Le Cimetière du Parnasse, ou Tippoo malade

Le Cimetière du Parnasse, ou Tippoo malade, pompe funèbre, mêlée de vaudevilles, par MM. Théaulon et Dartois, 25 février 1813.

Théâtre du Vaudeville.
 

Titre :

Le Cimetière du Parnasse, ou Tippoo malade

Genre

pompe funèbre mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

25 février 1813

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

MM. Théaulon et Dartois

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 208, 28 février 1815, p. 292-294 :

[Le caractère parodique de la pièce est affirmé d'emblée, mais une parodie d'un genre particulier : non pas la reprise de l'action, ou de quelques scènes, mais une sorte de jugement porté sur l'ensemble des productions dramatiques du moment. Mais le critique se demande de quel droit les auteurs se transforment ainsi en « juges et souverains de la littérature dramatique ». Il leur refuse toute forme de neutralité, et conteste leurs jugements, parfois exagérés, et même ridicules. Jugement sur des personnes, et sur des pièces, dont certaines n'ont pas chu, et même parfois n'ont pas encore été jouées. Un couplet rempli de titres de pièces constitue le convoi funèbre de la tragédie de Jouy permet de voir la méchanceté des attaques contre les pièces du temps, comparée aux méchancetés d'un ouvrage satirique récent contre l'Institut (l'Académie Française), la Sottisiade. Après un couplet d'annonce que le critique qualifie d'« heureux », il achève son propos par le rappel d'un couplet sur la querelle opposant deux actrices à la mode, accusées de « coquetterie », dont elles seraient toutes deux des souveraines. La suite des jugements rapportés dans le Journal des arts, des sciences et de la littérature insiste sur le succès de la pièce.]

Première représentation du Cimetière du Parnasse ou Typpo malade, Vaudeville en un acte de MM. Théaulon et Dartois.

Contre la coutume établie depuis longues années, la parodie nouvelle n'a aucun rapport avec l'ouvrage original On n'a cherché à parodier ni l'action, ni même quelques scènes ; MM. Théaulon et Dartois ont voulu seulement s'établir juges et souverains de la littérature dramatique, et décider dans leur sagesse quels ouvrages méritaient plus ou moins les honneurs de la sépulture.

Malheureusement l'opinion de ces Messieurs n'est pas tout à fait exempte de partialité, et quelquefois leurs épigrammes paraissent si fort exagérées, qu'elles prennent une teinte ridicule. Leurs plaisanteries répétées sur Baptiste aîné, sur Michelot, sur M. de Jouy, n'ont aucun sel. Elles sont bien plus déplacées encore quand elles portent sur des ouvrages qui n'ont point éprouvé de chûte, ou que le public n'a pas jugés. Par exemple, M. Oubli, gardien du cimetière, prépare la fosse dans laquelle doit tomber le Mari de circonstance. Voilà peut-être la première fois qu'on ait attaqué sur la scène une pièce qui n'y avait pas encore paru. Il y a plus que de l'injustice dans un pareil écart, il y a de la méchanceté et un oubli total des convenances.

Plus loin on compose ainsi le convoi de la tragédie de Typpo :

Air de Marianne.

Près de lui sa famille marche
En gémissant sur son trépas :

M. Beaufils ouvre la marche,
Et Fernand Cortez suit ses pas.
        Mornes et tristes,
        Les Aubergistes,
        A son côté,
Cachent leur qualité.
        Une
Marchande,   *
        Par contrebande,
        Les suit gaiment
        A cet enterrement.
Une
Bayadère célèbre,
Sur sa tombe ici dansera,
Et la
Vestale chantera
Son oraison funèbre.

On ne saurait refuser sans doute à ce programme tant soit peu d'esprit et de gaieté ; mais je défie qu'on y trouve le sens commun. En général, le Cimetière du Parnasse ne manque ni de traits saillans, ni d'originalité ; mais la critique qu'il renferme est si âcre, qu'on le prendrait plutôt pour la Sottisiade en action que pour une parodie. Le public et les ouvrages personnifiés sont des conceptions malheureuses : l'action est pénible et obscure ; quant aux couplets, c'est la meilleure partie de la pièce, on y reconnaît le talent et la facilité dont les auteurs ont toujours fait preuve.

On a beaucoup ri à la première représentation. Plus les injures étaient directes, plus elles ont obtenu d'applaudissemens. Comment, après cela, les jeunes auteurs ne seraient-ils pas encouragés à parcourir la même carrière ?

Le couplet d'annonce était heureux : c'est le seul que l'on ait redemandé. Aussi annonçait-il plus de modestie que tous les autres.

Le bon goût, en docteur habile,
Met tant de pièces au cercueil,
Que notre petit vaudeville
A cru devoir prendre Ie deuil.
A ce cimetière du Parnasse,
Messieurs, venez verser des pleurs....
Mais n'envoyez pas nos auteurs
Y prendre la première place.

Un couplet sur la querelle de Mlle. Mars et de Mlle. Levert a fait à lui seul plus de bruit que toute la pièce. Le parterre a paru mécontent d'entendre dire, à propos des deux rivales :

Au trône heureux de la coquetterie,
Toutes les deux sont dignes de monter.

Les auteurs ont oublié qu'en prenant ainsi le parti de l'une et de l'autre, ils se brouillaient avec les amis de toutes deux.                 M.

* La Marchande de modes, vaudeville,

Dans la suite du même numéro, le Cimetière du Parnasse est cité à plusieurs reprises dans le « Bulletin de Paris » :

* p. 295 :

Jeudi 25 février.

Le Cimetière du Parnasse n’a pas non plus été joué dans la solitude : dès la fin de la première pièce toutes les loges étaient occupées.

Vendredi 26 février.

Le Journal de Paris laisse un peu percer l'indulgence, dans le compte qu'il rend du Cimetière du Parnasse. Il trouve que la pièce ne manque ni d'esprit ni de malice. Passe pour l'esprit, mais depuis quand a-t-on confondu avec la malice d'amères épigrammes et des personnalités ?

La Gazette s'empresse de rendre compte de la Tour de Witikind et de Palmerin, joués douze jours auparavant. La Gazette avait d'abord en deux mots critiqué ces deux ouvrages dans ses Variétés ; aujourd'hui le feuilleton en fait l'éloge.

Le même journal annonce que le Cimetière du Parnasse a paru généralement ennuyeux. Le Rédacteur ne rend pas là un compte bien exact de l'effet qu'a produit la représentation. Malheureusement pour le bon goût et pour la décence, le Cimetière du Parnasse a été couvert d'applaudissemens depuis le couplet d'annonce jusqu'au vaudeville final.

* p. 296 :

Samedi 27 février.

Le Feuilleton [dans le Journal de l’Empire] a parlé du Cimetière du Parnasse avec beaucoup de plaisir. M. Geoffroy n'a laissé passer aucune des épigrammes que ce vaudeville renferme, sans les accompagner d'un trait de sa façon ; mais en général, il a montré plus d'envie d'être méchant que de méchanceté.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année,1813, tome II, p. 211 :

[Même constat de succès dans le Magasin encyclopédique.]

THEATRE DU VAUDEVILLE.

Le Cimetière du Parnasse, ou Tippoo malade, pompe funèbre, en un acte, mêlée de vaudevilles, jouée le 25 février.

La parodie ou plutôt la revue critique donnée au Vaudeville ne manque ni d'esprit ni de malice ; mais son défaut principal est de n'être ni assez gaie, ni assez intelligible. Les pièces qu'on y critique sont présentées tantôt comme des étres métaphysiques, tantôt comme des personnages réels, c'est un mélange bizarre du sens naturel et du sens figuré. Quelques traits ont. paru un peu trop vifs, et passer les bornes de la parodie.

Le rôle de l'Hermite de Pantin, qui représente assez mal l'ingénieux hermite de la Chaussée-d'Antin, auteur de Tippoo, est une personnalité sans sel et sans gaieté. Baptiste aîné, figuré par Guinée monté sur des échasses, est l'objet de plusieurs plaisanteries cruelles.

Les auteurs ont cru tout réparer, en faisant chanter à la fin un couplet d'éloges pour M. de Jouy.

La pièce a réussi sans contestation, à l'exception d'un couplet sur Mesdemoiselles Mars et Emilie Leverd.

Le Cimetière du Parnasse est de MM. THÉAULON et D'ARTOIS.

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1814, huitième année, p. 123-124 :

LE CIMETIÈRE DU PARNASSE, ou Tippo malade, pompe funèbre en 1 acte, par M. Théaulon et Dartois. (25 février.)

Cet ouvrage est plutôt le Catalogue des pièces nouvelles, bonnes ou mauvaises, et bien ou mal accueillies par le public, qu'une parodie ; les auteurs ont voulu s'établir juges et souverains de la littérature dramatique, et décider dans leur sagesse, quels ouvrages méritaient plus ou moins les honneurs de la sépulture. Ce qui prouve que leur arrêt devait être cassé, c'est qu'ils ont oublié de commencer par enterrer quelques-unes de leurs pièces, quoique peu de celles dont ils ont parlé fussent plus dignes de mourir en naissant.

Le gardien du Cimetière du Parmasse préparait la fosse du Mari de Circonstance avant que cet ouvrage eût paru. Il y a de la méchanceté et un oubli total des convenances dans un pareil écart, et nous nous faisons un devoir de dire que cette Pompe funèbre est une conception malheureuse ; que l'action en est obscure et pénible, et que les traits méchants qu'elle renferme sont presque toujours lancés aux dépens de la vérité.

Pour être plus justes que les parodistes, nous dirons que leur Cimetière a fait rire. Le public aime les épigrammes. La pièce devait réussir, elle n'a cependant été jouée que dix à douze fois.

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