bataille de Xères. Pélage, son frère et son héritier, fut réduit à chercher son salut dans la fuite. Il se retira, avec les débris de son armée et quelques amis fidèles à son malheur, dans les montagnes des Asturies; poursuivi avec acharnement par ses ennemis, il trouva dans l'amour de ses compagnons et dans une caverne que la religion a consacrée depuis, un asile contre ses persécuteurs. Ce fut dans cette caverne que pendant vingt-trois ans, conservant toujours l'espoir d'affranchir sa nation du joug de l'étranger, et de remonter sur le trône de ses pères, il mûrit avec une sage lenteur le grand projet qu'il exécuta si heureusement. Aidé des principaux de l'Asturie, fort du respect attaché à son nom, de l'intérêt qu'inspiraient ses infortunes, et de la haine que l'on portait aux Barbares, il sortit de sa retraite, et replaça sur sa tête la couronne que la trahison avait enlevée à son frère. Pendant sa longue retraite, il trouva les plus douces consolations dans l'affection de ses serviteurs, et surtout dans la tendresse d'un fils et de la fille de Rodrigue, qui, de concert, lui prodiguèrent les plus tendres soins, et exposèrent plus d'une fois leurs jours pour sauver ceux du monarque auquel ils donnaient tous les deux le doux nom de père. Le fils de Pelage, nommé Favila, fut son successeur, et devint la tige de ces rois qui, huit cents ans après, chassèrent enfin les Maures de toutes les Espagnes.

On voit tout ce que ce trait d'histoire a de conforme aux événemens de nos jours. Il serait superflu d'insister sur les rapprochemens : ils s'offrent d'eux-mêmes à l'imagination, et il en est d'ailleurs, que je ne pourrais faire, sans reporter involontairement mes lecteurs sur des souvenirs trop déchirans ou trop odieux ; au milieu du bonheur dont nous jouissons et des fêtes dont il est l'occasion, il ne doit plus y avoir de place ni pour la douleur ni pour la haine.

M. de Jouy a divisé son ouvrage en deux parties bien distinctes : le premier acte nous montre Pélage encore incertain de son sort : Alphonse, son neveu, le jeune époux de Favila, s'est mis à la tête des guerriers qui vont livrer le combat décisif ; le peuple invoque pour Pélage la protection du dieu des armées ; on annonce la marche des princes alliés du roi. Tous les Asturiens viennent lui offrir le secours de leurs armes : le monarque magnanime -le refuse ; il ne veut pas que sa cause coûte la vie à un seul de ses sujets, ou compromette leur tranquillité. Ces braves montagnards persistent, et témoignent leur dévouement au roi en lui désobéissant. Pélage, dans une scène touchante, rappelle à Favila (c'est le nom que l'auteur a donné à la nièce de Pélage) toutes les consolations qu'il lui a dues ; Favila exprime son bonheur d'avoir pu être utile à son père et à son roi. Cependant, pour faire diversion aux inquiétudes de la princesse, les jeunes habitantes de ces montagnes viennent lui donner une fête. Une d'elles, en lui présentant un lis, lui chante le couplet suivant :

De ce beau lis l'éclat suprême
Des rois semble annoncer la fleur.
Nous y voyons un doux emblème
Et d'innocence et. de candeur.
De Favila touchante image,
Il peint la grâce, la beauté ;
Et son front courbé par l'orage
Se relève avec majesté.

La fête est interrompue par un bruit guerrier ; Alphonse arrive, et annonce la délivrance de la patrie et la défaite absolue de l'oppresseur. Un chant d'allégresse termine le premier acte.

Le second est tout entier consacré à célébrer dans la capitale des Asturies le retour du roi et celui de la paix qui y rentre avec lui. L'acte presque tout entier se passe en fêtes et en danses, et se termine par un ballet allégorique où l'on voit figurer la nation, qui ne me paraît pas facile à personnifier ; l'Espérance, le Génie des Arts, La Volupté, la Gloire, la Folie, et enfin la Discorde, la Haine et la Vengeance accompagnées de leur cortège infernal, que la Paix fait rentrer dans les abîmes d'où ils sont sortis. Ce divertissement a paru froid, parce qu'il est à peu près inintelligible. M. Gardel, quand il a composé son ballet, avait perdu de vue un des plus jolis vers de Lemière :

L'Allegorie habite un palais diaphane.

Pour juger cet opéra il faut bien se pénétrer des motifs d'indulgence que j'ai exposé au commencement de cet article. On pourrait lui reprocher de manquer d'action, et c'est là sans doute le plus grand défaut d'un poëme. Mais l'intérêt des allusions a suppléé pour moi à celui des vers. Je n'ai vu, avec le public, que le tableau fidèlement tracé, et de nos malheurs passés, et de notre félicité présente. Avec plus de temps, M. de Jouy aurait pu faire beaucoup mieux, mais avec le même-temps, peu d'auteurs eussent fait aussi bien que lui.

11 ne me sera pas possible d'être plus sévère pour le musicien que je ne l'ai été pour le poëte. Les mêmes raisons militent en sa faveur, et doivent lui servir d'excuse. La musique de Pelage est triste et monotone ; un seul air a été applaudi à plusieurs reprises : c'est celui dont j'ai cité plus haut les paroles. On a distingué encore le chœur des guerriers, et celui du serment au second acte. C'est dans ces morceaux seulement que l'on a reconnu l'auteur de Milton, de Fernand Cortez et de la Vestale.

Les ballets parfaitement exécutés, comme ils le sont toujours à l'Opéra, n'ont rien coûté à l'imagination de M. Gardel : il n'a créé que le divertissement de la fin, et j'en ai déjà dit mon sentiment.

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