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Action

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Action.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 20-22 :

ACTION. On entend par ce terme ce qui fait le fond ou le sujet principal d'une Tragédie. Voyez Sujet. L'Action doit être une, c'est-à-dire, n'offrir qu'un point capital auquel tous les incidens du Poëme Dramatique se rapportent, de maniere à le faire sortir & à le rendre plus sensible- Voyez Episodes, Incidens.

Mais s'il faut éviter une Action chargée d'intrigues & d'évenemens, il faut prendre garde aussi que l'extrême simplicité ne rende le sujet nud & stérile. L'Action, dit Aristote, doit avoir une juste grandeur, c'est-à-dire , qu'elle ne doit être ni si petite qu'elle échappe à la vue, ni si grande qu'elle confonde la mémoire de l’Auditeur, & égare son imagination. La raison en est dans la nature de l'esprit humain : l'esprit aime à voir & à agir ; ce qui est la même chose pour lui ; mais il veut voir & agir sans peine ; & ce qui est à remarquer, tant qu'on le tient dans les bornes de ce qu'il peut faire sans effort, plus on lui demande d'Action, plus on lui fait de plaisir : il est actif jusqu'à un certain point ; au-delà, très-paresseux. D'un autre côté , il aime à changer d'objet & d'Action. Ainsi il faut en même tems exciter fa curiosité , ménager sa paresse, prévenir son inconstance ; ce qui est important, nouveau, singulier, rare en son espèce, d'un évenement incertain, pique la curiosité de l'esprit : ce qui est un & simple, accommode sa paresse ; ce qui est diversifié, convient à son inconstance : d'où il est aisé de conclure qu'il faut que l’objet qu'on lui présente, ait toutes ces qualités ensemble, pour lui plaire parfaitement.

II faut que l’Action soit noble, intéressante.

Le secret est d'abord de plaire & de toucher.
Inventez des ressorts qui puissent m'attacher. Boileau.

Elle doit être vraisemblable.

Jamais au Spectateur n'offrez rien d'incroyable.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.

La Fable doit être disposée de maniere qu'elle attache dès le commencement, qu'elle marche toujours par les obstacles mêmes, & qu'elle ajoute de Scène en Scène à l'émotion qui ne peut gueres se soutenir qu'en croissant.

Le sujet de l'Action doit fixer d'abord les yeux du Spectateur.

Que dès les premiers vers, l'action préparée,
Sans peine, du sujet applanisse l'entrée.
Je me ris d'un Auteur qui lent à s'exprimer,
De ce qu'il veut d'abord ne sait pas m'informer,
Et qui débrouillant mal une penible intrigue,
D'un divertissement me fait une fatigue,

Voyez Exposition.

L'Action doit être continue, c'est-à-dire, qu'elle doit être distribuée de maniere que les Scènes d'un Acte, liées les unes avec les autres, ne laissent point le Théâtre vuide ; que chaque personnage doit avoir sa raison d'entrer & sa raison de sortir ; que les Actes en finissant, doivent laisser le Spectateur dans l'attente de quelque évenement, & qu'il faut marcher ainsi jusqu'au dénouement complet qui décide du sort de tous les personnages, & qu'enfin la Piéce doit finir dès que la curiosité du Spectateur est satisfaite. Voyez Art Théâtral, Intrigue, Dénouement.

Tout doit être Action dans une Tragédie; non que chaque Scène doive être un événement ; mais chaque Scène doit servir à nouer ou à dénouer l'intrigue. Chaque discours doit être ou obstacle ou préparation-

Pour donner à l'Action plus de grandeur, il faut tâcher de choisir un jour remarquable par quelque circonstance intéressante. Dans Cinna, l'Action commence au moment où une conjuration est prête d'éclater. Dans Horace , c'est un jour de bataille qui doit décider du sort d'Albe & de Rome. Dans Rodogune, c'est un jour où Cléopatre doit décider lequel de ses deux fils est l'aîné, & lui succédera.

On n'entre dans aucun détail fur l'Action Théâtrale, relativement à la Comédie , parce que les principes de l'Art sont les mêmes, & que les moyens seuls, sont différens. Voyez Comédie, Comique, Rire Théâtral, &c.

Références :

Pièces :

Corneille, Cinna.

Corneille, Horace.

Corneille, Rodogune.

Critique littéraire :

Aristote.

Boileau, Art poétique, chant III, vers 23-24, vers 47-48 et vers 25-32.

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